Burqa et voile islamique au travail

Publié le Lundi 02 Novembre 2009
Burqa et voile islamique au travail
Burqa et voile islamique au travail

Maitre Frédérique Cassereau aborde la question du port de la burqa ou du voile islamique au travail. Elle pose la question de la discrimination, mais aussi de la laïcité au travail.

À lire aussi

Interdire le voile au travail?

Oui, mais le port de la burqa ou du voile relève à la fois de la liberté vestimentaire et de la liberté religieuse. Or,  en vertu de l’article L. 1121-1 du Code de travail, l’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles que des restrictions justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché. Une telle interdiction devra donc répondre à ces conditions. En pratique, l’employeur est susceptible de prohiber le port de la burqa au même titre que le port du voile, si les fonctions exercées impliquent un contact régulier avec la clientèle. Les convictions d’une clientèle sont a priori variées et le port d’un signe religieux ostentatoire peut être une source de difficultés relationnelles avec celle-ci qui justifie la restriction de l’employeur. De la même manière, l’employeur peut imposer à ses salariés une tenue de travail pour des raisons d’hygiène et de sécurité. Si le port de la burqa ou du voile s’avère non compatible avec la tenue de travail obligatoire, l’employeur aura un motif légitime d’attenter à la liberté religieuse car il a une obligation de résultat concernant la sécurité et la santé des salariés sur leur lieu de travail. Le refus de se conformer aux directives de l’employeur à cet égard peut justifier une mesure de licenciement.

Une discrimination?

Oui, si les restrictions ou les mesures imposées par l’employeur relatives au  port de la burqa ou du voile ne sont pas justifiées par l’intérêt du service et par des conditions objectives étrangères à toute discrimination. L’article L 1132-1 du Code du Travail prohibe toute mesure à l’encontre du salarié qui serait motivée par des convictions religieuses. Dès lors, si une lettre de licenciement fait expressément référence au refus de la salariée d’ôter son voile ou sa burqa, le licenciement présentera toutes les apparences d’une mesure discriminatoire, a fortiori quand la tenue de la salariée ne pose aucun problème particulier dans ses contacts avec la clientèle.
Dans une telle hypothèse, la salariée licenciée pourrait solliciter sa réintégration au sein de l’entreprise devant le juge des référés. Ce dernier pourra constater la nullité du licenciement et réparer le trouble ainsi causé en ordonnant la poursuite du contrat de travail. Le principe de non discrimination s’applique également au cours de la procédure de recrutement. En effet, les renseignements et pièces demandés lors de l'embauche ont pour but de permettre à l'employeur d'apprécier les qualités du salarié pour l'emploi sollicité et ne sauraient concerner des domaines sans lien direct et nécessaire avec cette activité professionnelle. Aussi, l’employeur ne pourrait, a priori, pas exiger lors de l’entretien d’embauche que la salariée ôte sa burqa ou son voile. Lorsque la salariée est embauchée par un établissement religieux, la situation doit être appréhendée différemment, un équilibre doit être recherché entre le droit à la vie privée et l’intérêt de l’entreprise qui peut en toute légitimité souhaiter maintenir une harmonie avec les idées religieuses qu’elle défend. La salariée a à ce titre une obligation de loyauté.

Voile et service public

Non. Les agents des services publics ont un devoir de réserve dans la manifestation de leurs croyances religieuses impliquant qu’ils ne puissent porter ni la burqa, ni le voile, pas plus que tout autre signe destiné à marquer leur appartenance à une religion. En effet, le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l’Etat et de neutralité des services publics s’appliquent à l’ensemble de ceux-ci. Par conséquent, les agents des services publics bénéficient à la fois de la liberté de conscience (qui interdit toute discrimination dans l’accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur la religion). Mais en même temps, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils disposent dans le cadre du service public du droit de manifester leurs croyances religieuses.
Le port de la burqa ou du voile constituerait dès lors un manquement aux obligations de l’agent quelle que soit la nature des services publics concernés. Les sanctions d’un tel manquement seront appréciées au cas par cas par l’Administration sous le contrôle du juge administratif, compte-tenu notamment de la nature et du degré du caractère ostentatoire du signe religieux en question comme des autres circonstances dans lesquelles le manquement est constaté.