Lecture : « Une année studieuse » d'Anne Wiazemsky

Publié le Samedi 03 Mars 2012
Fanny Rivron
Par Fanny Rivron Journaliste
Lecture : « Une année studieuse » d'Anne Wiazemsky
Lecture : « Une année studieuse » d'Anne Wiazemsky
Dans cette photo : Jean-Luc Godard
Nous sommes en 1966, Anne Wiazemsky est une adolescente parisienne comme une autre, elle vient d'échouer au bac et prépare le rattrapage. Seulement, elle va bientôt rencontrer Jean-Luc Godard, tourner dans son film « La Chinoise » et l'épouser. Récit dans « Une année studieuse ».
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Ça commence sur un coup de tête : en juin 1966, la jeune Anne Wiazemsky qui vient de voir « Masculin féminin » adresse une lettre à Jean-Luc Godard aux Cahiers du Cinéma. « Je lui disais avoir beaucoup aimé son dernier film […]. Je lui disais encore que j’aimais l’homme qui était derrière, que je l’aimais, lui ». Ce n’est que la déclaration spontanée et irréfléchie d’une jeune fille de 19 ans mais elle va enflammer le pape de la Nouvelle Vague.

Coup de fil de Godard, le rendez-vous est pris, le coup de foudre est immédiat. C’est le mois de juillet. Entre virées en décapotable et balades en Avignon, Anne découvre la passion et l’amour charnel dans les bras d’un Jean-Luc Godard de 36 ans, méconnaissable, romantique, drôle, possessif, jaloux. Seulement en 1966, on est encore mineur jusqu’à 21 ans, Anne en a 19 et n’est autre que la petite-fille de François Mauriac, le plus catholique des écrivains, et issue d’une famille bourgeoise qui ne va pas tarder à découvrir, consternée, la relation de la jeune fille.

« Une année studieuse » c’est donc le récit d’une émancipation dans une France des années 60. Celle d'une jeune femme qui sort du chemin tout tracé d'une vie bourgeoise et qui se débat, entre la franche hostilité d’une mère et la rigidité finalement relativement bienveillante du grand-père pour gagner sa liberté et imposer sa passion et son mariage avec l’enfant terrible du cinéma français. « Devenir le grand-père de Jean-Luc Godard, quelle consécration » badinera finalement François Mauriac en apprenant le mariage prochain des deux amoureux. C’est aussi le récit de l’union, belle « comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie », (une phrase tirée de Nadja de Breton et citée à plusieurs reprises et sans doute pas par hasard dans le roman) entre la tradition catholique et la révolte maoïste du héros de la Nouvelle Vague.

Un roman d’apprentissage touchant aussi, qui livre la pensée d’une jeune fille qui, en un an, va vivre l’oral du bac de philosophie, la faculté de Nanterre, un mariage express dans un petit comté de Suisse, le tournage de « La Chinoise », la jalousie, le doute, l’amour. Un livre qui pourrait être ordinaire si l’amant ne s’appelait pas Jean-Luc Godard, le grand-père François Mauriac, le meilleur ami Antoine Gallimard, le professeur Francis Jeanson. Si on n’y croisait pas Jean-Pierre Léaud, Jacques Rivette, Bernardo Bertolucci, Jean Vilar, Maurice Béjart, Jeanne Moreau… La galerie de « personnages » est étourdissante. Mieux, ils apparaissent chacun sous un jour inattendu. Godard en amoureux fleur bleue, Daniel Cohn-Bendit en étudiant déjanté et dragueur. Mauriac en grand-père affable. Rafraîchissant.

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