Les femmes actives et leur smartphone : "Une réponse au besoin d’être sur tous les fronts"

Publié le Lundi 03 Mars 2014
Les femmes actives et leur smartphone : "Une réponse au besoin d’être sur tous les fronts"
Les femmes actives et leur smartphone : "Une réponse au besoin d’être sur tous les fronts"
À l'heure où l'on demande aux femmes d'être multitâches et de savoir mener de front vie personnelle et professionnelle, le smartphone est devenu l'outil d'organisation par excellence. Finis les temps morts, la moindre minute est optimisée. Le sociologue Serge Guérin revient sur les résultats de l'étude Orange-Terrafemina pour Chérie 25 sur les femmes actives et leur smartphone et met les working-mums en garde : attention à ne pas se laisser entraîner dans une course à l'efficacité.
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Terrafemina : Comment le smartphone modifie notre rapport au quotidien ?

Serge Guérin : C’est toute la question de la temporalité qui est remise à plat. Aujourd’hui les frontières temporelles et physiques ont disparu, vous pouvez être en train de faire vos courses au supermarché tout en communiquant avec un ami à New York. Cela donne le sentiment d’un monde plat, où j’ai accès à tout et à tout le monde.

Tf : À la fois outil pratique et relationnel, quel regard portez-vous sur le smartphone, vous qui avez particulièrement étudié le rapport au travail ?

S.G. : Le boulot s’introduit désormais dans la vie personnelle via le mobile, mais l’inverse est vrai également. Tout se mélange désormais, physiquement et dans la tête. Les femmes sont dans une situation où on leur demande de mener de front une triple vie : de femme, de famille et professionnelle. On exige d’elles d’être multitâches et, d’une certaine façon, l’invention du smartphone répond parfaitement à leurs besoins d’être sur tous les fronts.

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Tf : Alors que 73% des femmes interrogées s’accordent pour dire que leur smartphone leur est particulièrement utile pour gérer leur vie quotidienne, elles sont à peine 27% à dire la même chose pour leur vie professionnelle. Pourquoi un tel écart selon vous ?

S.G. : Je ne trouve pas étonnant que la vie professionnelle ne prenne pas le dessus dans leurs réponses. C’est l’instinct pratique qui prend le dessus : leur téléphone leur permet de pouvoir assurer leurs engagements familiaux et personnels, en plus du fait qu’elles assurent déjà leurs engagements au travail. Elles attachent plus d’importance à tout ce qu’elles arrivent à réaliser en dehors de leurs obligations professionnelles.

Tf : Grâce à son smartphone, gère-t-on finalement sa vie privée comme on gère sa vie professionnelle, en tâchant d’être le plus efficace possible ?

S.G. : On a du mal désormais à accepter les temps morts, à se laisser le droit à la paresse ou à l’inactivité. Chaque instant inexploité doit se rendre utile, il faut de plus en plus que tous les créneaux de la journée soient remplis. Derrière cette course à l’efficacité, se cache l’idée que l’on doit réussir dans toutes les sphères, et pour ce faire on se persuade de devoir organiser et optimiser son temps. Cela donne le sentiment rassurant de tout pouvoir dominer…

Tf : Est-ce qu’on ne risque pas de devenir accro à son portable et de ne plus savoir se déconnecter ?

S.G. : Il y a en effet ce besoin de se sentir relié au monde en permanence. Avant, on ne se levait pas de table pour décrocher le téléphone, aujourd’hui, beaucoup n’ont pas de souci à répondre à leur portable en plein dîner ou après une heure tardive. Les modes de vie changent, les préséances aussi. Mais au nom de quoi le téléphone devrait être prioritaire sur les relations interpersonnelles ? Il faut faire attention à ne pas se laisser déborder. Reste que tout est une question d’équilibre : après tout, c’est comme le reste, ça s’apprend et se domestique. Cela demande un travail sur soi. Le smartphone est un outil qui doit être à mon service, et non l’inverse.

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Tf : L’étude démontre également que le smartphone fait désormais partie de la sphère de l’intime. Certaines le considèrent même un peu comme leur « doudou ».

S.G. : Le smartphone renferme tout l’intime. Les numéros, les messages, les photos… Cela remplace le sac à main, il contient tout ou presque, on y imbrique beaucoup de choses. C’est le ferment de l’intimité d’aujourd’hui :  je sais que je ne suis pas tout seul, c’est un lien direct et permanent avec tous les gens que j’aime. Ce qui fait peur dans ce doudou-là, c’est quand il est vide ou qu’il ne sonne pas…

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Tf : Et vous, quelle utilisation faites-vous de votre mobile ?

S.G. : Mon téléphone est avant tout mon bureau nomade. À part ça, j’ai tenté de réduire au maximum les applications sur mon portable, je crois encore à l’importance de garder du temps pour réfléchir…

>> Découvrez les résultats complets de l'Observatoire Orange-Terrafemina pour Chérie 25 <<

>> Et notre dossier complet sur les femmes actives et leur smartphone <<


*D’après une étude de l’Observatoire Orange-Terrafemina pour Chérie 25 sur les femmes et leur smartphone. Étude qualitative réalisée par l’agence Treize articles auprès d’un panel online de 20 internautes de Terrafemina âgées de 18 à 60 ans, entre le 13 et le 16 février 2014. Étude quantitative réalisée par l’institut Polling Vox auprès d’un échantillon de 528 femmes possédant un smartphone, issu d'un échantillon de 950 personnes représentatif de la population des femmes françaises âgée de 18 ans et plus. L’ensemble des questions, à part les deux portant sur l’équipement en téléphone portable et en smartphone, ont été posées exclusivement aux femmes ayant un smartphone. Sondage en ligne réalisé du 20 au 25 février 2014.