Iran : passeport sous conditions pour les femmes célibataires

Publié le Mercredi 12 Décembre 2012
Iran : passeport sous conditions pour les femmes célibataires
Iran : passeport sous conditions pour les femmes célibataires
Un projet de loi menace de restreindre la liberté des femmes célibataires iraniennes : elles devront demander l'autorisation d'un tuteur pour se faire délivrer un passeport. Cette disposition qui concerne déjà les femmes mariées inquiète les associations féministes. Quelle est sa portée politique ? Doit-on craindre d'autres mesures liberticides vis-à-vis des femmes en Iran ? Réponses de Thierry Coville, chercheur à l'Iris et spécialiste de l'Iran.
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C’est la liberté de circulation des femmes qui est remise en cause dans le projet de loi adopté par une commission parlementaire iranienne. Les femmes célibataires de moins de 40 ans devraient obtenir l’autorisation d’un tuteur (soit leur père, grand-père ou frère) ou d’un juriste musulman avant de demander un passeport. Une restriction mise en place sous le régime du Shah (avant la révolution de 1979) pour les femmes mariées, qui doivent obtenir l’autorisation de leur mari avant de prétendre à sortir du pays. « C’est un vrai sujet de débat en Iran », commente Thierry Coville, chercheur à l’Iris. Le roman autobiographique « Jamais sans ma fille » de Betty Mahmoody l’illustrait déjà parfaitement lors de sa parution en 1987, récit du combat d’une mère pour fuir l’Iran avec sa fille, et qui se voit confisquer son passeport par son époux. 

Pourquoi cette nouvelle restriction de la liberté des Iraniennes ?

Pour Thierry Coville, la visée est tout à fait politique et s’inscrit dans un environnement très répressif depuis l’arrivée du président Mahmoud Ahmadinejad en 2009 : « Les dirigeants de la république islamique dénoncent le laisser-aller de la société, et prônent le retour à la morale islamique, de fait les projets de lois émanant des parlementaires vont dans ce sens ». Ces discours d’arrière-garde s’appuient notamment sur les statistiques qui montrent une forte augmentation des divorces, le recul de l’âge du mariage et le nombre de femmes qui font des études. « Le guide Ali Khamenei a prononcé récemment un discours encourageant à lutter contre l’occidentalisation de la société iranienne, mais ces tentatives sont vouées à l’échec », pense T. Coville.

Le paradoxe iranien

Face à une société civile de plus en plus en demande de démocratie, une société où il y a désormais plus d’étudiantes que d’étudiants, le pouvoir ne peut qu’espérer « freiner ces évolutions, mais certainement pas les arrêter ». Tout simplement parce qu’il est face à des évolutions profondes et de long-terme, qui suscitent des débats y compris au sein de la classe dirigeante : « Le problème se pose dans toutes les familles, y compris celles des dirigeants qui doivent répondre aux aspirations de leurs propres enfants », analyse T. Coville, qui prédit des discussions compliquées autour de ce nouveau projet de loi au Parlement. « Cette assemblée a beau être de majorité conservatrice, des sensibilités différentes y coexistent, d’autre part il y aura une levée de boucliers de la part de la société civile et des féministes. » D’autant plus que le contexte économique morose s’ajoute au discrédit qui touche Ahmadinejad depuis un an.

La pression médiatique, une arme efficace ?

Il y a quelques jours, Nasrin Sotoudeh, avocate des droits de l’Homme emprisonnée à Téhéran, cessait sa grève de la faim. Le régime a plié et levé une décision qui interdisait à sa fille de 13 ans de sortir du pays. Peut-on attribuer cette victoire relative à la pression médiatique ? Sans doute. Pour T. Coville, les actions de soutien à l’international ont un impact sur les décisions du régime : « La nomination de Shirin Ebadi pour le Prix Nobel de la Paix en 2003 a même rendu fiers certains dirigeants », fait remarquer le chercheur. Il souligne néanmoins la contradiction majeure de la politique de l’UE qui soutient les militants des droits de l'Homme en Iran, mais qui appauvrit la classe moyenne par des sanctions économiques. « Le conflit sur le programme nucléaire iranien met le pays en difficulté économique, et ce sont les entrepreneurs et la population en général qui en paient le prix ».

Crédit photo : Abaca

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