Prothèses PIP : La Ligue contre le cancer débloque un fonds d'urgence

Publié le Mercredi 18 Janvier 2012
Prothèses PIP : La Ligue contre le cancer débloque un fonds d'urgence
Prothèses PIP : La Ligue contre le cancer débloque un fonds d'urgence
Les autorités de santé ont préconisé le retrait de toutes les prothèses mammaires de la marque PIP par mesure de précaution. Pour soutenir les femmes opérées de la poitrine après un cancer du sein, la Ligue contre le cancer débloque un fonds d’urgence de 50 000 euros et pourrait déclencher une action en justice. Explications d'Emmanuel Jammes, responsable du pôle sociétal de la Ligue contre le cancer.
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Terrafemina : La Ligue contre le cancer annonce le déblocage d’un fonds d’urgence de 50 000 euros pour les victimes des prothèses PIP. Pourquoi cette implication de la Ligue ?

Emmanuel Jammes : La Ligue s’implique parce qu’au nom des victimes, on ne peut pas rester indifférent face à cette escroquerie. En France, sur les 30 000 femmes concernées, 20% le sont à la suite d’une reconstruction mammaire après un cancer du sein. Notre action concerne ces 6000 femmes. En tant qu’association reconnue d’utilité publique, nous sommes agréés pour représenter les usagers, et nous devons en leur nom prendre position et défendre leurs droits.

TF : Quelles victimes pourront être aidées par la Ligue ?

E. J. : Les victimes aidées sont en priorité les femmes qui ont subi une chirurgie mammaire à la suite d’un cancer du sein, mais les femmes qui avaient fait une démarche de chirurgie esthétique ne seront pas laissées de côté. Nous les écouterons et les redirigerons vers les associations de patientes comme P.P.P (Association de défense des porteuses de prothèses PIP) ou MDFPIP (Mouvement de défense des femmes porteuses d’implants et de prothèses).

TF : Quelle sera l’utilisation du fonds de 50 000 euros ?

E. J. : Le fonds d’urgence vise à aider les personnes pour qui l’opération d’explantation et de réimplantation pourrait être retardée ou empêchée pour des raisons financières. Les autorités de santé ont affirmé que pour les femmes ayant subi une reconstruction mammaire après un cancer du sein, les frais seraient couverts, mais quid des faux-frais ? J’entends par là le forfait hospitalier, les coûts de transport, de consultation en amont, et les dépassements d’honoraires des chirurgiens… Sur ce dernier point la Ligue contre le cancer encourage les praticiens à respecter les tarifs de la Sécurité sociale, car la Ligue ne pourra pas les prendre en charge. Par ailleurs le fonds d’urgence permettra de renforcer notre permanence psychologique (accessible via le 0 810 111 101), et le soutien juridique accordé aux victimes.

TF : Le lien de causalité entre les cas de cancers et les implants défectueux n’a pas été établi à ce jour. Des analyses sont-elles en cours pour déterminer si oui ou non les cancers auraient pu être provoqués par le gel non-conforme utilisé par PIP ?

E. J. : Lorsque le 23 décembre, le groupe d’expert s’est réuni à l’Inca (Institut national du cancer) pour répondre à cette question, la réponse a été clairement « non ». A ce moment-là, huit cas de cancers avaient été détectés chez des femmes ayant porté des prothèses PIP. Statistiquement c’est insuffisant pour conclure à un lien de causalité, et scientifiquement il n’existe aucune preuve. A présent, 20 cas de cancers ont été recensés, mais cela reste insuffisant. Le lien entre la dangerosité d’un produit chimique et son impact sur les tissus ne peuvent se vérifier que sur le long terme, c’est pourquoi l’Inca a entamé une étude de cohorte sur les 30 000 femmes porteuses de prothèses PIP, pour voir si sur le long terme un rapprochement peut être établi entre les implants et l’apparition de cancers.

TF : Aucun autre pays n’a recommandé le retrait des implants PIP, le gouvernement français a-t-il été trop loin dans le principe de précaution ?

E. J. : Non, cette mesure était indispensable. On ne peut pas laisser ces femmes avec dans le corps un gel dont on ne sait rien. Ces implants sont moins solides que les autres, ce gel fuit et peut générer des inflammations et des complications. Il fallait préconiser le retrait pour toutes les conséquences qu’on connaît et surtout pour toutes celles qu’on ne connaît pas encore. Notre système de santé est presque unique en son genre, car fondé sur la solidarité et l’interventionnisme. L’Assurance maladie prend des décisions pour garantir l’égalité dans l’accès aux soins. La Grande-Bretagne a décidé que les opérations de retrait ne seraient pas prises en charge par l’Etat, vu de France on peut être choqué, mais cela correspond au choix de santé de ce pays.

TF : La Ligue contre le cancer prévoit également de déclencher une action en justice. En quoi pourrait-elle consister ?

E. J. : Il s’agit de poser la question des responsabilités dans cette affaire, au nom de toutes les femmes qui ont subi une reconstruction mammaire à la suite d’un cancer du sein. Les précautions ont-elles été respectées ? Du côté des autorités sanitaires, mais aussi des organismes de certification et des praticiens ? Jusqu’où va la responsabilité de l’entreprise PIP et de son patron Jean-Claude Mas ? Nous pourrions nous porter partie civile, ne serait-ce que pour accéder au dossier complet de l’affaire, et conseiller au mieux les victimes qui font appel à nous. Mais aucune décision n’a été prise pour le moment, notre cabinet d’avocat est en train de travailler sur la forme de cette action en justice.

Le site de la Ligue contre le Cancer

Crédit photo : AFP

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