"Le territoire des barbares" de Rosa Montero

Publié le Jeudi 12 Mai 2011
"Le territoire des barbares" de Rosa Montero
"Le territoire des barbares" de Rosa Montero
Dans cette photo : Miguel
"Le territoire des barbares" de l'auteure espagnole Rosa Montero, publié chez Points, est un thriller psychologique haletant. Lourd et pesant, il nous libère petit à petit, à mesure que son héroïne renoue avec son passé.
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Un matin Zarza reçoit un appel inquiétant. Son frère jumeau Nicolas vient d’être libéré de prison. « Je t’ai retrouvée ». En quelques mots, tout est dit.

Démarre alors entre eux le jeu dangereux du chat et de la souris. Zarza fuit, pas seulement son frère mais principalement son passé, un passé douloureux, qu’elle avait enfoui sous un quotidien routinier, dépourvu de sentiment, d’émotion, de partage. Elle fuit l’époque où elle était autant victime que bourreau. Peu à peu, elle rappelle les souvenirs de ses années blanches, blanches comme la poudre qu’elle sniffait alors.

Elle se rappelle du mal qu’elle a fait autour d’elle, juste pour pouvoir se blottir dans les bras de la Reine, la Blanche. Tout ce mal qu’elle a voulu se cacher à elle-même pour pouvoir reprendre une vie « normale ». Mais le passé nous rattrape toujours. Zarza doit s’amender et gagner le droit de vivre libre de ces chaînes qu’elle s’est imposées.

Rosa Montero nous présente dans ce roman un univers terriblement dur, sombre, sordide. La drogue, un père abusif, la prostitution, le monde carcéral… Dans tout ça, seule la présence de son jeune frère Miguel, l’ahuri, le crétin, l’Oracle illumine le roman de sa fragilité, de sa maladresse, et de ses éclairs de lucidité. Il est la seule raison de vivre de Zarza, il est sa seule raison de se battre et d’émerger du marasme terne dans lequel elle s’enfonce chaque jour.

« Le territoire des barbares » est un récit de solitude, d’handicap social. Zarza, sous des aspects de normalité est bien plus handicapée, « estropiée » que son jeune frère débile. Il lui faudra affronter son passé pour retrouver Urbino, sa béquille. Un estropié lui aussi, mais qui se bat chaque jour contre sa lâcheté. Elle dira de lui une phrase superbe : «Nous avons si peu l'habitude de la bonté que nous la confondons, en général, avec l'idiotie.»

Un roman haletant, plein de mystères soulevés, qui ne trouvent pas forcément de réponses (on regrette d'ailleurs une fin trop hâtive). Modeste dans son traitement il séduit par son objectivité, son absence de complaisance envers une anti-héroïne chez qui on retrouve avec terreur un peu de notre lâcheté quotidienne.

Retrouvez "Le territoire des barbares" de Rosa Montero aux éditions POINTS.