Les règles s'affichent et choquent dans le métro de Stockholm

Publié le Lundi 06 Novembre 2017
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Les règles s'affichent et choquent dans le métro de Stockholm
Les règles s'affichent et choquent dans le métro de Stockholm
À Stockholm, la station de métro Slussen accueille depuis plusieurs semaines des oeuvres de la graphiste Liv Strömquist qui représentent, entre autres, des femmes ayant leurs règles. Ce qui ne plaît pas à tous les usagers du métro suédois.
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Depuis cinq semaines, lorsqu'ils empruntent la station de métro Slussen, au centre de Stockholm, les usagers du métro peuvent admirer, au détour d'un souterrain ou en attendant de monter dans une rame, les dessins de Liv Strömquist.


Cette graphiste suédoise, également auteure de bandes dessinées, est en effet à l'honneur, comme beaucoup d'autres artistes locaux, dans le métro de Stockholm. Régulièrement, les stations les plus fréquentées comme Slussen abritent des expositions temporaires afin de mettre en avant leur travail et ainsi participer à leur renommée. Et généralement, ces expositions sont plutôt bien accueillies par les utilisateurs du métro.

Ce qui n'est pas le cas de "The Night Garden", qui met à l'honneur le travail de Liv Strömquist. Car outre ses dessins au trait naïf d'animaux exotiques, d'hommes et de plantes, plusieurs de ses oeuvres mettent en scène des femmes qui ne répondent pas vraiment aux standards de beauté habituellement admis. Déjà, elles ne sont pas épilées, mais surtout – et c'est là d'où vient la polémique – elles sont représentées avec leur culotte tâchée de sang menstruel.

Un des dessins de Liv Strömquist affichés dans le métro de Stockholm
Un des dessins de Liv Strömquist affichés dans le métro de Stockholm

Ainsi, l'un des dessins exposés représente une patineuse au repos, jambes écartées, une tâche de sang rouge vif bien visible, en dessous de laquelle figure la phrase : "It's Alright (I'm Only Bleeding)" ("C'est bon, je ne fais que saigner"). Sur un autre panneau, ce sont cette fois deux patineuses qui sont représentées en miroir en train d'avoir leurs règles.

"Ce n'est pas de l'art, c'est dégoûtant"

Inspirées selon l'auteure par du genre de la poésie pastorale, ces images ont provoqué l'émoi des passagers, visiblement choqués d'une représentation aussi frontale du sang menstruel. Sur Twitter, ils ne se sont pas gênés pour exprimer leur répugnance. "Ce n'est pas de l'art, c'est dégoûtant", s'exclame ainsi un internaute dans un tweet repéré par The Guardian.

"Ce n'est pas drôle d'expliquer à une enfant de quatre ans ce qu'est ce rouge entre les jambes", s'est plaint un autre usager du métro.

La plupart des critiques émises sur Twitter portent sur la cadre choisi pour exposer le travail de Liv Strömquist. "Charmant ! Maintenant, les habitants de Stockholm peuvent profiter des règles même dans le métro", râle un internaute. "Il ne suffit pas d'avoir ses règles une fois par mois, maintenant on nous le rappellera chaque fois qu'on prendra le métro", s'indigne un autre.

Une autre oeuvre signée Liv Strömquist
Une autre oeuvre signée Liv Strömquist

Interrogée sur les ondes de Sverige Radio, l'artiste a expliqué qu'elle était habituée à ce que son travail suscite la controverse et estimé que "The Night Garden" avait provoqué une discussion scène et nécessaire sur les règles, qui sont encore aujourd'hui taboues. "C'est bizarre que cela soit jugé si provocateur, car c'est quelque chose que nous voyons tout le temps, a-t-elle déclaré à la chaîne de télévision SVT. J'ai du mal à comprendre tout ça."
"Célébrer le corps humain sous toutes ses formes"

Interrogée par The Guardian Cites, la porte-parole de la compagnie de transport SL de Stockholm Martina Viklund a affirmé que les plaintes officielles sur les images de Liv Strömquist étaient prises au sérieux. Néanmoins, pas question de décrocher les dessins qui suscitent la controverse. Elle précise que toutes les oeuvres exposées ont été choisies par un comité composé d'employés de la compagnie de transport, de conseillers en art et d'artistes. "Nous ne souhaitons pas que le travail offensant. Mais cela étant dit, nous n'avons pas de politique particulière concernant les différentes expressions du corps humain nu."

"L'art est une forme de tradition où le corps humain a toujours été sujet à interprétation, poursuit Martina Vicklund. En montrant l'art de Liv Strömquist, nous voulions célébrer le corps humain sous toutes ses formes."
Les usagers du métro devront donc continuer à "supporter" la vue d'un peu de sang en empruntant le métro. Et vu le tabou, mais aussi les mythes et clichés qui entourent encore aujourd'hui les règles, on se dit que c'est pas plus mal.