Russell Crowe balance sur les actrices et c'est... n'importe quoi

Publié le Mercredi 07 Janvier 2015
Ariane Hermelin
Par Ariane Hermelin Journaliste Terrafemina
Journaliste société passée par le documentaire et les débats en ligne sur feu Newsring.fr.
Russell Crowe balance sur les actrices et c'est... n'importe quoi
Russell Crowe balance sur les actrices et c'est... n'importe quoi
Dans cette photo : Russell Crowe
Lors d’une interview au magazine australien « Women’s Weekly », Russell Crowe a taclé les actrices qui n’assumaient pas leur âge et rechignent à accepter des rôles de femmes mûres. Des propos qui, en plus d’être sexistes, nient totalement la réalité de l’industrie d’Hollywood. Eclairage.
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En promo pour la sortie de son dernier film, La promesse d’une vie, Russell Crowe s’en est pris à ses consoeurs d’Hollywood et à leur obsession de l’éternelle jeunesse lors d’un entretien avec le magazine Women’s Weekly. Balayant l’argument - souvent mis en avant par les actrices - selon lequel les propositions de rôles se raréfient avec l’arrivée des premières rides, l’interprète de Gladiator prétend que c’est aux femmes d’assumer leur âge.

« Le meilleur aspect concernant l’industrie dans laquelle je travaille, c’est le fait qu’il existe des rôles pour les gens quel que soit leur âge. Pour être honnête, les femmes qui se plaignent que les rôles qu’on leur propose se raréfient quand elles vieillissent, et qui, à 40, 45 ou 48 ans, veulent encore jouer les ingénues et ne digèrent pas le fait qu’on ne les prenne pas pour jouer des jeunettes de 21 ans. »

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« Tu n'as qu’à jouer le rôle tel qu’il est écrit ! »

Pour étayer son argument, Russell Crowe cite deux actrices, et pas des moindres : « Meryl Streep est l’exemple vivant que cet argument est de la connerie, tout comme Helen Mirren. Si vous êtes prêts à vous accepter tel que vous êtes, vous pourrez toujours jouer. Si vous cherchez à passer pour un jouvenceau alors que vous avez mon âge, cela ne fonctionnera pas. »

Helen Mirren

Et l’acteur de d’achever sa diatribe par une anecdote pour le moins sexiste : « J’ai entendu parler d’une actrice dont les négociations au sujet d’un rôle qu’on lui avait proposé consistait à réduire le nombre d’enfants de son personnage. Vous y croyez ? Ce personnage avait eu quatre enfants, et pour une raison précise : elle vivait dans un pays au climat rigoureux et où la seule activité était le sexe ! Ca ne sert à rien de faire la difficile, tu n'as qu’à jouer le rôle tel qu’il est écrit ! »

30% des rôles sont joués par des femmes

Ces déclarations ont provoqué la colère de certains medias, dont Jezebel, qui a publié une réponse ironique à souhait à l’acteur. Le site féministe note par ailleurs qu’il est étrange qu’une industrie qui récompense les transformations physiques extrêmes, telles celles de Jared Leto et Matthew McConaughey dans Dallas Buyers Club, toux deux couronnés d'un Oscar, ne voie pas d’un bon oeil le fait que des actrices cherchent à transcender leur âge.

Mais la tirade de Russell Crowe témoigne surtout de sa méconnaissance au sujet du fonctionnement d’Hollywood, comme le note le site Junkee. La blogueuse Amy Gray cite ainsi une étude sur le genre dans l’industrie cinématographique parue en 2013 et intitulée « C’est un monde d’hommes ». On y apprend que les femmes ne représentaient que 30% des rôles au cinéma et à la télévision sur les cent premiers films du box-office de l’année 2013.

Meryl Streep, l'exception hollywoodienne

Surtout, cette étude révèle que les rôles de femme mûres se sont réduits comme une peau de chagrin ces dernières années. De fait, il suffit de se pencher sur l’histoire du cinéma américain pour constater que le temps où Katherine Hepburn recevait, à 61 ans, l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans Devine qui vient dîner ce soir, de Stanley Kramer, est bel et bien révolu. Pour une Meryl Streep, qui se voit encore offrir des premiers rôles et qui peut même jouer les séduisantes quinquagénaires, comme dans la comédie Pas si simple, où elle se fait courtiser par Alec Baldwin ET Steve Martin, combien d’actrices délaissées par Hollywood à cause de leur âge ?


