Linda Lovelace : comment la star de Gorge profonde est devenue militante anti-porno

Publié le Mercredi 08 Janvier 2014
Ariane Hermelin
Par Ariane Hermelin Journaliste Terrafemina
Journaliste société passée par le documentaire et les débats en ligne sur feu Newsring.fr.
Linda Lovelace : comment la star de Gorge profonde est devenue militante anti-porno
Linda Lovelace : comment la star de Gorge profonde est devenue militante anti-porno
«  Lovelace », biopic consacré à Linda Susan Boreman, plus connue sous le nom de Linda Lovelace, l’héroïne du célèbre film pornographique « Gorge Profonde », sort sur les écrans ce mercredi 8 janvier. Le film retrace le destin contradictoire de cette jeune femme érigée en symbole de l’Amérique libérée des années 70 et qui épousa par la suite la cause du mouvement anti-pornographie.
À lire aussi


Linda Lovelace est la vedette d’un seul film, mais quel film... Gorge Profonde, ou Deep Throat dans la version originale, premier film pornographique sorti en salles, démocratisa le genre, en pleine libération des moeurs. En incarnant cette héroïne dotée de capacités buccales de nature à faire frémir tous les hommes, cette « girl next door » va devenir l’une des premières stars du porno.

Une blanche colombe dotée d’un talent particulier

Issue d’un foyer conservateur, Linda Susan Boreman va s’émanciper grâce à sa rencontre avec Chuck Traynor, qu’elle épouse en 1971. Cet ancien officiel de la marine américaine l’emmène à New York et la fait entrer dans le milieu, alors très confidentiel, du cinéma pornographique. Tourné en Floride et en six jours par un certain Gerard Damiano, Gorge profonde raconte l’histoire d’une jeune femme qui souffre de ne pas avoir d’orgasme et craint d’être frigide. Lors d’une visite chez le médecin, celui-ci découvre que son clitoris est situé au fond de sa gorge et lui explique qu’elle ne pourra atteindre l’orgasme qu’en se livrant à des rapports buccaux. Pendant le reste du film, l’héroïne explore son talent pour la fellation auprès de nombreux partenaires.

Naissance du « porno chic »

Gorge Profonde a déclenché un scandale à sa sortie et inspiré un mouvement. Dans une critique parue dans le très sérieux New York Times, le journaliste Ralph Blumenthal crée l’expression « porno chic », afin de désigner la première vague de longs métrages pornographiques sophistiqués que représentent le film de Damiano et Behind the Green Door. Gorge Profonde a été un des premiers films pornographiques à être diffusé dans des salles de cinéma traditionnelles. Ce film, présenté comme une comédie au ton sarcastique, sera l’objet de nombreux débats dans une Amérique divisée entre puritanisme et hédonisme.

Un pistolet sur la tempe

Devenue une icône du sexe libéré, Linda Lovelace va cependant renier par la suite cette image. Dans une de ses autobiographies, L’Epreuve, elle compare le tournage du film à un viol et écrit que son époux lui aurait fait jouer certaines séquences sous la menace d’une arme à feu. Elle ira jusqu’à dire : « Quand vous regardez Gorge Profonde, vous me regardez en train d’être violée. C’est un crime que ce film soit encore diffusé, j’avais un pistolet pointé sur la tempe pendant tout le tournage. » Des affirmations rejetées plus tard par le réalisateur Gerard Damiano et l’acteur principal, Harry Reems, qui ont toutefois reconnu que Linda Lovelace subissait les violences de son mari.

Croisade anti-porno

Ce rejet va conduire Linda Lovelace à devenir une farouche militante anti-porno. Elle donne de nombreuses conférences dans des universités aux côtés de groupes féministes afin de dénoncer les dérives de l’industrie pornographique. Sa croisade contre le porno est telle que le réalisateur de films pornographiques Hart Williams inventera plus tard l’expression « Linda Syndrome » pour désigner les actrices de X « repenties », qui renient leur passé en accusant l'industrie de les avoir exploitées. Tour à tour symbole de l’éclosion du cinéma pornographique et porte-drapeau de la cause féministe anti-porno, Linda Lovelace illustre ainsi paradoxalement le double visage de l’Amérique : d’un côté une Amérique libérée, voire attirée par le stupre, et, de l’autre une Amérique bigote qui s'offusque de la « relation buccale » entre son président et une stagiaire de la Maison-Blanche.

VOIR AUSSI

Amanda Seyfried incarne Linda Lovelace
Sharon Stone maman de Linda Lovelace au cinéma !
Nymphomaniac, Don Jon, Thanks for Sharing, le porno soft s'invite au cinéma