Illettrisme : 21% des femmes dans le monde ne savent pas lire

Publié le Jeudi 08 Septembre 2011
Illettrisme : 21% des femmes dans le monde ne savent pas lire
Illettrisme : 21% des femmes dans le monde ne savent pas lire
Plus d’une femme sur 5 dans le monde ne sait pas lire, et sur les 793 millions d’adultes illettrés, les deux tiers sont des femmes. Si les pays en développement travaillent à scolariser les petites filles, beaucoup d’adultes restent privés de lecture et d’écriture. A l’occasion de la Journée internationale de l’alphabétisation, l’Unesco appelle à un engagement politique accru. Décryptage avec Clinton Robinson, responsable de la section alphabétisation au sein de l’Unesco.
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Terrafemina : D’après les statistiques de l’Unesco, 79% des femmes dans le monde savent lire et écrire, contre 88% des hommes. Comment expliquer cette disparité ?

Clinton Robinson : En effet les deux tiers des jeunes et des adultes analphabètes sont des femmes. Dans de nombreux pays en développement, les familles doivent choisir qui elles envoient à l’école. Pour des raisons culturelles mais surtout économiques, afin de permettre à la mère d’aller travailler aux champs pour cultiver la nourriture de la famille, on demande le plus souvent aux filles de rester à la maison pour s’occuper des frères et sœurs. C’est le cas dans beaucoup de pays africains et en Asie du Sud (Inde, Pakistan, Népal, Bangladesh). Néanmoins on est en droit d’espérer une forte amélioration pour les jeunes générations : au Bangladesh par exemple, où le nombre de filles à l’école dépasse à présent celui des garçons.

TF : En effet, le taux d’alphabétisation des femmes progresse. Quels sont les objectifs fixés pour les années à venir ?

C. R. : En 2000, le projet « Education pour tous » s’est engagé en faveur de l’équité et de l’égalité des sexes, avec pour principal objectif de relever le taux d’alphabétisation parmi la population féminine. Mais la cible de réduire de 50% l’illettrisme dans le monde d’ici à 2015 est loin d’être atteinte. Les projections tablent sur une réduction de l’ordre de 10% d’ici 4 ans, on passera de 793 millions aujourd’hui à 715 millions. Dans ce domaine les progrès sont lents et difficiles.

TF : Aujourd’hui s’ouvre à New Delhi la conférence Internationale « Alphabétisation des femmes pour un développement intégrateur et durable ». Comment ce type de meeting peut-il faire bouger les choses ?

C. R. : Cette conférence internationale est à l’initiative de l’Inde qui invite l’ensemble des pays du « E9 ». On appelle ainsi les neuf pays en développement les plus peuplés : Pakistan, Inde, Bangladesh, Indonésie, Chine, Egypte, Nigeria, Mexique, Brésil. Des pays voisins de l’Inde ont également été conviés (Népal, Maldives, Bhoutan, Sri Lanka). L’Inde tenait à mettre l’accent sur l’illettrisme des femmes, car beaucoup d’initiatives sont nées dans ce pays. Un programme national d’envergure a été mis en place pour alphabétiser 70 millions d’adultes dont 60 millions de femmes. Cette conférence devrait aider à donner un nouveau souffle pour que ces programmes soient relayés dans divers pays.

TF : Certains programmes proposent de promouvoir l’égalité des sexes en même temps que l’alphabétisation, comme « Room to Read » aux Etats-Unis. En quoi consistent-ils ?

C. R. : En effet, l’un des lauréats du prix Unesco-Confucius d’alphabétisation est un programme de la RDC (République démocratique du Congo) spécialement conçu pour les femmes et les filles. C’est le cas également pour l’association américaine « Room to Read », l’autre vainqueur de ce prix. Cette organisation a créé un programme très efficace visant à promouvoir l’égalité des sexes et l’alphabétisation à travers des publications en langues autochtones. Room to Read intervient dans neuf pays (Afrique du Sud, Bangladesh, Cambodge, Inde, Népal, République démocratique populaire lao, Sri Lanka, Viet Nam et Zambie), et implique les communautés locales dans l’élaboration d’ouvrages.


TF : Quelles sont les entraves à la mise en place de ce type de programme ?

C. R. : Il faut distinguer deux aspects. Tout d’abord, quels sont les besoins spécifiques aux communautés ? On a longtemps ignoré les particularités en considérant que lire et écrire était un bienfait pour tous. Mais il faut savoir identifier le rôle que joue l’écrit au niveau local, pour proposer des programmes adaptés et utiles, pour une alphabétisation pertinente. Ensuite, il faut admettre que la part des budgets de l’éducation pour les adultes reste en général de l’ordre de 1 à 3%. Certains commencent à faire des efforts pour relever cette part à 7%, comme au Burkina Faso dernièrement. L’Unesco travaille en priorité avec les pays qui décident de ne plus négliger ces aspects et qui veulent accélérer la cadence de l’alphabétisation.

La journée internationale de l'alphabétisation sur le site de l'Unesco

Crédit photo : Bernard Foubert

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