Le cuir d'ananas va-t-il sauver la planète ?

Publié le Lundi 20 Mars 2017
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Le cuir d'ananas va-t-il sauver la planète ?
Le cuir d'ananas va-t-il sauver la planète ?
Aux Philippines, une petite entreprise qui s'est spécialisée dans la fabrication de cuir végétal à partir de fibres d'ananas pourrait bien révolutionner le monde de la mode. Et, par la même occasion, contribuer à sauver notre planète.
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D'ici quelques années, les sneakers et les sacs de créateurs seront peut-être fabriqués non pas à partir de cuir animal... mais à partir de fibre d'ananas. C'est en tout cas le souhait de Carmen Hijosa.


Cette designeuse d'origine espagnole a longtemps travaillé dans l'industrie du cuir animal. Cherchant une alternative qui prendrait en considération le bien-être animal et serait plus respectueuse de l'environnement, elle a mis au point le Piñatex, un cuir 100% végétal fabriqué à partir des fibres de feuilles d'ananas. Elle est aujourd'hui à la tête d'une entreprise aussi novatrice que lucrative basée aux Philippines qui s'est spécialisée dans la fabrication de ce cuir écolo.

Une alternative au cuir animal

"Nous sommes une alternative au cuir et aux produits textiles à base de pétrole, nous sommes éco-durables, et nous avons une solide base sociologique et écologique, affirme Carmen Hijosa dans The Guardian. Comme c'est un sous-produit de la culture de l'ananas, le Piñatex n'a pas besoin de terres supplémentaires."

Si Piñatex est la toute première entreprise au monde à commercialiser le cuir d'ananas, l'entreprise s'est en réalité inspirée d'une technique ancestrale, bien connue aux Philippines puisque les artisans utilisaient dès le XVIe siècle cette fibre très résistante pour créer des accessoires féminins. C'est aussi dans ce cuir végétal qu'est fabriqué le Barong Tagalog, une tenue cérémonielle portée par les Philippins.

Du cuir écolo-friendly

Fin, robuste et ressemblant beaucoup au cuir animal, le Piñatex nécessite beaucoup de travail et de patience : il faut 480 feuilles (soit environ 16 ananas) pour fabriquer un mètre carré de textile qui servira ensuite à créer chaussures, sacs, canapés ou revêtement intérieur de voitures.

"Il y a un fossé sur le marché entre les textiles produits à base de pétrole et le cuir, dont le prix est moyen. C'est précisément ce fossé que les produits à base de Piñatex tentent de combler", explique Carmen Hijosa.

Surtout, l'impact environnemental du cuir d'ananas est sans comparaison avec celle du cuir animal, dont l'industrie utilise le pétrole pour sa fabrication. Il est aussi bénéfique pour la planète que pour les bovins dont les vies sont de fait épargnées. "En d'autres termes, nul besoin d'utiliser des terres, de l'eau, des pesticides ou des engrais", affirme Carmen Hijosa au magazine Fast Co. "Nous nous basons en fait sur un matériau de récupération que nous 'surclassons' en lui apportant de la valeur ajoutée."

Certaines grandes marques de prêt-à-porter ne s'y sont d'ailleurs pas trompées. C'est le cas de Puma ou encore de Camper qui ont mis au point des modèles réalisés en cuir 100% végétal. Et Carmen Hijosa ne compte pas s'arrêter là. Pour produire en quantité industrielle le Piñatex, l'entrepreneuse a créé Ananas Anam, une entreprise qui travaille en relation directe avec des cultivateurs philippins. Ananas Anam leur apporte une aide logistique pour extraire les fibres des feuilles d'ananas qui finiraient sinon à la poubelle une fois le fruit récolté. L'entreprise a pour objectif de vendre 1 000 mètres carrés de Piñatex d'ici 2018.

Elle pourrait bien y parvenir grâce à la notoriété grandissante dont jouit Piñatex et sa créatrice Carmen Hijosa. Cette dernière s'est vue décerner le prix de l'innovation matérielle 2016 par le Royal College of Arts de Londres, ainsi que le prix de l'innovation 2015 par la branche britannique de l'association de protection des animaux Peta.