Asia Bibi, condamnée à mort, emblème des chrétiennes persécutées

Publié le Vendredi 21 Janvier 2011
Asia Bibi, condamnée à mort, emblème des chrétiennes persécutées
Asia Bibi, condamnée à mort, emblème des chrétiennes persécutées
Le sort d’Asia Bibi, chrétienne pakistanaise condamnée à mort pour blasphème, met en lumière les persécutions qui redoublent contre les chrétiens du Proche et Moyen-Orient. René Guitton, auteur de l’essai « Ces chrétiens qu’on assassine» (Flammarion), décrypte la situation des femmes chrétiennes dans le monde pour Terrafemina.
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Terrafemina : Au Pakistan, Asia Bibi est sous le coup d’une condamnation à mort pour blasphème. Ce genre de procès intenté aux chrétiens est-il courant ?

René Guitton : Le cas d’Asia Bibi est loin d’être isolé, il est devenu un emblème de la persécution des Chrétiens au moment où les langues se délient. Cette femme est condamnée à mort pour avoir osé comparer Mahomet à Jésus ; cela montre jusqu’où peuvent aller les extrémistes musulmans. Néanmoins ce sont en général les hommes qui sont visés par la loi pakistanaise sur le blasphème, la plupart des femmes sont confinées chez elles et effectuent un travail domestique, ce qui leur procure moins d’occasions de blasphémer…

TF : Pourtant les femmes semblent être les premières victimes des persécutions envers les Chrétiens d’Orient ?

R. G. : C’est le cas en effet. Les attentats contre les Chrétiens à Bagdad le 31 octobre 2010, et à Alexandrie le 31 décembre dernier, ont touché une majorité de femmes et d’enfants. Mais elles sont surtout victimes d’actes de christianophobie au quotidien, parce qu’elles portent les signes extérieurs de leur non appartenance à la religion musulmane. En Irak et en Egypte, elles sont fréquemment contraintes de porter le voile islamique, ou alors elles le font d’elles-mêmes pour éviter les insultes et le harcèlement. Et cela représente déjà une forme de persécution.

TF : Ces femmes chrétiennes courent-elles plus de dangers que les hommes ?

R. G. : Ce sont les moyens employés par les extrémistes qui sont différents et qui rendent les femmes plus fragiles face à l’intolérance religieuse. Les mariages forcés sont courants en Irak, en Egypte, mais aussi en Afghanistan : une jeune fille chrétienne est kidnappée, forcée de prononcer la profession de foi de l’islam devant trois hommes. L’un deviendra son mari, les deux autres pourront témoigner de sa conversion. Elle n’a alors plus aucun recours.

TF : les gouvernements de ces pays restent-ils muets face aux persécutions ?

R. G. : Oui ils portent autant la responsabilité que les extrémistes. Les médias commencent tout juste à dénoncer les actes antis-chrétiens dans les pays du Moyen-Orient, mais cela fait un peu plus de dix ans qu’ils se multiplient. Les extrémistes ont vécu le 11 septembre comme une victoire et ont commencé à se relâcher. Il a fallu attendre l’attentat du 31 décembre dernier devant une église copte à Alexandrie (21 morts, 43 blessés) pour que le président égyptien, Hosni Moubarak, intervienne. La situation a atteint un tel paroxysme qu’il devient difficile de se taire. C’est aussi à nous, occidentaux, de parler et de communiquer sur le sujet.

René Guitton est auteur et éditeur, spécialiste des grands courants religieux monothéistes. Il est l’auteur notamment de l’essai « Ces chrétiens qu’on assassine » (Flammarion) pour lequel il a reçu le Prix des Droits de l’Homme 2009. Il publiera prochainement un livre sur les moines de Tibéhirine, chez Calmann-Lévy.

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