Streep Baldwin


Quant à l’exemple fourni par Russell Crowe au sujet d’une actrice restée anonyme qui aurait, selon lui, reculé en raison du nombre d’enfants de son personnage, il est tout aussi ridicule. Le fait de refuser un rôle pour des raisons de crédibilité n’a rien à voir avec le fait de chipoter sur le nombre d’enfants d’un personnage, comme semble le croire l’acteur.

Il est impossible de creuser le cas de l’actrice en question, dont Russell Crowe ne cite pas le nom, mais une chose est certaine : il n’est pas du tout exceptionnel qu’un acteur décline un rôle au motif que son âge ne correspond pas au personnage. C’est ainsi l’argument avancé par Ryan Gosling, pressenti pour jouer dans The Lovely Bones et finalement remplacé par Mark Wahlberg. L’acteur deDrive, alors âgé de 29 ans, estimait que la différence d’âge entre lui et Saoirse Ronan, qui devait jouer sa fille, et avait à l’époque 13 ans, était trop faible pour que cela fonctionne à l'écran.

Prix d'interprétation catégorie « Mère »

En juillet dernier, Vulture consacrait un article aux actrices hollywoodiennes qui ont joué les mères d’acteurs à peine plus jeunes qu’eux au cinéma. A l’origine de cette enquête, le casting du film Tammy, dans lequel Susan Sarandon campe la grand-mère de Melissa McCarthy, alors qu’elles ont simplement 24 ans d’écart dans la vraie vie.

Force est de constater, si on commence à comparer les âges des hommes et des femmes au cinéma, qu’Hollywood a tendance à faire d'actrices à peine trentenaires des mères à l'écranVulture cite ainsi l’exemple de Forrest Gump, dans lequel Sally Field avait simplement 10 ans de plus que Tom Hanks, dont elle incarnait la mère. Plus frappant encore, le cas d’Angelina Jolie, qui joue la mère d’Alexandre, campé par Colin Farrell dans le film éponyme : les deux acteurs ont seulement un an de différence. Ou encore, plus récemment, Eva Green, dont la fille dans White Bird, de Gregg Araki est la jeune star montante Shailene Woodley, née seulement 11 ans après elle. 

Eva Green

Au pays des hommes sexy et des cougars

Pendant que les femmes voient la palette des rôles qu’on leur offre se réduire considérablement avec le temps (il suffit de regarder la carrière de Julia Roberts, qu’on ne voit plus beaucoup à l’écran depuis qu’elle a dépassé quarante ans), les hommes, peuvent, eux, continuer à jouer les héros, voire les partenaires sexuels, et ce, quel que soit leur âge. Il est d’ailleurs amusant de constater que les femmes d’âge mûr qui continuent d’exercer leur séduction sont aisément qualifiées de cougars au cinéma, tandis que leurs partenaires masculins sont toujours considérés comme sexy à cinquante ans passés. D’ailleurs, combien de films pour aborder l’épineuse question du Viagra ? En cela, le film Pas si simple, dans lequel le personnage joué par Alec Baldwin avoue prendre la petite pilule bleue, fait encore une fois figure d’exception. Mais ce film est réalisé par une femme, Nancy Meyers, à l’origine de la comédie féministe Ce que veulent les femmes, qui démontait le personnage du macho viril joué à l’époque par Mel Gibson...

Les acteurs vieillissent, mais pas leurs partenaires. Confirmant ce décalage, le site Vulture (encore lui) a publié une série de graphiques montrant comment l’écart d’âge entre les stars masculines, telles Denzel Washington, Harrison Ford ou George Clooney, et les actrices qui leur donnent la réplique e creuse au fur et à mesure. Ne citons que l’exemple de Tom Cruise, qui, dans Oblivion, donne la réplique à Olga Kurylenko, de 17 ans sa cadette. Ironiquement, cette dernière est d’ailleurs la partenaire de Russell Crowe dans son dernier film. Malgré leur 15 ans de différence.

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