Art thérapie : des ateliers pour lâcher prise

Publié le Vendredi 05 Octobre 2012
Art thérapie : des ateliers pour lâcher prise
Art thérapie : des ateliers pour lâcher prise
Après une carrière dans l'enseignement, Marie-France Loridan a bifurqué naturellement vers des méthodes de développement personnel plus pointues et plus appropriées pour les enfants en difficulté. Elle ouvre aujourd'hui un atelier d'art thérapie à Bondues (Nord) et fait la promotion de ces parenthèses créatives et curatives. Entretien.
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Terrafemina : Vous avez toujours privilégié dans votre parcours professionnel la transmission de savoirs, et dans le même temps l’écoute de la maladie. Vous ouvrez aujourd’hui un cours d’art thérapie à Bondues (Nord), pouvez-vous nous parler de cette méthode et de vos motivations pour mener à bien ce projet ?

Marie-France Loridan : Si l’on prend la définition globale, il s’agit d’une méthode visant à utiliser le potentiel d’expression artistique et la créativité d’une personne à des fins psycho-thérapeutiques ou de développement personnel. On est donc ici dans le processus de création et non dans la volonté de produire une œuvre. C’est le processus lui-même, la démarche de créer, d’oser la découverte de notre propre potentiel créatif qui est le révélateur de notre moi profond. Le bienfait est dans la production de quelque chose d’unique.

Tf : A qui s’adressent les ateliers d’art thérapie ?

M-F. L : Il s’agit d’une thérapie, et à cette fin j’ai été appelée dans le cadre de l’association « Charlotte ensemble c’est tout » à intervenir à l’hôpital. Cette demande a été faite par le médecin, en support à des psychologues, des infirmières et toute leur équipe, pour faire vivre des ateliers chaque semaine avec des jeunes malades souffrant de troubles alimentaires et nécessitant un suivi hospitalier. J’ai pu constater que ces jeunes, parlant des ateliers, employaient ces mots : apaisement, lâcher prise, détente, ne plus penser, liberté, explorer, accepter, créer, partager… A Bondues, je propose l’atelier « Art Source » à des adultes, des jeunes, des enfants désirant, à travers une expression artistique ou corporelle, mieux se connaître, se « re » connaître, être à l’écoute de leurs ressentis, s’offrant du temps pour eux, pour éprouver du plaisir. C’est aussi un temps de partage avec les autres personnes du groupe qui vont contribuer à avoir un autre regard sur soi-même, la recherche de « relire sa vie et relier sa vie ». Je suis à leurs côtés pour qu’ils s’expriment dans un lieu paisible, sécurisé. Les ateliers sont ouverts, accessibles à tous et ne demandent pas de connaissance artistique. Chacun va produire et va rechercher un esthétisme qui aura comme conséquence quelquefois de se découvrir un talent ignoré auparavant.

Tf : Comment fonctionnent ces séances ?

M-F. L : Elles durent deux heures, car il faut du temps, si précieux aujourd’hui ! Le groupe est généralement constitué de cinq ou six personnes. L’art thérapie, c’est tout d’abord offrir un cadre accueillant, préparé à l’avance, avec musique douce selon l’activité, des consignes données - soit « pratiques » comme éteindre son portable, soit plus directionnelles comme accueillir le silence, écouter la parole de l’autre sans rebondir, et surtout préserver la confidentialité. Un moment de relaxation est proposé pour prendre conscience de son corps « ici et maintenant » puis le temps de l’atelier commence. Les supports sont multiples : peinture, craie grasse ou sèche, mandalas, argile, huiles essentielles, mouvements dans l’espace… L’écriture est souvent privilégiée, la poésie tient une place importante ; ceci est dû à ma formation initiale de professeur des écoles. Une proposition d’atelier est donnée par une consigne invitant à s’exprimer, à créer, à redécouvrir ses cinq sens, le temps nécessaire pour que chacun puisse stimuler ses facultés d’expression, exprimer ses émotions, faire le lien entre sa production et sa vie. Ensuite un temps de « mise en mots » est proposé à tous les participants. Chacun est libre de s’exprimer face aux autres personnes du groupe en parlant de ce qu’il a créé. L’art thérapeute est là pour permettre à chacun d’avoir son temps de parole, le tout dans la confidentialité, une présence enveloppante, un accueil et un soutien à cette parole.

