Corinne Roucard, SynapCell : "De la recherche académique à la création d’entreprise"

Publié le Lundi 05 Août 2013
Corinne Roucard, SynapCell : "De la recherche académique à la création d’entreprise"
Corinne Roucard, SynapCell : "De la recherche académique à la création d’entreprise"
Son parcours la destinait plutôt à bûcher dans les laboratoires et à arpenter les couloirs des universités mais elle a choisi une autre voie : l’entrepreneuriat. Cette chercheuse grenobloise a créé SynapCell, une société de biotechnologie qui fournit des tests de molécules innovants pour l’industrie pharmaceutique, et en a fait une entreprise leader de son domaine.
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Corinne Roucard a du mal à expliquer son intérêt très précoce pour la biologie : « J’aime collecter des données pour en tirer une synthèse et des perspectives », dit-elle. Cet esprit analytique est un atout précieux pour elle, qu’elle cultive dans ses études jusqu’au doctorat, et grâce auquel elle se félicite d’avoir acquis « une démarche scientifique et un cerveau câblé pour l’analyse ». Mais à la sortie de la fac le tableau n’est pas tout rose, et la quête d’un poste dans la recherche universitaire est laborieuse. Dans le même temps, la jeune docteur en sciences réalise qu’elle aspire à diriger une équipe, à trouver les bonnes synergies pour mener un projet. La solution ne tarde pas à se présenter à elle.

2003 : lauréate du concours de l’entreprise innovante

Nous sommes en 2000, et la loi Allègre sur l’innovation et la recherche vient d’ouvrir la voie à de nombreuses créations de sociétés dans le domaine des sciences. « L’Université Joseph Fourier de Grenoble recherchait alors des candidats pour exploiter une nouvelle technologie et une matière biologique inédite », se souvient Corinne Roucard, qui voit tout de suite dans cette opportunité la possibilité de combiner son goût pour la recherche et sa vocation de manager. Elle prend alors la tête d’une équipe de quatre personnes, qui remporte en 2003 le concours de la création d’entreprise innovante pour le projet baptisé SynapCell. « Pour autant la partie n’était pas gagnée, et il nous a fallu deux années de maturation supplémentaire pour que notre entreprise trouve son champ d’application », explique la présidente. En mettant à profit le réseau de l’équipe avec certaines industries pharmaceutiques et en s'appuyant sur les domaines d’expertise des chercheurs, une idée s'impose : SynapCell se spécialisera dans les neurosciences et plus précisément dans la recherche sur l’épilepsie

D’un point de vue personnel, le challenge est de taille pour la scientifique. Habituée au travail d’équipe, elle est tout à fait novice en matière de création d’entreprise et de stratégie commerciale… Avec son associé, Yann Roche, elle trouve des soutiens et les formations nécessaires dans l’incubateur GRAIN (Grenoble Alpes Incubation) d’une part, et au sein du « Réseau Entreprendre Isère » d’autre part. Celui-ci lui permet en outre d’obtenir un prêt à taux zéro de 35 000 €, qui s’ajoute à un apport personnel de 30 000 €. Soucieuse d’équilibrer sa vie privée et de s’y « ressourcer », la chef d’entreprise n’en demeure pas moins dévouée à son équipe et se décrit comme un manager « agile » : « Responsabilisation et autonomie de chacun sont les clés, l’important est d’avoir la bonne personne à la bonne place », pense-t-elle. Une organisation qui a prouvé son efficacité.

«SynapCell répond à un besoin criant dans la recherche contre l’épilepsie »

La société parvient en effet très vite à s’imposer grâce à une offre vraiment innovante en matière de tests pré-cliniques : « Les tests existants n’avaient pas évolué depuis les années 80, précise C. Roucard. Grâce à la culture de réseaux de neurones reconstitués, nous avons la possibilité de tester l’efficacité de certaines molécules sur une pathologie complexe comme l’épilepsie. Cela représente un enjeu de taille pour les laboratoires qui peuvent nous déléguer ce type de tests ». SynapCell répond selon la chercheuse à un « besoin criant » en matière de recherche et développement : un tiers des patients épileptiques en France ne seraient pas soignés faute de médicament efficace. 

Quelques années plus tard la société s’est agrandie, et une équipe de dix personnes développe l’activité notamment au niveau international (Canada, Etats-Unis, Japon). Sur le marché de la recherche de traitements contre l’épilepsie, SynapCell est désormais leader, réalise un chiffre d’affaires annuel de 500 000 €, et prévoit d’étendre son domaine d’expertise à d’autres maladies neurologiques et psychiatriques.

Avec le recul, Corinne Roucard réalise que l’esprit d’entreprise lui a été transmis par sa famille, même si elle estime n’avoir agi qu’en fonction des ses propres motivations. « Pour créer une entreprise, il faut selon moi avoir l'envie d'avoir des responsabilités et avoir une vision de là où on veut aller avec son entreprise, savoir se projeter dans le futur », déclare-t-elle, regrettant au passage que plus de femmes ne sautent pas le pas. « Je conseille aux femmes de suivre leur envie et leur ambition. Ce n'est pas parce qu'on est chef d'entreprise que l'on sacrifie tout. C'est un travail avec des responsabilités certes mais il faut le démystifier et le faire au quotidien ».


Sa bio

19 novembre 1969 : naissance à Ganges (34)
1987 : Bac scientifique, Alès1996 : Doctorat en immunologie fondamentales, Paris 6
2002 : démarrage du projet SynapCell
Avril 2005 : création de SynapCell, SAS au capital de départ de 56 000 €
Février 2009 : levée de fonds de 550 000 €

Ses conseils

Pour créer une entreprise, il faut selon moi avoir l'envie d'avoir des responsabilités et avoir une vision de là où on veut aller avec son entreprise, savoir se projeter dans le futur. 
Pour les jeunes femmes je leur conseille de suivre leur envie et leur ambition. Et de se fier à ce qu'elles sentent juste pour elles. On trouve des solutions pour le quotidien ensuite... Ce n'est pas parce qu'on est chef d'entreprise que l'on sacrifie tout !

Corinne Roucard, Présidente de SynapCell, Pépinière Biopolis, La Tronche, Rhône-Alpes.

Photo : Gilles Galloyer