Places en crèche : qui sont vraiment ces veinards qui en obtiennent ?

Publié le Jeudi 11 Septembre 2014
Places en crèche : qui sont vraiment ces veinards qui en obtiennent ?
Places en crèche : qui sont vraiment ces veinards qui en obtiennent ?
Des mois que vous attendez fébrilement la réponse de la crèche. Pourtant, le couperet est tombé, vous n’êtes « pas prise ». Pourquoi ? Quels sont donc ces critères obscurs qui vous font fantasmer mille scénarios plus ou moins légaux pour amadouer la directrice ? La réponse se trouve dans une analyse publiée ce jour par « Population et sociétés »*, intitulée « L’accueil en crèche en France : quels enfants y ont accès ? ». Analyse.
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La feuille de route du ministère des Affaire sociales est claire : d’ici 2017, les crèches devront proposer 100 000 places supplémentaires. Preuve que le sujet de l’accueil des moins de trois ans reste un problème majeur en France, notamment parce qu’il est intimement lié à l’emploi des femmes victimes du fameux « plafond de mère » dénoncé par Marlène Schiappa (selon l’enquête, 50% des enfants de moins de 4 ans sont en effet gardés par leurs parents, et en très grande majorité par la mère).

16% des enfants non scolarisés accueillis en crèche

Plébiscitée par 32% des parents après la naissance de leur premier enfant, la solution crèche séduit sans conteste. Les sondés avancent en effet les bénéfices de l’apprentissage de la vie en collectivité, le développement social de l’enfant, ainsi que la participation à son éveil et à son développement. Mais voilà, en 2011, seuls 16% des enfants non scolarisés y étaient accueillis. C’est peu lorsqu’on sait que chez nos voisins danois, 56% des tout-petits trouvent naturellement une place dans ce système d’accueil. En France, tout parent ayant eu à suivre l'éprouvant parcours qui devait le mener au monde merveilleux des chaussons en papier le sait : obtenir une place en crèche relève de la légende urbaine. Et pas si urbaine, d’ailleurs, puisque les heureux parents de la capitale, n’en déplaise aux grincheux, bénéficient de 38 places en crèche pour 100 enfants, contre 16 dans le reste du pays, donc. Passée l’épreuve du dossier à constituer (photocopies d’avis d’imposition, actes de naissance datés de moins de trois mois, bulletins de salaire originaux des origines à nos jours… Phobiques administratifs, passez votre chemin), le parent attend, attend, attend… Avant de recevoir, bien souvent, une fin de non recevoir « malgré la qualité de [sa] candidature », l’invitant à réitérer sa demande en retournant à la case départ.

Commissions d’attributions des places : quels sont leurs critères ?

Mais quels peuvent bien être les critères de ces obscures commissions d’attribution des places se réunissant deux à trois fois l’an afin de décider du destin de milliers de familles alors que, selon « Population et sociétés », « certains parents dénoncent le manque de transparence et les inégalités de traitement dans ces attributions » ?

L’enquête a pourtant permis de mettre en relief certains critères de préférence. En effet, les enfants nés en début d’année (de janvier à avril) auraient ainsi toujours plus de chance d’être accueillis en crèche que ceux nés à l’automne (en octobre, novembre et décembre). Moralité, mieux vaudrait programmer une conception au printemps qu’après les fêtes pour optimiser ses chances (vous le saurez pour la prochaine fois). Autre fait observé, les jumeaux et triplés sont plus fréquemment accueillis (43,8% de chances contre 31,9% pour un enfant unique), tout comme les troisièmes nés d’une fratrie (36,1% de chances contre 30,3 % pour un aîné). Plus généralement, ce sont les caractéristiques de la mère qui jouent dans l’attribution (bien moins celles du père par ailleurs). Ainsi les mères en recherche d'emploi sont-elle surreprésentées, tout comme les salariées du secteur public, les cadres du secteur privé bénéficiant a priori de davantage de ressources pour recourir à un système de garde plus onéreux ou en phase avec des journées de travail plus longues (sic). Les mères jeunes (de 20 à 25 ans) ont également davantage recours aux structures d’accueil collectif que les mères plus âgées. Enfin, question inégalités régionales, on observe par ailleurs une immense différence, les probabilités d’accueil variant de 17 % en Haute-Normandie à près de 50% en Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse.

En bref, si être une femme corse seule, au chômage , mère de jumeaux nés en début d’année, offre davantage de chances d’obtenir une place en crèche, le facteur « hasard » semble être prépondérant dans votre probabilité à faire partie des heureux élus. Comme au Loto, vous n’avez donc plus qu’à retenter votre chance. Libre à vous d’apporter chaque jour des chocolats à la directrice, comme beaucoup se targuent d’avoir obtenu leur place VIP. En attendant la prochaine commission, il faudra donc vous rabattre sur l’option assistante maternelle, nounou en garde partagée histoire d’amortir les coûts, ou encore la solution grands-parents si, comme les faméliques 4,5% de chanceux, vous avez la chance de pouvoir compter sur les auteurs de vos jours pour vous aider à aller au boulot.

* Populations et sociétés n°514 : analyse de l'enquête "Famille et Logement" de 2011 par Nathalie Le Bouteillec, Lamia Kandil et Anne Solaz