Tf : Cette nouvelle  forme d’apport aux autres s’inscrit dans un parcours de vie totalement ancré dans l’engagement, d’abord en milieu scolaire, puis en enseignant auprès d’enfants malades, enfin en développant des associations, toujours axées sur la mise en lumière de la créativité. Vous parlez d’un cheminement…

M-F. L : Oui, je m’aperçois que tout a un sens, tout mon parcours s’est vécu dans la continuité, une logique en rapport avec mes convictions profondes que l’être humain trouve du bonheur à se savoir créateur, c’est son unicité, sa spécificité qu’il met ainsi à jour. En tant qu’enseignante de maternelle puis primaire, j’ai toujours privilégié l’apprentissage autonome, partant des propres idées des élèves, afin qu’ils soient acteurs et non réceptacles. Je pense que l’art est trop considéré comme une discipline à part, marginale, un peu élitiste, alors que rencontrer la beauté, la percevoir, la ressentir, cela s’apprend et cela enrichit l’enfant. Ainsi, j’ai souvent utilisé des œuvres d’art comme support de réflexion sur la couleur, la ligne, le sujet, les amenant à s’exprimer, puis à rédiger par rapport à leur ressenti.

Puis ma vie personnelle et familiale m’a menée à me former à l’accompagnement d’enfants différents, en souffrance et/ou en difficultés scolaires. Il s’agit d’enseigner à domicile à des enfants malades dans le cadre d’une association formée de bénévoles et en partenariat avec l’Education nationale : l’« Ecole à la maison ». Je crois qu’il est indispensable que des enfants en grande ou longue maladie restent connectés au système scolaire, au programme, à la société. Les enfants malades m’ont tant interpellée, éblouie par leur courage au quotidien, leur volonté, les échanges ont été d’une richesse partagée, tant avec eux qu’avec leurs parents.

Mais bientôt s’est imposé à moi le besoin de trouver une nouvelle façon d’enseigner pour des enfants en souffrance psychologique, victime notamment de la « phobie scolaire », où l’enfant ne peut plus aller à l’école. Il s’agit d’une maladie provoquant une grande souffrance et détresse pour le jeune comme pour sa famille et qui mène à l’échec scolaire. J’ai cherché à mettre en place une pédagogie basée sur la création, le désir, leur passion, s’accrocher à un projet d’avenir et instaurer ainsi une progression dans l’apprentissage. Ils devenaient ainsi acteurs et cela se passait mieux.

Tf : Comment la transition vers l’art thérapie s’est-elle organisée ?

M-F. L : C’est un nouveau tournant, je quitte l’enseignement et me forme durant deux ans à l’art thérapie. Je découvre par cette méthode mon propre potentiel créatif, comment l’exploiter, m’enrichir pour pouvoir apporter aux autres. Je rejoins un couple et une équipe pour créer une association « Charlotte, ensemble c’est tout ! » qui intervient sur deux plans : un groupe de parole pour accompagner des parents de jeunes malades souffrants de comportements alimentaires défaillants et, au CHR Calmette de Lille, la réalisation d’ateliers d’art thérapie. Conjointement, je mène des ateliers dans le cadre de l’association « La Maison de la Famille » auprès des personnes en difficultés sociales et juridiques. C’est à force de rencontrer cette diversité de demandes, de constater les réels bienfaits de cette méthode qui, si elle ne guérit pas, apporte un réel sentiment de bien-être, d’apaisement et de bonheur, que j’ai décidé d’ouvrir un atelier pour tous qui répondent au besoin de se connaître, de créer, de s’enrichir et aussi de rencontrer d’autres personnes dans le même état d’esprit. J’aimerais que s’instaure une relation intergénérationnelle dans certains ateliers car je crois beaucoup à cet échange, qui implique de connaître sa place dans sa différence qui devient sa richesse. La personne en atelier d’art thérapie se crée elle-même et devient l’outil principal de sa transformation intérieure et extérieure.

Tf : Quel enseignement tirez-vous de toutes ces expériences ?

M-F. L : Si je me reporte à toutes ces années d’accompagnement auprès des enfants, des malades, des personnes en difficultés, mon souci majeur a toujours été de les rendre acteur principal de leur destin, conscient de leur place et de leur richesse dans cette immense « ruche » qu’est notre société. Cet atelier résume le sens que j’ai toujours voulu donner à ma vie : être un révélateur de l’autre.

Pour plus d'infos sur l'atelier Art Source : jf.loridan@gmail.com

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