La Mairie de Paris s'attaque à la grossophobie

Publié le Jeudi 30 Novembre 2017
La Mairie de Paris s'attaque à la grossophobie
La Mairie de Paris s'attaque à la grossophobie
Dans cette photo : Anne Hidalgo
Pour faire face à la grossophobie, la Mairie de Paris met en place une journée pour lutter contre les discriminations faites aux personnes en surpoids ou obèses.
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Paris s'attaque à la grossophobie. Hélène Bidard, adjointe chargée de l'égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations à la Mairie de Paris, prépare cet événement depuis un an. Le 15 décembre prochain, une journée sera dédiée à la lutte contre les discriminations subies par les personnes fortes dans les salons de l'Hôtel de Ville, rapporte Buzzfeed. Alors que les pouvoirs publics concentrent leurs efforts pour lutter contre l'obésité, Hélène Bidard estime que le moment est venu de s'attaquer à la peur, à l'hostilité, voire au rejet des personnes rondes. "En France, ce n'est pas considéré comme un sujet, déplore-t-elle. Moi, j'ai envie de travailler sur la question de la discrimination sur le critère à l'apparence physique".

Intitulée "Grossophobie, stop ! Ensemble réagissons", cette journée sera rythmée par deux tables rondes qui évoqueront la grossophobie médicale, dans les transports, l'espace public et lors de l'embauche. Selon une étude menée par le Défenseur des droits et l'Organisation internationale du travail, les femmes obèses seraient en effet huit fois plus discriminées à l'embauche à cause de leur apparence physique et les hommes trois fois plus. Or comme le stipule l'article 225-1 du code pénal, "constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur apparence physique".

"On cherche vraiment à faire de l'empowerment et faire que les médias s'en préoccupent, explique Hélène Bidard. Pour que, in fine, les femmes et hommes politiques se rendent compte qu'il y a là un vrai sujet, qui touche plus particulièrement les catégories populaires et qu'ils ne peuvent pas continuer à faire comme si ces personnes étaient complètement invisibles de la scène politique". Seront également prévus la diffusion de vlogs, la signature d'un manifeste par plusieurs personnalités ayant déjà été victimes de grossophobie, ainsi qu'un défilé de mode pour mettre les rondeurs en valeur, organisé par la star de télé-réalité Vincent Mc Doom.

L'obésité n'est pas "une maladie de volonté"

Si le terme est peu connu, la grossophobie est une vraie discrimination qui touche une large population puisque 49% des Français sont en surpoids et 17,2% sont obèses, soit dotés d'un indice corporel (IMC) supérieur à 30. Selon Gabrielle Deydier, auteure de On ne naît pas grosse, la société a tendance à considérer que "le gros est responsable de son état", que "c'est une maladie de la volonté". Dans une interview accordée au Dauphiné, elle explique au contraire, que "l'obésité est une maladie multifactorielle". "On ne peut pas devenir obèse juste comme ça, en mangeant trop. En mangeant trop, on peut être en surpoids".

Les facteurs qui contribuent à l'obésité sont en effet complexes et nombreux. Elle peut résulter d'un déséquilibre entre les apports et les dépenses d'énergie, liée à des facteurs psychologiques (difficultés personnelles ou professionnelles, déprime, dépression), à un mauvais rythme de vie (absence d'activité physique, perte d'emploi, consommation excessive d'alcool), la prise de certains médicaments, le contexte génétique ou d'une maladie. Les risques liés à l'obésité sont également multiples. À l'échelle mondiale, le surpoids et l'obésité sont liés à davantage de décès que l'insuffisance pondérale. D'après le site de statistiques Planetoscope, on enregistre 2,8 millions de décès dus à l'obésité dans le monde, soit 6850 par jour. Un constat alarmant qui fait de l'obésité la cinquième cause de mortalité au niveau mondial et la troisième dans les pays riches.

L'obésité chez l'enfant, handicap pour son avenir

Mais les adultes ne sont pas les seuls à souffrir de la grossophobie. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, en 2016, 41 millions d'enfants de moins de 5 ans étaient en surpoids ou obèses. Un fléau qui touche également 340 millions d'enfants et adolescents âgés de 5 à 19 ans. A l'école, la corpulence apparaît comme la première cause de discrimination, devant les discriminations raciales. Les enfants obèses sont souvent stigmatisés, mis à l'écart ou même harcelés.

Jean-Pierre Poulain, sociologue à l'université de Toulouse, expliquait lors d'un colloque en 2009 à Sciences-Po Lille, que "la stigmatisation repose sur un système de représentations et de croyances" qui font de l'obésité le reflet des qualités morales de l'individu. Selon lui, parce qu'elles apparaissent dans l'inconscient collectif comme étant "sans volonté", les personnes obèses "ont un taux d'accès à l'enseignement supérieur plus faible. Elles trouvent plus difficilement un emploi. Leur niveau de revenu est significativement plus bas". Ceci résultant d'une succession d'idées préconçues, symptômes d'une société dominée par la tyrannie du "beau" et du "mince".