Prix Goncourt : Beauvoir, Duras... Ces (rares) femmes qui l'ont obtenu

Publié le Lundi 04 Novembre 2013
Fanny Rivron
Par Fanny Rivron Journaliste
Prix Goncourt : Beauvoir, Duras... Ces (rares) femmes qui l'ont obtenu
Prix Goncourt : Beauvoir, Duras... Ces (rares) femmes qui l'ont obtenu
Le Goncourt 2013 a été décerné ce lundi 4 novembre à Pierre Lemaitre. L'occasion de se souvenir des (quelques) femmes qui ont remporté le prestigieux prix littéraire depuis son premier cru en 1903. Simone de Beauvoir bien sûr, Marguerite Duras aussi, mais également des auteures plus méconnues comme Anna Langfus, Edmonde Charles-Roux ou Paule Constant.
À lire aussi


Le Goncourt et les femmes
… Une histoire qui commence assez mal avec l’élection de Judith Gautier (fille du célèbre Théophile) comme membre du jury en 1910. Elle est aussitôt traitée de tous les noms : une « peste pontifiante » pour la presse, une « vieille outre noire, mauvaise et fielleuse, couronnée de roses comme une vache de concours », selon Jules Renard (peut-être l’écrivain le plus sexiste au monde). Le ton est donné. Dans les lettres comme ailleurs, les femmes auront du mal à s’imposer. À ce jour, elles ne sont que 10 à avoir remporté le Goncourt… sur 110 ans. Petit historique.

Goncourt 1944 : Elsa Triolet pour Le premier accroc coûte 200 francs

Elle était l’épouse de Louis Aragon mais aussi une résistante et la première femme à obtenir le Goncourt pour son recueil de nouvelles Le premier accroc coûte 200 francs (Éd. Denoël). Pour l’anecdote, le titre du recueil fait référence à la phrase codée annonçant sur la BBC le 14 août 1944 le débarquement de Provence pour le lendemain. Commentaire de Paul Léautaud : « Les Goncourt ont fait coup triple : la dame Triolet est russe, juive et communiste. C’est un prix cousu de fil rouge. » Et sur la qualité de l’œuvre ? pas un mot.

Goncourt 1952 : Béatrix Beck pour Léon Morin, prêtre

Elle fut la secrétaire de Gide mais écrivait bien avant de le rencontrer. « Elle est des plus attachantes sans jamais rien faire pour attacher », disait-il d’elle. Béatrix Beck remporte le Goncourt en 1952 avec Léon Morin, prêtre, 3e volume de son cycle autobiographique qui fut adapté au cinéma (et popularisé) par Jean-Pierre Merville avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle-titre. Elle y raconte la rencontre sous l'Occupation entre une jeune veuve de guerre d'un juif communiste (elle) et un prêtre.

Goncourt 1954 : Simone de Beauvoir pour Les Mandarins

Elle attendait le prix en 1943 pour Les Invités, aurait même acheté une robe neuve pour l’occasion et se serait installé au Flore pour attendre l’annonce officielle. En vain. C’est Marius Grout qui est récompensé cette année-là. Simone de Beauvoir devra attendre une décennie avant de recevoir enfin le Goncourt en 1954 pour Les Mandarins, un roman largement inspiré de sa vie. Anne Dubreuilh y est une intellectuelle qui évolue aux côtés de son mari écrivain, sérieusement engagé à gauche (un Jean-Paul Sartre à peine déguisé).

>> Quand Jean-Paul Sartre a refusé le prix Nobel en 1964 <<

Goncourt 1962 : Anna Langfus pour Les Bagages de sable

Juive polonaise, résistante, torturée par la Gestapo pendant la guerre… Anna Langfus a fait de la Shoah – ou plutôt de l’après-Shoah – le thème des Bagages de sable. Peu après la guerre, Maria, une jeune Polonaise, erre dans Paris. Sa famille a été exterminée. Incapable de revenir au monde, elle suit dans le Midi un vieux monsieur qui s'est attaché à elle. « Pour traduire par des mots l’horreur de la condition juive durant la guerre, il me fallait faire œuvre de littérature. Le pas a été difficile à franchir. », dira-t-elle en 1963.

