Non-cumul des mandats : ces élus qui grincent des dents

Publié le Mercredi 11 Juillet 2012
Non-cumul des mandats : ces élus qui grincent des dents
Non-cumul des mandats : ces élus qui grincent des dents
Dans cette photo : François Hollande
Alors que François Hollande avait fait de cette mesure l’un de ses grands engagements de campagne, le non-cumul des mandats est loin de faire l’unanimité chez les socialistes, qui avancent à reculons. Nombre d’élus PS ne semblent en effet pas prêts à tirer une croix sur leurs mandats locaux en septembre prochain.
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Les 282 députés PS élus tiendront-ils leurs engagements en matière de non-cumul des mandats ? La route semble mal engagée. Pourtant, alors qu’à l’heure actuelle la loi limite les mandats électifs à deux maximum par élu (conseiller municipal, régional, général, député, député européen, sénateur) en plus d’une fonction exécutive (maire, président de conseil général ou régional...), en dehors des communes de moins de 3 500 habitants et intercommunalités, le cumul des mandats est dans la ligne de mire du PS depuis 2009.

Un texte ratifié dès 2009

Cette année-là, plus de 70% des militants socialistes votent un texte dans lequel le PS s’engage à mettre fin au cumul. Il prévoit également une loi en 2012, en cas de victoire aux élections, qui interdira à tous les élus de cumuler un mandat de parlementaire et un exécutif local (maire ou maire adjoint, président ou vice-président de conseil général ou de conseil régional). Par ailleurs, lors des investitures socialistes pour les élections législatives, les candidats ont pris par écrit l’engagement de se plier à cette règle, sans attendre l'éventuel vote d'une loi sur le sujet. François Hollande lui-même avait prévenu le 12 octobre 2011 que s'il était élu, cette mesure serait applicable « dès 2012 pour le Parti socialiste ». « Je veux dès maintenant anticiper le non-cumul des mandats, qui devra être adopté avant les élections locales de 2014 », a quant à lui promis le nouveau chef de file des socialistes, Bruno Le Roux, dans une interview au Figaro.

Des élus hostiles

Et cependant, une série de déclarations de responsables et élus de gauche démontre que nombre d’entre eux ne sont pas pressés d’abandonner leurs différents mandats. Ainsi les radicaux de gauche se sont clairement exprimés contre ce principe. « Il serait impensable de couper les élus de la réalité du terrain. Ce n'est pas sérieux. C'est excessif », a déclaré Jean-Michel Baylet, président du mouvement, interviewé par le Figaro. Même son de cloche dans les arcanes du Sénat, où la majorité des 17 sénateurs du groupe Rassemblement démocratique, social et européen (RDSE) est lui aussi hostile au non-cumul. Jacques Mézard, président du groupe l’a ainsi fait savoir explicitement au Premier ministre : s’il « faut une limitation du cumul des mandats », M. Mézard ne peut « imaginer que le Sénat de la République, grand conseil des communes de France, (…) pourrait n'être composé que d'élus hors sol, coupés de la gestion quotidienne des collectivités ». De même, François Patriat, sénateur socialiste de la Côte-d'Or, estime que cette mesure poserait un problème de fond aux élus, qui perdraient leur « légitimité sur le terrain ».

Pas la même règle pour tous

D’un point de vue stratégique, nombreux sont également les élus qui s’inquiètent de cette déconnexion d’avec le local. « La droite souhaite reconquérir le pouvoir grâce aux municipales. Alors, ce n'est pas le moment de retirer tous nos élus compétents. Cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied ! », souligne M. Patriat dans l’Express.
De même, François Rebsamen, président du groupe PS au Sénat, défenseur du cumul, plaide surtout pour que tout le monde soit logé à la même enseigne : si non-cumul il doit y avoir, alors les élus PS ne devront pas être les seuls concernés.
Face aux réfractaires, le ministre des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, reste flou dans ses recommandations. « La question du curseur fera débat. On ne pourra pas mettre la même règle probablement pour tous les maires », a-t-il expliqué face à des journalistes, indiquant que la règle pourrait ne pas concerner les maires des petites communes. Reste que M. Vidalies ne précise pas à partir de combien d’habitants une commune est qualifiée de « petite ». « Est-ce que cela sera 20 000 ou 3 500, cela fera partie du débat », souligne-t-il.

82% de cumulards

Chez les Verts et au Parti de gauche, on est en revanche majoritairement contre le cumul. François de Rugy, député de Loire-Atlantique et coprésident des députés écologistes, a démissionné de son mandat de maire adjoint de Nantes dès 2008 et estime que le non-cumul des mandats est une « réforme prioritaire ». « Sur la base du volontariat, ça ne marche pas », assène-t-il au Figaro. De même, tous les socialistes ne sont pas hostiles au projet. Ainsi, David Assouline, sénateur PS de Paris, soutient une réforme qui selon lui permettrait un « renouvellement des générations nécessaire pour être en prise avec la réalité de la société ». Interrogé par l’Express, il estime par ailleurs qu'« elle faciliterait l'action des sénateurs, pour qui il est évidemment plus facile d'être efficaces quand ils ne cumulent pas plusieurs tâches ». Mais comme le souligne René Dosière, député socialiste de l'Aisne, dans un entretien au Figaro, « aussi longtemps qu'il n'y a pas de loi anticumul, le cumul des mandats est politiquement nécessaire ».
Les responsables politiques français, les plus nombreux en Europe à cumuler les mandats, font quasiment figure d’exception : ils sont en effet 82% de cumulards contre 10% en Allemagne ou 15% en Italie. Jean-Marc Ayrault devrait très prochainement aborder le sujet avec  Jacques Mézard et Roger-Gérard Schwartzenberg, le président du groupe des radicaux de gauche à l'Assemblée, lors d’une rencontre prévue à Matignon le 12 ou le 18 juillet.

Crédit photo : AFP

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