Familles monoparentales à Paris : l’Interview d’Olga Trostiansky

Publié le Lundi 07 Mars 2011
Familles monoparentales à Paris : l’Interview d’Olga Trostiansky
Familles monoparentales à Paris : l’Interview d’Olga Trostiansky
Plus de 27% des familles parisiennes sont monoparentales, et près de 40% d’entre elles sont sous le seuil du bas revenu. Des statistiques qui dépassent de loin la moyenne nationale. Olga Trostiansky, adjointe au Maire de Paris, explique la politique mise en œuvre pour aider ces familles modestes. Interview.
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Terrafemina : La part des familles monoparentales est plus importante à Paris que sur l’ensemble du territoire, quel est le profil de ces familles ?

Olga Trostiansky : La part des foyers monoparentaux est en effet beaucoup plus élevée à Paris que dans le reste de la France (Marseille excepté) : 27,6% des familles contre 20,3% en moyenne nationale. A Paris comme dans le reste de la France, les foyers monoparentaux sont toujours plus nombreux : 15% des familles en 1968, 26% en 1999.
Nous avons missionné notre Observatoire des familles parisiennes pour mieux les connaître. Ces familles sont dans une écrasante majorité formées d’une femme élevant seule son ou ses enfant(s) (87%). Schématiquement, on peut distinguer quatre types de familles. Le long des boulevards maréchaux, des familles aux revenus modestes très majoritairement logées dans le parc social ; dans le nord-est de Paris, des familles en situation de grande précarité ; dans le centre et l’ouest, des familles plus favorisées, où la proportion des hommes est plus élevée (15%). Le 4e groupe (plutôt rive droite et dans le logement privé) rassemble des familles dans la moyenne, sans caractéristique particulière.

TF : Des aides financières spécifiques ont été créées par la ville de Paris pour ces familles. Quelles sont-elles ?

O. T. : La Ville de Paris a créé en 2003 une allocation logement spécifique pour les foyers monoparentaux, qui bénéficie aujourd’hui à 8.600 foyers. Leurs ressources mensuelles doivent être inférieures à 1.600€, le montant maximal de l’allocation est 122€. C’est une précieuse aide pour solvabiliser les dépenses de logement de ces foyers aux conditions de vie souvent précaires.

TF : Quels sont, au-delà des difficultés financières, les problèmes rencontrés par ces familles ?

O. T. : Au-delà des considérations économiques, la plus grande difficulté que peuvent rencontrer ces familles est l’isolement, particulièrement pour les familles issues de communautés étrangères. Pour favoriser le lien social, la Ville de Paris finance de nombreuses structures : les centres sociaux, qui proposent des activités socio-éducatives et culturelles aux parents et aux enfants, les lieux d’accueil parents - enfants, où les parents de jeunes enfants peuvent venir discuter avec des psychologues de leur relation avec leur enfant, dans un cadre anonyme et bienveillant, ou encore les ludothèques, où parents et enfants peuvent jouer et emprunter des jeux.
Il faut prendre garde cependant à ne pas stigmatiser ces familles : la monoparentalité n’est pas un état, c’est une situation souvent passagère dans une vie conjugale faite de plusieurs périodes : rencontre, vie de couple, séparation, nouvelle rencontre, etc. Ce qu’il faut, c’est être présent au moment des passages délicats : combien de femmes, même de classes sociales aisées, se retrouvent d’un seul coup en grande difficulté économique lors d’une séparation, se retrouvant dans un logement trop cher pour un seul salaire ?

TF : Quels dispositifs ont été mis en place pour la formation et la réinsertion des parents isolés ? Des structures permanentes pourraient-elles voir le jour ?

O. T. : Dans le cadre de ses compétences départementales, la collectivité parisienne a la responsabilité de l’insertion sociale et professionnelle des allocataires du RSA (ex-RMI et API – allocation parent isolé). Sur les 60.000 allocataires parisiens, on compte environ 4.000 femmes élevant seules leurs enfants. En tant qu’adjointe au Maire de Paris et militante féministe, j’accorde une attention particulière à leur situation : besoin de garde d’enfants, de parcours conjuguant formation professionnelle et cours de français pour les femmes d’origine étrangère. Pour les femmes les plus en difficulté, la Ville de Paris gère trois centres d’hébergement proposant également les services d’une crèche. Elles y bénéficient d’un accompagnement très soutenu visant l’emploi et le logement autonome.

TF : Est-ce que de nouveaux lieux de garde adaptés aux horaires décalés et aux besoins de formation de femmes seules vont voir le jour à Paris ?

O. T. : Sous la précédente mandature, de 2001 à 2008, j’ai notamment initié des partenariats avec les crèches de l’APHP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris), ouvertes en horaires décalés, de 6h30 à 21h30. Plus de 2.200 places d’accueil de la petite enfance fonctionnent à Paris sur des horaires particuliers. Cet effort est bien sûr poursuivi sur cette mandature 2008-2014.
En ce qui concerne l’insertion professionnelle, je souhaite que l’on fasse preuve d’innovation et de créativité : les femmes ne doivent pas être seulement orientées sur les métiers des services à la personne, qui nécessitent peu ou pas de qualification. Il faut les accompagner dans le développement de leurs compétences pour leur ouvrir de vraies perspectives d’évolution de carrière. Par ailleurs, nous réfléchissons à un programme d’orientation sur des métiers traditionnellement masculins et qui souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre.

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