Les "conseils aux femmes" du ministère de l'Intérieur, sexistes ou réalistes ?

Publié le Vendredi 18 Octobre 2013
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Les "conseils aux femmes" du ministère de l'Intérieur, sexistes ou réalistes ?
Les "conseils aux femmes" du ministère de l'Intérieur, sexistes ou réalistes ?
Disponibles depuis l'été 2012 sur le site du ministère de l'Intérieur, les « conseils aux femmes » sont, depuis le début de la semaine, l'objet de vives attaques. Jugés sexistes et culpabilisants pour les femmes qui osent sortir le soir ou porter des jupes, ils ont, ce jeudi 17 octobre, mystérieusement disparu et été remplacés par une annonce du ministère des Droits des femmes.
À lire aussi


« En raison de leur sexe et de leur morphologie, les femmes sont parfois les victimes d'infractions particulières. » Non, cette observation pleine de discernement n'est pas issue d'un manuel tout droit sorti des années 1950, mais l'une des remarques que l'on pouvait trouver, jusqu'à hier, sur le site du ministère de l'Intérieur.

Dans une rubrique intitulée « conseils aux femmes », et consultable depuis août 2012, le ministère de la Place Beauvau se fendait de recommandations à l'attention de ses citoyennes. Exhumées par la twittos Wahiba et relayées sur Streetpress, ces consignes ont fait bondir les féministes, qui n'ont pas manqué de les qualifier de sexistes et de culpabilisantes pour les femmes.

Des conseils qui « culpabilisent les femmes »

Si ces « conseils aux femmes » rédigés par l'administration de Manuel Valls partent probablement d'une bonne intention, ils s'avèrent être particulièrement maladroits. Morceaux choisis.

« Assurez-vous que toutes les issues sont soigneusement fermées. Équipez votre porte d'un entrebâilleur et d'un judas, et utilisez-les. »

« Ne laissez pas apparaître sur votre boîte à lettres, votre porte ou la liste des occupants de l'immeuble votre condition de femme seule. Évitez d'indiquer : Mademoiselle, Madame, Veuve ou votre prénom. »

« Évitez les lieux déserts, les voies mal éclairées, les endroits sombres où un éventuel agresseur peut se dissimuler. Dans la rue, si vous êtes isolée, marchez toujours d'un pas énergique et assuré. Ne donnez pas l'impression d'avoir peur. Marchez toujours en sens inverse de la circulation routière. »

Pour Anne-Cécile Mailfert, porte-parole d'Osez le féminisme, ces conseils sont improductifs, voire dangereux : « Même s'il faut dire aux femmes de faire attention, car malheureusement elles sont plus souvent victimes d'agressions que les hommes, là il y a un problème dans la forme. Implicitement, on culpabilise les femmes qui se feraient agresser parce qu'elles sont vêtues un peu trop court ou parce qu'elles seraient faibles […] Cela montre encore une fois que l'espace public est réservé aux hommes et que finalement les femmes devraient rester chez elles. »

Un point de vue que partage une journaliste du site MadmoiZelle, qui explique : « Évidemment que ces conseils sont pertinents. Et pour la plupart, je les ai déjà intégrés depuis bien longtemps. J'enrage à la lecture de ces conseils parce qu'ils me renvoient à ce sentiment insupportable d'impuissance responsable […] Parce que ces conseils rationalisent ces angoisses contre lesquelles je lutte au quotidien, ces peurs dont j'essaie de me défaire quand je marche seule dans la rue, la nuit. »

D'ailleurs, note Anne-Cécile Mailfert, ces « conseils aux femmes du ministère de l'Intérieur » ne prennent pas en compte une donnée primordiale, et qui est notamment l'objet du Tumblr Je connais un violeur : ils « laissent à penser que le danger vient de l'extérieur, alors que 80% des agressions sont le fait d'un proche […] À quand une rubrique pour dire aux maris de ne pas battre leur femme ? »

Le ministère supprime ses conseils

Visiblement alarmé par les critiques dont la rubrique a fait l'objet, le ministère de l'Intérieur l'a remplacée, jeudi 17 octobre, par une note du ministère des Droits des femmes. Intitulée « Lutte contre les violences faites aux femmes », le ministère y assure faire « de la lutte contre toutes les violences faites aux femmes une priorité […] : prévenir les violences par la sensibilisation et l'éducation, améliorer le premier accueil et renforcer la protection des femmes, prendre en charge les auteurs et prévenir la récidive, accompagner les victimes, lutter contre les mariages forcés et la polygamie ».