Colocation entre seniors : la résistance s’organise !

Publié le Samedi 04 Août 2012
Colocation entre seniors : la résistance s’organise !
Colocation entre seniors : la résistance s’organise !
Alors que l'espérance de vie ne cesse de s'allonger, les seniors se concoctent soigneusement une fin de vie adaptée à leurs nouveaux besoins : ça s'appelle la colocation entre seniors, c'est tout récent mais le concept se développe à vitesse grand V.
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On vit de plus en plus vieux en France : la moyenne d’âge pour les femmes est de 85 ans et pour les hommes, de plus de 78 ans. En 2050, plus d’un Français sur trois aura plus de 60 ans contre environ un sur cinq aujourd’hui (selon une projection de l’INSEE réalisée en octobre 2010). Face à des pensions qui tendent à se réduire en raison d’une crise économique qui n’en finit pas, les seniors organisent leur quotidien en inventant ou en adaptant de nouveaux modes de vie pour gérer au mieux leur retraite, à l’image du film de Stéphane Robelin, « Et si l’on vivait tous ensemble ? ». Une pratique relativement récente mais qui n’a pas attendu le Septième Art pour se répandre en France.

L’association Cocon3S
Depuis le début des années 2000, on voit naître ainsi des initiatives de colocation entre seniors, pour contrer la solitude, la précarité financière et l’isolement. Un nouveau mode de vie calqué sur les colocations entre étudiants ou jeunes actifs mais qui comporte ses propres règles. Pour mettre en place ces lieux d’habitation d’un nouveau genre, des associations se sont créées, comme Cocon3S, un concept né d’échanges en ligne et en vis-à-vis direct, qui a vu le jour en 2007. A l’origine du projet, Christiane Baumelle*, psychosociologue de 70 ans, devenue experte en la matière, peut se vanter d’avoir réuni une communauté de plus de 1000 personnes intéressées par la colocation entre seniors, aussi appelée cooptation (les membres d’une communauté se choisissent les uns le autres pour vivre ensemble).


Rompre la solitude
Les raisons de cet engouement autour de la colocation entre seniors sont nombreuses, mais celle qui revient comme un leitmotiv dans la bouche des intéressés, est l’envie de retrouver un cocon, semblable à un noyau familial. C’est le cas de Louise 78 ans : « Je voulais recréer une vie de famille pour ne pas me retrouver seule. Vivre entourée est très important surtout quand les capacités d’autonomie chutent, que les enfants ne sont pas présents car éloignés géographiquement et que la seule solution est le départ en maison de retraite médicalisée ou non, des mouroirs selon moi. Je dors bien mieux maintenant car je ne me sens plus seule. »

Oublier les soucis financiers
Renoncer au logement individuel est surtout synonyme de soulagement économique. Christiane Baumelle l’exprime clairement : la colocation pour les seniors, « c’est une réponse parfaite aux petites retraites ». Elle permet non seulement de partager le loyer et d’avoir ainsi un logement plus vaste et plus agréable au même prix, voire moins cher, mais aussi, dans la plupart des cas de partager les dépenses du quotidien comme l’explique Jean-Marie : « L'aspect matériel est non négligeable. Notre mode de fonctionnement est de type familial, le partage avant tout, porte-monnaie et courses en commun, y compris pour les visites de la famille et des amis, les tâches se faisant tout naturellement selon la bonne volonté de tous sans tour de rôle, ni spécificité. Les décisions concernant la vie collective (l’équipement de la maison, le choix d'un(e) 4e colocataire...) sont débattues ensemble et approuvées ».

Un nouveau mode de vie
La colocation entre seniors s’inscrit dans la droite lignée de l’évolution de la société et apparaît avec le passage de la génération baby-boom à l’âge de la retraite. C’est un moyen efficace de transformer en profondeur les us et coutumes, ce que confirme Christiane Baumelle : « Aujourd’hui, un couple sur deux divorce et les membres d’une même famille n’habitent plus forcément au même endroit pour s’entraider lorsqu’un proche décède par exemple. De plus, l’émancipation des femmes est à prendre en compte : celles qui ont travaillé toute leur vie et expérimenté ces nouvelles situations familiales et professionnelles veulent s’investir dans des projets ». Un point de vue confirmé par Marianne, 62 ans : « Je suis divorcée depuis peu et par choix, je n’ai jamais voulu avoir d’enfant. Je recherche un projet de colocation senior et suis ouverte à toutes les propositions de lieu et d’organisation ».

L’objectif de ces lieux de vie est bien de s’épanouir jusqu’au bout et de profiter de sa retraite : « L'essentiel c'est de vivre un projet de vie, enthousiasmant, qui donne de la vie à la vie, où chaque jour il se passe quelque chose, où l'on mutualise nos potentialités, complémentarités, on se frotte à la personnalité, à l'expérience de tous. On rejoint facilement l'idée du philosophe qui proclame que bien vivre c'est réussir sa mort », confie Jean-Marie, « je crois pouvoir dire que nous nous sentons très libres, en controversant la célèbre maxime : notre liberté ne s'arrête pas où commence celle des autres, elle s'enrichit de celle des autres ! ».

Les écueils à éviter
Cependant la réussite d’une colocation n’est pas toujours assurée, pondère Christiane Baumelle : « Dans une des colocations, par exemple, tout est allé très vite, des étapes ont été escamotées et du coup, deux ans après, chacun a toujours sa bouteille d’huile, les valeurs de partage et de communauté ont du mal à s’installer ». Chez les seniors, l’engagement sur le long terme est une particularité à prendre en compte. Une particularité qui peut rapidement devenir une contrainte : « Souvent les personnes intéressées se lancent à l’aveugle et veulent précipiter les choses. Ils ont souvent l’impression de tout savoir et de ne pas avoir besoin de conseils. Résultat, ils choisissent la maison avant de choisir les colocataires et comme il faut payer le loyer, ils se précipitent pour régler les factures et s’aperçoivent progressivement qu’ils ne s’entendent pas ».

Se rencontrer en amont, échanger, discuter, fixer les règles à l’avance sont donc les principaux conseils distillés par Christiane Baumelle. Elle recommande même de faire des essais, soit chez l’un des colocataires, soit chez un tiers avant de s’intégrer dans un projet : « J’ai actuellement quatre personnes chez moi pour une période de 8/10 jours qui font des essais de vie commune. Ils travaillent sur eux-mêmes pendant cette période pour voir si ce mode de vie est un bon choix ».

L’association Cocon3S recherche actuellement des médiateurs de projet professionnels. Ils devraient permettre une concrétisation plus rapide comme le travail en commun avec des bailleurs sociaux, des communautés de communes et des administrations territoriales pour trouver des biens adaptés à louer, voire à acheter. L’association est donc ouverte à toutes les expériences : «  La colocation intergénérationnelle ? On n’a rien contre mais pour l’instant, rien ne s’est concrétisé au sein de Cocon3S. »

Le mot de la fin revient sans conteste à Jean-Marie : « La colocation, l’essayer, c’est l’adopter ! »

Le site de Cocon3S

* Auteure du livre « Manuel de survie des seniors en colocation », éditions Tournez la page, janvier 2012.

Laure Gamaury

Crédit photo : iStockphoto


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