Observatoire Orange- TF : 4 questions à S. Pouts-Lajus

Publié le Jeudi 07 Octobre 2010
Observatoire Orange- TF : 4 questions à S. Pouts-Lajus
Observatoire Orange- TF : 4 questions à S. Pouts-Lajus
Dans cette photo : Nathalie Kosciusko-Morizet
L'Observatoire Orange-Terrafemina révèle à la fois le ralliement des parents d'élèves à l'idée d'une école numérique, et l'implication des professeurs dans ce débat. Consultant en matière d'éducation et de nouvelles technologies, Serge Pouts-Lajus nous livre son analyse des résultats.
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Serge Pouts-Lajus est consultant pour la société de conseil Education et Territoires, chargé des questions informatiques et nouveaux médias, il est également animateur du site le Café pédagogique.

Terrafemina : Le consensus des parents d'élèves sur la nécessité d'intégrer les outils numériques à l'école vous étonne-t-il ?

Serge Pouts-Lajus : Il est en effet remarquable que les parents adhèrent – pour 93% d'entre eux- à l'idée du numérique dans les établissements. Ce résultat me semble d'autant plus intéressant que cette adhésion ne les conduit pas à remettre en cause le fonctionnement de l'école. D'après le sondage en effet, 95% des parents souhaitent que ces nouveaux outils ne remplacent pas l'enseignement traditionnel du professeur face à sa classe. Ils ne veulent pas tout changer, ils croient encore au modèle de l'école à la française, avec une intégration des technologies au cadre scolaire. Cela montre que, contrairement au discours ambiant sur la crise de l'école française, les parents lui font encore confiance.

TF : Le sondage révèle aussi qu'une majorité de parents d'élèves (60%) pensent que l'école n'utilise pas suffisamment ces outils. L'école française est-elle en retard dans ce domaine ?

S. P-L : J'analyserai ce résultat sous un autre angle : je vois que 40% des parents estiment qu'on utilise suffisamment les nouvelles technologies à l'école, ce n'est pas un mauvais chiffre. Une fois encore cela prouve qu'ils croient l'école capable de faire les changements qui s'imposent. Et je pense que dans les 60% qui pensent que l'école n'utilise pas assez les outils numériques, beaucoup attendent qu'elle se réforme à son rythme.
Il est vrai que la France prend plus de temps que d'autres pays, parce que le système éducatif subit une crise profonde pour faire face à l'homogénéité de sa population. L'école Républicaine inventée il y a un siècle n'était pas préparée à une telle fragmentation.

TF : Notre sondage montre aussi que l'usage des blogs de professeurs est très bien vu par les parents, et 77% d'entre eux se disent favorables au projet d'espaces numériques de travail, une plateforme virtuelle où les élèves peuvent stocker et partager des contenus et où les parents peuvent consulter les notes ou l'agenda de la classe. Le numérique pourrait-il servir à relancer ou renforcer le dialogue entre la famille et l'école ?

S. P-L : Oui c'est à cela que les nouveaux outils doivent servir, et notre salut viendra de là. Les ENT –espaces numériques de travail- représentent un outil efficace de communication, sur ce projet la France est plus avancée que les autres pays. L'informatique joue ainsi sur la relation entre les personnes en permettant le dialogue entre l'école et la famille. Notre tradition républicaine suit plutôt le précepte du philosophe Alain : " L'école est là pour libérer les enfants de leurs familles. " Ce n'est plus acceptable aujourd'hui. Beaucoup de murs sont en train de tomber, l'informatique doit aller dans ce sens.

TF : Alors que les professeurs imaginent avec inquiétude leur métier évoluer vers un rôle de guide ou d'assistant, 95% des parents se prononcent pour le maintien du professeur dans son rôle traditionnel face à la classe et ne souhaitent pas voir les cours interactifs remplacer le contact humain. Comment va évoluer selon vous le rôle de l'enseignant ?

S. P-L : Les professeurs ont accepté l'idée de s'ouvrir mais à leur rythme, en préservant ce qui leur semble essentiel. Je pense qu'il est important qu'ils prennent eux-mêmes les initiatives, et qu'on ne leur dise pas sans cesse comment ils doivent faire leur travail. Les nouvelles technologies doivent servir à construire une nouvelle image du métier : un prof normal aujourd'hui doit donner son adresse email juste après son nom à ses élèves, leur parler tout de suite de projets informatiques. Cela change totalement la relation, qui devient one to one. Cela peut susciter des inquiétudes mais c'est en faisant qu'on pourra établir des limites et des règles. Tout professeur se doit d'être informatisé, sinon il faut qu'il change de métier.

Propos recueillis par Marine Deffrennes.

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