Une "ex-grosse" voit sa photo censurée par la presse féminine

Publié le Lundi 26 Mai 2014
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Une "ex-grosse" voit sa photo censurée par la presse féminine
Une "ex-grosse" voit sa photo censurée par la presse féminine
À 28 ans, Brooke Birmingham a réussi un exploit : perdre, en l'espace de quelques mois, 78 kilos. Devenue mince, Brooke Birmingham est aujourd'hui courtisée par la presse féminine, qui veut avoir la primeur de raconter son incroyable métamorphose. Ce n'est que lorsque le magazine " Shape " a refusé de publier une photographie d'elle en bikini que Brooke a compris la triste réalité : même délesté de tous ces kilos, son corps ne sera jamais conforme à l'image d'Épinal prônée dans les médias. Furieuse contre le magazine, " l'ex-grosse " a décidé de riposter sur son blog.
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L'histoire de Brooke Birmingham a tout d'une « success story » comme en raffole la presse féminine. À 28 ans, cette jeune femme vivant à Quad City, Illinois, a réussi un défi hors-normes : perdre durablement, et en l'espace de quelques mois seulement, près de 80 kilos grâce à un programme d'amaigrissement. Ancienne « grosse » devenue filiforme, Brooke Birmingham a raconté son incroyable exploit sur son blog, Brooke Not on a Diet. Très fière de son nouveau « body », Brooke Birmingham aime à se présenter comme une jeune femme épanouie et des plus optimistes. Et sur son blog, de raconter avec force détails son quotidien, ses idées déco DIY, mais aussi son rapport à la nourriture. La tableau se veut en tout point idyllique. 

Une image « non conforme » aux standards du magazine

Et pourtant, fin avril, la belle mécanique s'enraye. Dans un article posté sur Brooke Not on a Diet le 2 mai, la blogueuse d'ordinaire si joyeuse ait part de son courroux. Brooke Birmingham raconte ainsi avoir été contactée quelques jours plus tôt par Shape, un magazine spécialisé dans le fitness et dont les couvertures se résument à une mannequin à la silhouette photoshopée posant en bikini. Intéressée par son parcours d'ex-ronde, la rédaction de Shape l'aurait contactée afin que cette dernière narre sa métamorphose. « Nous avons pris rendez-vous pour une entrevue et, du coup, je leur ai envoyé une image de moi pour qu'ils puissent l'inclure au texte », décrit-elle sur son blog.

BrookeNotonaDiet.com


La jeune femme adresse alors à la rédaction de Shape une photo d'elle en maillot de bain. Problème : au lieu et place des ventres plats qu'affichent les mannequins en Une du magazine, celui de Brooke porte les « séquelles » de sa perte de poids drastique. Brooke pourtant, n'en a pas honte : fière de son corps elle pose, tout sourire, les mains sur les hanches.

Brooke Birmingham raconte alors que la journaliste lui a simplement répondu : « Merci ! Je vous laisserai savoir si mon éditeur désire autre chose. À bientôt ! ». Avant de poursuivre : « Nous avons effectué l'entrevue au téléphone, au cours de laquelle nous avons discuté, pendant environ une demi-heure, de mon cheminement et de ma perte de poids. Elle était très sympathique. Elle m'a informé qu'elle travaillerait sur le texte et qu'elle me reviendrait dès qu'elle connaîtrait la date de publication. »

« Vous être superbe bien entendu, mais ils aimeraient en publier une de vous en t-shirt »

La jeune femme explique pourtant avoir reçu un mail surprenant de la même journaliste : « La rédaction se demandait si vous pouviez nous envoyer une autre photo de vous (vous être superbe bien entendu, mais ils aimeraient en publier une de vous en t-shirt). »

Furieuse et déçue, Brooke Birmingham demande alors à avoir des explications. Pourquoi vouloir publier une photo d'elle en t-shirt alors que Shape est connu pour ses photos de femmes en bikinis ? « C'est mon corps après une énorme perte de poids, et en refusant de le montrer (ou en me forçant de le cacher), Shape donne aux femmes une fausse image de la perte de poids », explique la jeune femme, qui transmet au magazine une fin de non-recevoir.

La journaliste, « qui ne voulait aucunement la blesser », l'a alors contactée par téléphone pour « l'inviter à reconsidérer sa décision », et soulignant pour la faire changer d'avis « la visibilité » qu'elle obtiendrait.

« Je lui ai dit que cela n'en valait pas la peine, si je ne pouvais pas être honnête avec moi. J'ai rajouté que s'ils étaient autant déterminés à respecter leur politique de personnes entièrement habillées, ils devaient le faire aussi avec le reste du site. Elle a assuré qu'elle comprenait, la discussion s'est terminée là. »

Pourtant, explique Brooke Birmingham sur son blog, « cette histoire me frustre encore aujourd'hui, puisque j'ai l'impression que mon corps n'a pas reçu le même respect que ceux qui se retrouvent sur leur site. Pourquoi, si soudainement, apparaissait une nouvelle politique comme celle d'exposer uniquement des personnes entièrement vêtus à la Une ? »

Fière de son « corps réel », Brooke Birmingham affirme avoir décidé de relater son histoire pour « redonner espoir aux gens ». « Leur montrer qu'ils peuvent perdre du poids sainement et que, même s'ils ne se retrouveront pas avec des abdos d'acier, ils resteront magnifiques. »

« J'ai passé de nombreuses années à cacher mon corps, duquel j'avais honte, parce qu'il ne répondait pas aux critères que la société m'avait montrés. Le fait de me faire inviter à envoyer une photo de moi qui porte une chemise me rappelle que je devrais avoir honte de mon corps. Comme si, parce que j'ai la peau lâche, je ne devais pas porter un bikini », poursuit-elle. « Mais je n'étais pas prête à accepter leur offre. J'ai toujours été vraie et honnête avec moi-même. Si je ne peux pas m'exposer telle que je suis dans l'article, alors ce n'est pas mon histoire. Je voulais raconter ma propre histoire, pas celle du soi-disant monde idéal [...] Rien ne justifie de compromettre mes valeurs. »

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