Goncourt 1966 : Edmonde Charles-Roux pour Oublier Palerme

Elle est désormais la présidente et doyenne de l’académie Goncourt, fut ambulancière et assistante sociale divisionnaire pendant la guerre, rédactrice en chef de Vogue à partir de 1950 avant d’être mise à pied et de recevoir le Goncourt en 1966 pour Oublier Palerme. Cette amie d’Aragon aux mille vies raconte dans son plus fameux roman l’histoire de Babs, qui évolue dans le petit monde arriviste et hypocrite d'un magazine de New York. Son amie Gianna Meri, une Palermitaine et exilée après la guerre refuse, elle, d’y appartenir.

Goncourt 1979 : Antonine Maillet pour Pélagie-la-charrette

Ses romans ont fait d'Antonine Maillet l'ambassadrice de l'Acadie (nord de l’Amérique). Pélagie-la-Charrette est son septième roman et reçut le Goncourt en 1979. Antonine Maillet est ainsi la seule auteure non-européenne, avec Atiq Rahim, à avoir reçu cette distinction. Pélagie-la-charrette nous emmène en 1755, l’année de la déportation des Acadiens (lors de la prise de possession par les Britanniques d'une partie des anciennes colonies françaises en Amérique). Pélagie Bourg dite Le Blanc est une veuve acadienne devenue esclave en Géorgie. Elle décide de rejoindre l'Acadie, sa terre natale avec ses enfants.

Goncourt 1984 : Marguerite Duras pour L’Amant

« C’est à un auteur et à un livre qui n’en ont plus besoin » que le prix Goncourt a été décerné en 1984, ont dit certains. Pourtant Marguerite Duras n’avait été jusque-là que très peu récompensée. Et L’Amant qui relate l’adolescence de l’auteur au bord du Mékong et sa rencontre avec un riche Chinois ne méritait pas moins.

Entendre Marguerite Duras dans Apostrophes


Goncourt 1996 : Pascale Roze pour Le Chasseur zéro

Pascale Roze était comédienne. En 1996, son premier roman Le chasseur zéro ne remporte pas un énorme succès. Jusqu’à ce qu’il reçoive le Goncourt. Ce « chasseur Zéro » est un avion kamikaze qui, en avril 1945, fait couler un cuirassé américain à Okinawa. Le père de Laura était sur le bateau et meurt pendant le drame. Laura va grandir entre ses grands-parents et sa mère sans jamais avoir d’explication claire sur sa mort. Pourtant dans sa tête, elle entend toujours le bruit du chasseur Zéro.

Goncourt 1998 : Paule Constant pour Confidence pour confidence

Au lendemain d'un colloque féministe à Middleway, au Kansas, quatre quinquagénaires se retrouvent dans la maison de l'universitaire noire Gloria Patter : Gloria l’hôtesse, la romancière française Aurore Amer, la scandaleuse actrice norvégienne Lola Dhol et Babette Cohen, un professeur d'origine pied-noir. C’est l’heure du bilan et chacune tombe le masque. Ce huis clos intitulé Confidence pour confidence vaudra en 1998 le Goncourt à Paule Constant.

Goncourt 2009 : Marie NDiaye pour Trois femmes puissantes

Les trois héroïnes de Marie NDiaye, Norah, Fanta et Khady sont trois femmes qui disent non. Chacune se bat pour préserver sa dignité contre les humiliations que la vie lui inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible. La critique est unanime, le roman reçoit le Goncourt le 2 novembre 2009.


Ce lundi 4 novembre, le prix Goncourt a été accordé à Pierre Lemaitre pour Au revoir là-haut. Les militantes féministes de La Barbe ont à cette occasion brièvement investi le restaurant Drouant où le prix est décerné chaque année pour protester contre le manque de femmes parmi les sélectionnés.

VOIR AUSSI

Rentrée littéraire 2013 : les 11 romans féminins qui feront l'automne
Nos livres d'enfant les plus cultes
"Corpus Equi" : ôde au cheval par Diane Ducret
"Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée" : une nouvelle autobiographie 35 ans après

Dans l'actu