Entreprise : les do et les don’t de la conversation d’ascenseur

Publié le Dimanche 07 Avril 2013
Entreprise : les do et les don’t de la conversation d’ascenseur
Entreprise : les do et les don’t de la conversation d’ascenseur
Dans cette photo : Laurent Cabrol
Lieu clos et intime dans lequel collègues, boss, clients et prestataires se retrouvent entassés, condamnés à meubler le vide pendant un temps à la fois trop long et trop court, l’ascenseur en entreprise pose l’inévitable question de la conduite à y tenir. Silence plombant, débit catapultique, proximité physique exagérée, intimité dévoilée… Suivez notre mode d’emploi des conduites à éviter et des sujets-bateaux à privilégier pour vivre sereinement l’épreuve bonus de la vie de boulot.
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Do

Vous avez entre 20 secondes et une minute en moyenne à combler, sachez-le, et c’est là toute la difficulté de la conversation d’ascenseur (outre le fait que vous vous trouvez, selon la spaciosité de l’habitacle, très proche de cet individu que vous n’avez pas forcément vocation à toucher). La conversation d’ascenseur a des règles strictes, raison pour laquelle ses thématiques ne sont ni vastes, ni passionnantes. Florilège...

Entre collègues :

- La météo : « Non mais quel froid, hein ! En avril ! Et dire que l’année dernière on prenait déjà des pots en terrasse ! » / « Comme c’est agréable, ce printemps ! » / « C’est dingue cette neige, on ne sait plus comment s’habiller ! » / « Ils annoncent un refroid pour ce week-end. Mmh… oui je sais… sisi hihihi ». Ultra old school mais universel, unisexe et intergénérationnel.

Le risque : le mépris que vous inspirerez peut-être.

Variante : citer un expert (« Ce matin, Laurent Cabrol a dit… »)

- Les vacances/congés/ponts… : « Tu pars, ce week-end ? » / « C’était bien, tes vacances ? » / « Il a fait beau ? » / « T’as posé tes jours ? » / « Il te reste des RTT ? ».

Le risque : passer pour une feignasse.

Variante : mixer avec un point météo (« Oui, mais on a eu vraiment très froid malgré un beau soleil ! »)

- Les enfants : « Ça va, les enfants ? » / « Alors, comme ça se passe, l’école, pour Gaspard ? » / « Tu as trouvé une nounou ? ».

Le risque : tomber sur un sans enfant.

Variante : Se rabattre alors rapidement sur couple, famille ou football, la variante virile du sujet enfants.

- Le taf, mais en mode soft et chrono : « Sur quoi tu bosses, en ce moment ? »

Le risque : passer pour un rabat-joie

Variante : « Sympa, la nouvelle ? »

- Le "trajet" lui-même : « Dis donc, c’est l’heure de pointe ! (rire) » (quand il s’arrête à tous les étages)

Le risque : que personne ne monte

Variante : « C’est calme, aujourd’hui… »

- Les gros titres : « Incroyable, ce Cahuzac, non ? » / « Vous avez vu pour Koh-Lanta, c’est terrible, hein ? »

Le risque : Se coller une image « Scènes de ménage »

Variante : cibler foot ou télé. Cohésion, simplicité, rapidité (« Quel macho, ce Yoni nan mais t'as vu ? »).

En rendez-vous à l’extérieur :

« Il/elle descend vous chercher »… Gloups, voilà que votre hôte (que vous n’avez jamais vu) et vous allez passer de très longues secondes en huis clos. Mis à part la météo, toujours aussi universelle, lui ou vous devrez alors piocher dans un catalogue restreint de phrases toutes faites, qu’Otis eût pu avoir la courtoisie d’afficher dans ses cabines en même temps qu’il équipait notre sombre quotidien de ses capsules d’intimité. Liste exhaustive...

- « Vous avez de beaux locaux ! » (sauf si moquette arrachée et plafond branlants)

- « Vous avez trouvé facilement ? » (sauf si sur les Champs-Elysées)

- « Et vous êtes combien, en tout ? »

- « Vous êtes à quel étage ? » + « Et aux autres étages il y a… ? » (sauf si air soupçonneux de l’hôte)

- « Le quartier est sympa, non ? » (sauf si périphérie de Montrouge. Remplacer alors par « beaux locaux »)

- « Vous êtes ici depuis longtemps ? »

- « Désolée je suis un peu en retard/en avance », même si c’est faux. À utiliser en cas d’absolu néant conversationnel.

- « J’ai vu que vous aviez eu une belle actualité ! Félicitations ! » (sauf si suicides en rafales dans l'entreprise ou plan social)

Don’t (never...)

- Dévoiler son intimité : même sous prétexte de votre silenciophobie congénitale, évitez de dire tout ce qui vous passe par la tête (« Tu trouves pas que le RH est uuultra beau gosse depuis qu’il est rentré de vacances ?!! ») avant de ricaner bêtement, gênée par l’affliction de votre interlocuteur qui n’en demandait pas tant question intimité.

- Scruter les étages qui défilent : plus vous creusez, et plus votre pack « conversation » s’opacifie… jusqu'au néant. Biiiiiiiiiip - on vous perd. Résultat, muette comme une carpe, vous souriez niaisement en scrutant avec sérieux ostentation les étages qui défilent comme pour vérifier que l'ascenseur ne se trompe pas (« MMhhh 5… 6… 7… Non non, c’est bon mais je reste vigilante ! »). Très répandu mais ridicule, sachez-le.

- Planter vos yeux dans ceux de votre hôte et attendre qu’il/elle vous adresse la parole. Trop freaky.

- Partir sur un sujet trop dense, que vous mettrez de longues minutes à développer. Vous serez alors soir interrompue aux prémices de votre passionnant récit de vacances par le départ subit et vexant de votre public (« Ah, c’est mon étage ! Bonne journée ! »), soit, pire, vous coincerez la porte avec votre pied pour développer cette folle soirée karaoké à la pizzeria où vous avez tant ri, handicapant alors toute votre entreprise en même temps que vous traumatiserez votre collègue.

- Scotcher son smartphone sans même jeter un coup d’œil à ses compagnons de voyage. Antipathique et grillé.

- Hurler dans son téléphone, puis grogner avec rage que « P*** ça capte plus JE T’ENTENDS PLUS ! Fait ch** ». Grossier et inquiétant.

Et vous, avez-vous connu ce genre de situations ?

Avez-vous d'autres petites phrases toutes faites à ajouter à notre pack conversation d'ascenseur en interne ou en externe ?

Merci pour vos contributions, qui nous permettront d'enrichir ce guide, que nous vous invitons également à imprimer puis à afficher dans l'ascenseur de votre société, pour des heures de discussions à bâtons rompus !