Sheryl Sandberg et Getty : la fin de la fausse working-girl dans nos banques d'images ?

Publié le Mercredi 12 Février 2014
Sheryl Sandberg et Getty : la fin de la fausse working-girl dans nos banques d'images ?
Sheryl Sandberg et Getty : la fin de la fausse working-girl dans nos banques d'images ?
Aussi controversé que soit le plaidoyer féministe de Sheryl Sandberg dans son essai « Lean In : Women, Work and the Will to Lead », la fondation qui porte le même nom et qu'elle a créée s'engage sur une piste neuve et plus que pertinente pour lutter contre l'image stéréotypée de la femme au travail. La patronne de Facebook vient de signer un partenariat avec l'une des plus grosses banques d'images, Getty, pour renouveler les stocks en faveur d'une représentation plus actuelle de la « working-girl ».
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La dame au tailleur noir, cette belle inconnue

Pour les non-initiés, les banques d’images sont les agences qui fournissent, à nous médias ne disposant pas de photographes correspondants partout dans le monde, les photos illustrant les merveilleux articles que vous lisez chaque jour. Depuis 2008, sur Terrafemina.com, nous nous arrachons les cheveux avec les photos proposées pour incarner les femmes dans le cadre professionnel. En cherchant bien, nous trouvions, au choix : une série de pieds masculins chaussés en noir comme il se doit, et au milieu une paire de jambes montées sur hauts-talons. Un visuel censé pointer du doigt la minorité que représentaient les femmes au milieu des costards-cravate… Dans les années 80. Autre poncif des stocks photo, quelques années plus tard, la maman débordée, tiraillée entre son attaché-case et son bébé qui braille. Et aussi et surtout lorsqu’il s’agissait d’incarner la femme-chef, celle qui en veut et qui réussit : une grande blonde avec lunettes de secrétaire et chignon (très 80’s aussi), vêtue d’un sévère mais néanmoins séduisant tailleur noir et d’une chemise blanche.

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« On ne peut pas être ce qu’on ne voit pas »

« Quand nous voyons des images de femmes, de filles et d’hommes, elles tombent souvent dans le piège des stéréotypes que nous essayons de combattre, or on ne peut pas être ce qu’on ne voit pas », a déclaré Sheryl Sandberg dans une interview. L’objectif de l’alliance entre Getty et LeanIn.org est de représenter la femme et la famille en général dans des rôles plus valorisants et plus proches de la réalité. On trouvera par exemple des femmes chirurgiens, peintres, boulangères, soldats ou chasseurs, mais aussi des jeunes filles en skateboard ou en train de soulever des poids, et des pères changeant les couches du bébé. Cette opération rendra service à tous les médias et agences gourmandes en photos, car elle est l’occasion d’un lifting bienvenu sur le style et la mise en scène des photos qu’on appelle « prétextes » - les photos qui ne représentent pas directement les faits ou les personnes citées dans l’article mais qui renvoient à son sujet global. Déjà 2500 images ont été ajoutées à la banque d’images, et tous les abonnés Getty pourront y accéder via leurs recherches habituelles ou via un onglet dédié à la « collection Lean In ».

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Un garde-fou dans le règne de l'image

L’impact de cette opération pourrait être énorme mais difficile à mesurer. En gommant progressivement les clichés les plus saillants sur les hommes et les femmes, la fondation Lean In et Getty cherchent à agir sur nos inconscients manipulés par le marketing et le triomphe de l’image. Avec ses 2,4 millions de clients et ses 150 millions d’images disponibles, Getty constitue un média idéal pour provoquer un vrai changement d’état d’esprit, avec un effet domino certain dans tous les médias et sur tous les supports. « L’image est devenu l’outil de communication privilégié des générations actuelles, et cela signifie que la façon dont les gens sont représentés visuellement aura plus d’influence que n’importe quel autre support sur la façon dont on perçoit les gens », explique Jonathan Klein, PDG de Getty. 
Le règne de l’image, plus puissant que jamais à cause de l’utilisation des smartphones et des applications comme Pinterest ou Instagram, mérite en effet d’être régulé par des gardes-fou pour que le message visuel ne contredise pas le discours ambiant, plus que favorable aux femmes dans nos sociétés en tout cas.
Quand on cessera de représenter les PDG femmes comme des tigresses à talons écrasant de petits hommes cravatés sans défense, on pourra féliciter Sheryl Sandberg pour sa victoire.

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