Congé parental : la réforme de la discorde

Publié le Mercredi 03 Juillet 2013
Congé parental : la réforme de la discorde
Congé parental : la réforme de la discorde
Dans le cadre du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes présenté en Conseil des ministres mercredi 3 juillet, le gouvernement présente sa réforme du congé parental. L'objectif : instaurer six mois de partage obligatoire entre les parents et plus impliquer les pères dans l'éducation de leurs enfants. Les réactions sont mitigées : alors que le Laboratoire de l'égalité voudrait aller plus loin, l'UNAF regrette de son côté une réforme qui ne laisse pas le choix aux mamans. Décryptage.
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Une façon de « forcer les couples à partager » ou bien la bonne solution pour permettre au « papa de prendre aussi une part active dans l'éducation des enfants » ? Les avis sont partagés sur le nouveau congé parental présenté par le gouvernement. Dans le cadre du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes étudié en Conseil des ministres le mercredi 3 juillet, Najat Vallaud-Belkacem présente sa réforme du congé parental. Aujourd’hui, la loi prévoit que lorsqu’il y a deux enfants et plus dans un couple, un parent peut prendre jusqu’à 3 ans de congé parental : désormais, sur ces 3 ans, 6 mois seront réservés au second parent, donc au père généralement. Quid du complément de libre choix d’activité (CLCA) ? « On n’y touche pas », expliquait la ministre des Droits des femmes mardi dans une interview sur France Inter, avant de reconnaître qu’avec 573 euros nets par mois, «il est assez faible ». Pas de hausse de rémunération donc, bien que cette piste ait été évoquée à l’issue de la première conférence sociale organisée par le gouvernement il y a un an, afin d’inciter les pères à réduire leur activité professionnelle.

« Une politique des petits pas qui n’est pas suffisante pour impliquer les papas »

« Le gouvernement ne va pas suffisamment loin », estime Olga Trostiansky, secrétaire générale du Laboratoire de l’égalité. Sans incitation financière, peu de chances en effet de voir les papas prendre leur congé parental. « Il faut avoir en tête que le scénario le plus pessimiste face à cette réforme est alors de voir simplement le congé accordé aux femmes diminuer de 6 mois, sans modification du comportement des hommes », souligne Olga Trostiansky. Alors que, selon Najat Vallaud-Belkacem, la société évolue et les pères « veulent aussi participer à l’éducation de leurs enfants », il semble que ces derniers ne soient pourtant pas tout à fait prêts : aujourd’hui le congé parental est pris à 97% par les femmes, et une étude de l’Insee publiée le 25 juin dernier révèle que 46% des hommes interrogés n’envisagent pas de prendre un congé pour s’occuper de leurs enfants. Du côté du Laboratoire de l’égalité, on regrette donc cette « politique des petits pas » soutenue par le gouvernement : « nous proposions un congé parental de 6 mois pour la mère, 6 mois pour le père, qui aurait poussé le père à s’impliquer et permettrait aux femmes de se réinsérer professionnellement dans de bonnes conditions ». Une proposition qui ne fonctionnerait que si elle était accompagnée d’une « évolution importante des modes de garde », reconnaît Olga Trostiansky, qui souligne malgré tout le volontarisme du gouvernement et cette « porte ouverte » vers plus d’égalité professionnelle.

« On ne laisse plus le choix aux mamans »

Autre son de cloche du côté de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) : si l’insatisfaction est à l’ordre du jour, ce n’est en effet pas pour les mêmes raisons. « C’est tout sauf une bonne idée de réduire le congé parental de 6 mois », réagit François Fondard, président de l’UNAF, qui aurait souhaité maintenir le congé parental tel qu’il est sur trois ans. Sa crainte ? Aller droit dans le mur, avec une désorganisation des modes de garde et du « bricolage » pour les familles qui devront certainement faire appel à du travail au noir pour réussir à faire garder leurs enfants. « Il y a déjà un grave problème de mode de garde en France, et avec cette réforme, il sera encore plus difficile de trouver une crèche pour 6 mois », une période qui correspond à celle qui précède l’entrée à l’école. « Seules 15% des familles sont concernées à temps plein (pour la durée des 3 ans, ndlr) », rappelle-t-il, soulignant que la nouvelle loi « handicape 15% des familles sans pour autant proposer de solution aux 85% autres ». En effet, selon les chiffres de l’UNAF, 40% des familles qui prennent un congé parental le font par contrainte : pour raisons professionnelles ou parce qu’elles n’ont pas obtenu de mode de garde. « On ne leur apporte aucune solution avec cette réforme, qui devrait plutôt s’attaquer à la question de l’amélioration des capacités d’accueil des jeunes enfants », estime François Fondard. Et concernant les 60% qui ont opté pour un congé parental pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants, « on ne laissera désormais plus le choix aux mères de famille de s’occuper de leurs enfants pendant 3 ans », regrette-t-il.

Des mères actives partagées

Les mères actives concernées par la réforme sont quant à elles aussi perplexes face au nouveau congé parental présenté par le gouvernement. Invitées à réagir, les lectrices de Terrafemina se sont montrées partagées. Il y a celles qui pensent qu’il faut laisser le choix aux couples. « Laissons chaque couple s'organiser selon son équilibre : pourquoi mettre tout le monde dans des cases et forcément "pénaliser" ceux qui ne sont pas féministement corrects? », s’interroge Marine, qui estime néanmoins que « ce serait génial que plus d'hommes puissent le prendre s’ils le souhaitaient ». « Si le congé parental dure 3 ans, ce n'est pas pour rien à la base : c'est pour pallier l'absence de places en crèche notamment, jusqu'à l'entrée à l'école », souligne une autre lectrice. Pour Julie, « il est tout à fait normal que le papa prenne aussi une part active dans l'éducation des enfants », et Annie estime qu’il est important que les hommes puissent s’occuper de leurs enfants « sans se sentir coupable ou être le sujet de plaisanteries par leurs collègues ». En revanche Delphine s’agace de voir que l’on « force la main aux familles ». Et Christel de résumer : « chacun son équilibre... chacun son chemin ».

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