Couple et argent : "Mesdames, je ne vous félicite pas"

Publié le Vendredi 07 Mars 2014
Couple et argent : "Mesdames, je ne vous félicite pas"
Couple et argent : "Mesdames, je ne vous félicite pas"
Pourquoi les hommes seraient plus concernés par les histoires d'argent que les femmes ? A l'occasion de la journée de la femme, notre contributrice prend la parole.
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Laissez-moi vous parler de M. qui n’est pas une personne de mon invention, mais ma belle-sœur qui sera, j’en suis sûre, ravie que je raconte sa vie ici. Alors je sais, ou du moins je constate, qu’on n’est pas censé aimer ses belles-sœurs. Mais je n’y peux rien, j’aime bien la mienne*. D’ailleurs, cela ne dérange personne, et je ne vois pas pourquoi, sous prétexte qu’elle a épousé mon frère, je devrais ne pas l’apprécier. A la limite, si je me peux me permettre cette petite digression, je dirais même que, ne serait-ce que pour cela, elle a toute mon affection. Non pas que mon frère soit un fardeau que je craignais d’avoir à porter jusqu’à la fin de mes jours (mon frère est un type bien), mais parce qu’en l’épousant, elle a choisi le seul homme de la planète entière avec lequel il n’était pas question que j’envisage quoi que ce soit (nous sommes une famille saine et normale). Bref, c’est la seule femme au monde à ne pas être en compétition avec moi pour l’ensemble du pool mâle de la Terre. Et si vous connaissiez ma belle-sœur, vous comprendriez que je lui sois reconnaissante de ne pas avoir à y être comparée.

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Enfin voilà, M., donc, est une femme intelligente (et belle, et drôle, mais cela n’a que peu d’importance dans le sujet du jour). Elle a fait des études brillantes, obtenu de beaux diplômes en réussissant tous les examens qu’on lui demandait de passer.
Et pourtant, le jour où M. et son mari (mon frère, donc, si vous suivez toujours) ont décidé d’acheter un appartement, elle a buggé. Elle n’était pas capable de comprendre le coup du crédit, de la garantie, des taux brut et net et de pourquoi c’était mieux de s’endetter plutôt que de continuer à louer… Ou plutôt, elle s’est convaincu, par un processus mental que je n’ai pas encore réussi à décortiquer (je suis financière, pas neuropsychologue), qu’elle n’en était pas capable. Et elle a laissé mon frère décider de tout.

M. a de la chance. Pour le coup, mon frère maîtrise le sujet (nous sommes une famille saine, normale, et douée en finances, donc). Mais bon, au risque de froisser quelques egos, il n’est pas plus intelligent qu’elle. Ils ont exactement la même formation (ils se sont rencontrés pendant leurs études) et sauf erreur de ma part, s’ils ont reçu le même diplôme, c’est parce qu’ils ont tous les deux su répondre aux mêmes questions des mêmes examens.

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M. n’est pas un cas isolé. Combien de femmes autour de moi m’ont sorti le même couplet charmant du ‘ce n’est pas moi qui m’en occupe, c’est mon mari’. Oui, certes, mais tous les maris ne sont pas banquiers, toutes les femmes n’ont pas un mari, et toutes ne vivent pas dans les années 40. Je ne doute pas que, si vous en avez un, celui-ci fasse très bien les choses. Tout comme les hommes votaient certainement fort bien pour leurs femmes jusqu’en 1944. Oui à la répartition des tâches, mais pas à cette répartition-là.

Alors oui, c’est vrai, la finance a mauvaise réputation. Je ne suis ni sourde ni aveugle et j’ai bien conscience du caractère a priori rébarbatif de la finance. C’est vrai qu’il y a pleins de chiffres, et de pourcentages. Mais alors là, me sortir le coup des chiffres pour justifier une telle léthargie est une belle démonstration de mauvaise foi. Parce que des chiffres, il n’y en a que 10. Prétendre que c’est plus compliqué en finance parce qu’on en met pleins les uns derrière les autres est une fausse excuse : cela ne vous gêne absolument pas quand il s’agit de calculer des pourcentages en période de soldes, des poids avant et après le régime, des calories après et avant ledit régime, ou même des tailles (jusqu’à maîtriser les taux de change entre les tailles suisse, française et italienne, désignant pour un même pantalon un 36, un 38 et un … 42).

Et quand bien même cela ne vous intéresserait pas du tout… Après tout c’est votre droit le plus total et vous pourriez très bien me dire que vous, vous êtes passionnée de tricot, et que chacun(e) son truc. Pourquoi pas. Sauf que le tricot, c’est bien pour celles qui veulent faire des pulls. Mais l’argent, c’est bien pour celles qui veulent faire… tout. Y compris du tricot d’ailleurs.

Je ne connais pas les statistiques et n’avancerais donc aucun chiffre – ce dont vous me saurez gré – mais je subodore qu’une part non négligeable des femmes qui ont passé leur permis de conduire n’avaient aucun intérêt pour la mécanique (et la première qui me dit que ‘de toute façon, c’est mon mari qui s’occupe de la voiture…’, je l’empale). On passe son permis pour pouvoir utiliser une voiture qui nous permettra d’aller d’un point A à un point B. On s’intéresse à la finance pour pouvoir s’offrir des vacances, une maison, une retraite, voire des études au petit dernier.

Quant à vous, messieurs, qui lisez cet article, car je sais qu’il y en a…, et pour lesquels j’ai personnellement beaucoup d’affection, allez-y ! Conviez vos femmes et chéries à participer à ces réflexions. Si vous ne le faites pas par souci d’égalité, faites-le égoïstement (chose que vous maîtrisez en général fort bien), pour vous. Car les études le prouvent. Quand elles commencent à s’intéresser à la chose (je parle toujours de finance, là), elles font en général preuve d’une grande intelligence. Réfléchies, terre à terre, moins impulsives, elles savent faire preuve de la retenue nécessaire à l’exercice financier.

Vous connaissez le dicton : deux paires d’yeux valent mieux qu’une. En cette journée de la femme, je me permettrai d’ajouter que c’est d’autant plus vrai quand l’une d’entre elles porte du mascara.

* En réalité, j’ai deux belles-sœurs. Et je les aime beaucoup toutes les deux.