USA 2012 : « Il y a un vrai risque politique à se positionner contre la contraception »

Publié le Lundi 19 Mars 2012
USA  2012 : « Il y a un vrai risque politique à se positionner contre la contraception »
USA 2012 : « Il y a un vrai risque politique à se positionner contre la contraception »
Dans cette photo : Barack Obama
La campagne américaine a pris un tour puritain avec la polémique sur le non-remboursement de la contraception. Un scandale qui embarrasse les républicains plus qu'il ne les sert et qui risque d'éloigner d'eux l'électorat féminin. Retour sur polémique avec Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis à l'Institut Français des Relations Internationales (Ifri).
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Terrafemina : Quelles ont été les réactions suite à la polémique sur le non-remboursement de la contraception lancée par les républicains aux Etats-Unis ?

Laurence Nardon : Rappelons que cette polémique n’a pas été lancée par les candidats républicains. Elle est partie d’une pétition lancée par Sandra Fluke, étudiante activiste de Georgetown University, dont la mutuelle ne couvrait pas les frais liés à la contraception. Elle a alors réclamé que son université, ainsi que toutes les autres institutions privées d’intérêt public prennent en charge le remboursement des moyens contraceptifs. Cela suit la demande de Barack Obama de voir les assurances médicales assurer une couverture de la contraception, y compris dans les entreprises liées à des institutions religieuses. C’est dans ce contexte qu’est né le scandale : le présentateur de radio ultraconservateur Rush Limbaugh a commenté la démarche de Mme Fluke avec des propos extrêmement vulgaires et ridicules [Il a traité Sandra Fluke de « slut », ndlr]. Du côté des républicains, cela a plutôt suscité l’embarras. Mitt Romney notamment a été gêné par cette polémique qui arrive en pleine campagne pour les primaires républicaines. Depuis, il fait régulièrement intervenir sa femme lors de ses meetings : elle tente de remettre au cœur de la campagne les questions économiques en soulignant que les élections ne doivent pas se jouer sur des questions de société. Rick Santorum est également dans l’embarras. Lui qui se présente comme le candidat catholique positionné ouvertement contre l’avortement, n’est pas pour le remboursement de la contraception. Mais il s’agit là d’un sujet dangereux : les candidats savent que les femmes américaines ne vont pas les suivre sur ces questions et qu’il y a un vrai risque politique à se positionner contre la liberté de contraception.

Tf. : Quelles conséquences ce scandale peut-il avoir à votre avis sur le déroulement de la campagne pour les républicains ?

L.N. : C’est une polémique qui selon moi va réveiller beaucoup de sujets politiques proprement américains. De nos jours en Europe, la contraception n’est en effet pas réellement un sujet politique. Mais cette question reste brûlante aux Etats-Unis et appuie sur des points sensibles, tout comme l’avortement. Cependant, cette polémique soulevée il y a quelques jours est déjà quasiment dégonflée. En pleine période de campagne électorale, la situation est la même qu’en France : les médias sont friands de débats qui se meurent pour la plupart aussi rapidement qu’ils sont nés. Reste que cela a soulevé un débat intelligent qu’il était utile d’avoir, en réveillant une question à laquelle il est temps de répondre : quelle doit être la position des conservateurs par rapport à la contraception ?

Tf.  : Le vote des femmes américaines est-il plutôt démocrate ou républicain ? Les républicains risquent-ils de perdre une partie de leur électorat avec ce type de positionnement ?

L.N. : Les femmes votent un peu plus pour les démocrates, selon leur tranche d’âge. Mais les différences de vote entre hommes et femmes s’estompent de plus en plus. On parle de moins en moins des femmes comme d’un bloc électoral qui vote dans le même sens : leu vote est de plus en plus défini comme les hommes par leur niveau social, leur groupe ethnique ou encore leur revenu. Ceci dit, les candidats s’adressent à l’électorat féminin à travers certains sujets politiques proprement féminin, comme actuellement la question de la contraception ou de l’avortement. Quand ils agitent leurs drapeaux sur des sujets fédérateurs pour les femmes, même les sympathisantes républicaines peuvent passer vers le clan démocrate quand on menace leur droit à disposer de leur corps.

Tf. : Pensez-vous que l’un des candidats à la primaire républicaine parle plus aux femmes que les autres ?

L.N. : Je ne suis pas persuadée qu’entre le modéré Mitt Romney, le très conservateur Rick Santorum, Newt Gingrich qui évite les questions de morale dans sa campagne ou le libertarien Ron Paul, l’un séduise plus les femmes que les autres. Peut-être M. Romney, favori des sondages, fait-il moins peur à son électorat sur ces questions. Selon toute vraisemblance c’est lui qui l’emportera pour les primaires et aura à affronter Barack Obama. Reste qu’aux Etats-Unis la situation de l’emploi s’est améliorée et que l’on peut croire à un redressement en cours de l’économie. Pour les observateurs, cette situation devrait avantager Barack Obama.

Crédit photo : Rush Limbaugh/Sandra Fluke

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