"Abruti de fonctionnaire", un auteur inconnu créé le buzz

Publié le Mercredi 16 Mai 2012
"Abruti de fonctionnaire", un auteur inconnu créé le buzz
"Abruti de fonctionnaire", un auteur inconnu créé le buzz
Paru en décembre 2011, "Abruti de fonctionnaire", de Henri Rouant-Pleuret, surprend et génère une véritable polémique. Publié à compte d'auteur et donc délaissé par la presse de masse, il créé la surprise en se propulsant en tête des ventes dans de nombreux sites marchands. Quelles sont les raisons et les étapes d'un tel succès écrit par un auteur anonyme ?
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Sortie du livre et début d'un buzz


C'est grâce au "Bouches à oreilles" dans la fonction publique que tout a commencé. Ce nouveau livre, paru discrètement aux éditions du Panthéon et à compte d'auteur, ce qui signifie que l'auteur a financé sa publication, n'a fait l'objet d'aucune publicité. Grâce à quelques messages dans des forums de la fonction publique, le buzz a démarré. D'abord par des mails, puis des diaporamas, l'information s'est diffusée comme une trainée de poudre dans de nombreuses mairies et sur Internet. Les résultats ne se firent pas attendre car, à peine un mois après sa sortie, le livre a pointé le bout de son nez dans les hauteurs des classements sur les sites de vente en ligne.

Que raconte l'ouvrage

Fabien, un père de famille et cadre de la fonction publique, las des aberrations qu'il vit au travail et de surcroit victime d'un harcèlement moral, décide un jour de tout raconter par écrit. Ses journées, ses discussions avec ses collègues, ses chefs et les élus, les magouilles auxquelles il est confronté tous les jours... Tout y passe. Et le constat est édifiant. L'ouvrage est un condensé de deux années de sa vie professionnelle. 304 pages truffées d'histoires ubuesques et entrecoupées de réflexions philosophiques sur sa vie, son couple, ses enfants et la nature. Une histoire qui se lit agréablement, facilement et qui ne laisse pas indifférente.

Un bonus appelé "dictionnaire de la dysfonction publique" est intégré en début de livre afin de mettre le lecteur dans l'ambiance du fonctionnariat. On y trouve par exemple la définition d'objectif.

"Objectif : (avoir un) : Système optique complexe qui se fixe a? un boitier d’appareil photographique. Les fonctionnaires n’ont toujours pas compris pourquoi leurs supérieurs re?pe?tent sans cesse ce mot durant les réunions alors que leur travail n’a aucun lien avec la photographie."

Un subtil mélange d'humour, de sarcasmes et de sentiments sur un lit de harcèlement et de mise au placard. Tous les éléments sont là pour provoquer le succès.

La presse s'y intéresse


En Janvier 2012 déjà, le site Internet "Nouveauxlivres.fr" remarquait l'ouvrage et lui offrait une critique positive. En février, la revue littéraire "nomenculture" s'y intéressait et félicitait l'auteur pour ce premier ouvrage. En Mars, c'est au tour de l'Express d'écrire un article intitulé "Un abruti de fonctionnaire sur les traces de Zoé Shépard", dans lequel il était toutefois signalé des "défauts formels" liés à l'orthographe. En mars encore, le magazine HebdoBourse publie à son tour une critique sans ambiguïté, positive et encourageant à lire le livre.

Un réseau social de plus en plus influant


Suite à ces articles, confirmant les excellents classements du livre, le profil Facebook de l'auteur (profil public ouvert à tous) a vu arriver de nombreux soutiens, dont certains de taille. De nombreux journalistes et directeurs de programmes, ainsi que des personnalités telles que Philippe Vandel, Jean-Hugues Anglade ou encore Thomas Sotto. L'auteur informe tous ses abonnés et soutiens des évolutions de son aventure mais ne donne jamais la moindre information sur son identité et met un point d'honneur à ne pas laisser d'indices géographiques permettant de le localiser.

Un livre à haut risque


L'auteur de l'ouvrage est toujours en poste dans la ville qu'il dénonce dans son pamphlet. Mis au placard, il déclare sur Facebook ne rien avoir à faire et croupir dans une pièce aux barreaux bien fixés.
Il risque gros. La publication de ce livre pourrait être considérée par son maire comme une violation manifeste du devoir de réserve et du secret professionnel, deux obligations incontournables du fonctionnaire.


A l'instar de Zoé Shépard, mise à pied après la publication de "Absolument Débordée", Henri Rouant-Pleuret met donc son poste en jeu en publiant ce livre. D'après lui, il a souhaité tenter l'aventure pour ne pas que ce qui se passe dans sa ville soit passé sous silence et reste impuni. Car au delà de l'aspect humain, c'est également le monde politique qui est visé dans cette mairie gérée par le Parti Socialiste.

Une nouvelle édition programmée


Henri Rouant-Pleuret (Hrp pour les intimes) a publié son livre à compte d'auteur et avec peu de moyens. Son éditeur n'ayant pas effectué de correction, la première version du livre souffrait donc de nombreuses fautes orthographiques et de syntaxe. Afin de pallier à ces défauts, il dit avoir lui-même engagé une correctrice professionnelle à ses frais, afin de relire entièrement l'ouvrage. Il annonce une nouvelle édition en cours d'impression, exempte de toute faute.

Un avenir éditorial incertain


Malgré ce petit succès et l'engouement que suscite le livre, l'auteur n'est pas encore sorti d'affaire. Car les médias sont parfois capables d'oublier un sujet aussi vite qu'ils l'ont fait naitre, laissant le protagoniste dans le silence. Le démarrage est donc intéressant et prometteur, mais la suite de cette aventure reste encore totalement dépendante des médias. En feront-ils un succès médiatique comme celui de Zoé Shépard, ou retombera-t-il dans l'oubli ? Il semble en tous cas que les lecteurs aient choisi. Sur les sites de ventes et les forums, c'est un plébiscite unanime et si ce livre est en haut des classements sans avoir bénéficié de la puissance d'un gros éditeur et des médias, ce n'est pas pour rien.

Je l'ai découvert comme cela, grâce à des avis de lecteurs sur la Fnac. J'avoue avoir passé, un bon moment de lecture, fait de rires, parfois de fous-rires, de larmes, d'énervement et d'exaspération parce qu'on y découvre aussi que nos impôts ne sont pas forcément utilisés comme on pourrait l'espérer.

Un livre à soutenir, ne serait-ce que pour son histoire. A compte d'auteur, indépendant et atypique, il mérite que l'on s'y arrête pour que le message du courageux auteur ne sombre pas dans l'oubli, face aux mastodontes de l'édition. On ne peut donc que souhaiter un avenir ensoleillé à cet auteur naissant, ayant utilisé la plume pour sortir d'un mal-être et dénoncer une injustice.

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