Femen Tunisie : ouverture du procès des trois militantes

Publié le Mercredi 05 Juin 2013
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Femen Tunisie : ouverture du procès des trois militantes
Femen Tunisie : ouverture du procès des trois militantes
Le procès de trois militantes Femen s'est ouvert mercredi 5 juin à Tunis. Les trois sextrémistes, arrêtées après avoir manifesté seins nus le 29 mai, sont accusées de « débauche » et encourent une peine de 6 mois de prison ferme. D'ici le 12 juin, date de la prochaine audience, elles resteront en détention.
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Si elles avaient prévu une action choc pour réclamer la libération de la féministe Amina Tyler, les Femen ne s'attendaient peut-être pas à ce qu'elle soit si lourde de conséquences. Mercredi 5 juin s'est ouvert le procès des trois Femen qui avaient manifesté seins nus, le 29 mai dernier, devant le ministère de la Justice à Tunis pour protester contre la détention d'Amina. Les trois sextrémistes, deux Françaises et une Allemande, ont été accusées de « débauche » par le parquet tunisien, un délit passible d'une peine de prison de six mois ferme.

Un tribunal de Tunis a depuis décidé de reporter au mercredi 12 juin la prochaine audience de leur procès, rapporte l'AFP. D'ici là, elles seront maintenues en détention, leur demande de liberté conditionnelle ayant été rejetée.

Tout n'est pourtant pas perdu, selon la défense. La justice tunisienne n'a en effet pas retenu l'atteinte aux bonnes mœurs comme motif d'inculpation, ce qui laisse entrevoir une issue heureuse au procès. Mardi 4 juin, l'un des avocats des trois jeunes femmes Me Souheib Bahri expliquait s'attendre « à une condamnation légère », dans des propos rapportés par LCI.

Présentes lors du procès, les trois militantes se sont présentées ce matin au palais de justice vêtues du safsari, le voile traditionnel tunisien, après avoir été détenues durant une semaine dans une prison de la banlieue de Tunis.

Pour l'avocat Patrick Klugman, interrogé sur lemonde.fr et venu de France pour représenter en Tunisie « la liberté d'expression des femmes, des Femen  et leur message », ce procès est un non-sens et ne peut que se solder par une relaxe des trois féministes : « On reproche aux Femen d'avoir commis un acte de débauche. Or, l'infraction n'est pas constituée, ni matériellement, ni intellectuellement. Leur corps n'est pas un objet d'exhibition pour séduire, mais un message politique […] qui est contraire à la débauche. Si on raisonne juridiquement, en aucun cas le tribunal, en respectant la loi, ne peut les condamner. »

De son côté, le gouvernement français espère lui aussi la clémence de la justice tunisienne. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a ainsi déclaré dimanche : « La justice est indépendante, mais enfin je souhaite qu'elle fasse preuve de clémence. »

Une action contre-productive ?

Venues manifester à Tunis en réponse à l'emprisonnement de l'activiste Amina Tyler le 19 mai dernier pour atteinte à la pudeur et profanation de sépulture, les trois Femen ont-elles causé plus de tort que de bien à la jeune féministe ? Si les sextrémistes affirment avoir « fait cette action pour attirer l'attention de l'opinion publique internationale car Amina n'a pas de soutien en Tunisie », il semblerait que les réactions suscitées ne soient pas celles qu'elles avaient escomptées.

Pour le parti islamiste Ennahda, actuellement au pouvoir en Tunisie, pas question en effet de faire preuve d'indulgence envers Amina et les Femen. L'une d'elles, d'origine ukrainienne, a été arrêtée à son hôtel puis expulsée alors qu'elle était à Tunis pour soutenir ses consœurs. Il y a pire pourtant : la réaction des Femen aurait aggravé la situation d'Amina. C'est ce qu'avance Nadia Chaabane, députée du parti laïc de centre-gauche al-Massar et militante féministe. « Ce qui arrive à Amina, cet acharnement n'est pas justifié, elle ne représente en aucun cas une menace pour la sécurité nationale [...] mais je ne comprends pas la réaction des Femen qui a aggravé la situation d'Amina », a-t-elle estimé. Pour la députée, l'action des Femen s'apparente à « de la provocation stérile et improductive. Ce faits divers nous détourne des problèmes les plus graves aujourd'hui : les problèmes socio-économiques, la rédaction de la Constitution, la violence etc. Franchement, les Femen, c'est le dernier combat pour lequel je m'engagerai », a-t-elle conclu.