3G Living : Un réflexe peu français

Publié le Mardi 29 Juin 2010
3G Living : Un réflexe peu français
3G Living : Un réflexe peu français
La dépendance, défi des décennies à venir, pourrait être résolue par un retour à la famille élargie. Vivre à trois voire quatre générations sous le même toit, une solution plébiscitée par les Anglo-Saxons, plutôt boudée par les Français. Le chercheur en psycho -gérontologie, Jérôme Pélissier, tente d’expliquer pourquoi.
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Selon un récent sondage lancé par la Macif, 41% des Français ont dans leur entourage une personne proche en perte d'autonomie, et 56% des Français déclarent être prêts à prendre en charge un parent âgé à domicile. Pourtant, dans les faits, ils sont peu amateurs de ce que les Anglo-Saxons nomment le " 3G Living ".


Aux Etats-Unis, le " Sandwich génération month " a été inscrit au calendrier des évènements nationaux - un hommage à cette génération prise entre ses enfants et des parents dépendants et une façon d'encourager la cohabitation multi-générationnelle. Dans la banlieue londonienne, les agents immobiliers constatent un vrai engouement pour les grandes bâtisses modulables et adaptables à toute la famille y compris une grand-mère immobilisée.
Si la dépendance s'impose déjà comme l'un des défis majeurs que la société française devra relever, sommes-nous prêts pour autant à ouvrir notre maison à nos aïeuls ?

Jérôme Pélissier est écrivain chercheur en psycho-gérontologie, chargé de projet à l'EREMA, l'Espace national de réflexion éthique sur la maladie d'Alzheimer. Il a publié en 2007 La Guerre des âges aux éditions Armand Colin.

Terrafemina : Il semblerait qu'en Grande-Bretagne de plus en plus de familles se regroupent pour vivre sous le même toit à trois voire quatre générations. La France pourrait-elle connaître le même phénomène ?

Jérôme Pélissier : Difficile de savoir ce qu'il en sera en France. Le phénomène peut exister sans qu'il soit amené à prendre de l'ampleur. On sait en effet que, globalement, lorsque des personnes de deux générations différentes sont interrogées, il ressort que ni les parents ni les enfants ne souhaitent aller vivre les uns chez les autres. N'oublions pas que les parents âgés, quand ils ont du mal à continuer à vivre seuls, ont bien souvent autour de 80-90 ans, et leurs enfants ont donc bien souvent autour de 60-70. Quand on a vécu depuis 60 ou 40 ans loin de ses parents, difficile de changer !

TF : Aux Etats-Unis le " Sandwich generation month " a été instauré tous les mois de juillet pour rendre hommage à cette génération qui s'occupe de ses parents et de ses enfants. Un mois où l'on promeut également le maintien des familles multi-générationnelles. Que pensez-vous de cela ? D'autres pays sont-ils concernés ?

J.P. : Tous les pays occidentaux sont concernés par cette " génération sandwich " : bien souvent des femmes, jeunes retraitées, qui prennent soin de toutes les autres générations de la famille : en aidant leurs parents et beaux-parents âgés, en aidant leurs enfants pour s'occuper des petits-enfants, etc. De très nombreuses femmes soutiennent ainsi les liens et les échanges entre générations au sein des familles. C'est l'une des raisons qui font qu'il est bien inexact de dépeindre les retraitées comme des " oisifs " ou des " égoïstes ". Une grande partie d'entre eux aident toutes les autres générations de la famille.

TF : Un peu d'histoire : Comment ont évolué la situation et le mode d'habitation des séniors depuis les années 80 ?

J.P : Très globalement, on peut dire qu'il y a eu deux grandes tendances ces dernières décennies : entre les années 1950 et les années 1990, une réduction progressive des familles vivant ensemble sous le même toit, à plusieurs générations. Et une réduction progressive de la pauvreté des personnes âgées. Et puis, depuis 1990, on voit cette tendance ralentir puis s'inverser. De nouveaux modes de vie et d'habitat, moins choisis que contraints, qui poussent des générations différentes à habiter de nouveau ensemble.