Presse jeunesse : que fait le Web pour informer nos enfants ?

Publié le Mercredi 30 Novembre 2011
Presse jeunesse : que fait le Web pour informer nos enfants ?
Presse jeunesse : que fait le Web pour informer nos enfants ?
Plus de 60% des 9-16 ans surfent sur Internet chaque jour. Jeux, chats, musique, vidéos et infos : ils ont accès à tout. Sur les portails d’actualité, les réseaux sociaux, les blogs et sites de partage, ils ingurgitent les grandes lignes d’une information pourtant formatée pour les adultes. A quand une presse en ligne version Kids ? Eclairage sur un retard français.
À lire aussi


« Mais qui est ce Monsieur MOX ? » « Pourquoi il y a la guerre en Libye ? » « Pourquoi on ne fabrique pas plus de billets pour faire de l’argent ? » Ils entendent tout et ils voient tout, les enfants peuvent-ils encore passer à côté de l’actualité ? Au journal télévisé et aux gros titres des journaux aperçus dans la rue ou dans le courrier de leurs parents, s’est ajouté Internet. D’après l’enquête européenne EUkidsonline réalisée en 2010, 93% des 9-16 ans vont sur le Net au moins une fois par semaine, et 60% le font tous les jours. Au-delà de la facilité d’accès à toute l’information et à toutes les images, ils sont aussi de plus en plus libres de surfer où bon leur semble grâce aux mobiles connectés -33% vont sur le web via un smartphone. Qu’ils squattent les réseaux sociaux, les blogs ou Youtube, ils se retrouvent, volontairement ou non, en contact avec l’info diffusée sur la Toile. Crise, génocide, Printemps arabe, guerre ou catastrophe nucléaire : quels journalistes s’occupent de décrypter les gros titres pour les petits internautes ?

Le vide numérique

Sur le salon du Livre et de la Presse jeunesse (Montreuil, du 30 novembre au 5 décembre),
un corner numérique ultramoderne présente les dernières tendances en matière d’applications pour tablettes. Mais côté info, rien. Aucune trace d’un quotidien ou d’un magazine en ligne pour enfants. « Ce qui existe pour le jeune public, ce sont des jeux et des applications ludo-éducatives, mais sur l’information, la place est presque vide », s’étonne Myriam Rembaut, cofondatrice de « La griffe de l’info.com » , un site d’actualité pour les 8-12 ans, lancé en 2009 avec la conviction que les outils numériques constituent « un bon moyen d’amener les enfants vers l’actualité, grâce à des formats plus vivants et plus ludiques ». Quelques éditeurs de journaux papier pour enfants ont bien sauté le pas et proposent leur version en ligne, mais ils restent des exceptions et continuent de concentrer leurs efforts sur la version imprimée. « La presse jeunesse subit, comme tous les journaux, de grandes difficultés, et il y a toujours cette peur que le Net vampirise le papier », estime Myriam Rembaut. Le Journal des Enfants (JDE), l’un des leaders de ce créneau, fort des ses 45 000 abonnés papier, se contente d’une « version très allégée de l’édition papier », explique Anne Ducellier, responsable de la rédaction. Celui-ci réalise pourtant une moyenne de 200 000 pages vues par mois. « Les enfants sont en constante demande d’information sur ce qui se passe dans le monde. Pour autant, lorsqu’ils vont sur Internet, cherchent-ils à se tenir informés de l'actualité ? Nous n'en sommes pas sûrs. Ils "chattent", ils jouent, ils consultent leurs sites favoris (cinéma, jeux, stars, ... etc.) En cela, nous pensons qu'une édition papier destinée aux enfants reste la meilleure solution pour comprendre l'actualité. »


Intéresser la génération du pouce

Pour Myriam Rembaut, au contraire, les potentialités multiples du Net peuvent inciter cette génération à surfer utile, « rien n’empêche la presse de devenir plus fun, les enfants aiment apprendre de nouvelles choses pour pouvoir participer aux conversations des grands, ils veulent des clés pour comprendre et finissent bien souvent par consulter Wikipédia. » Mais que veulent-ils savoir ? « Les enfants voient les gros titres, et leurs questions portent sur des notions générales », analyse Jacques Henno*, journaliste spécialisé dans la relation des enfants aux nouvelles technologies, « par exemple, sur la mort de Kadhafi, ils se demandent ce qu’est un dictateur, et pourquoi il est « méchant » ? » Anne Ducellier, du JDE, remarque que les enfants s’intéressent d’abord aux sujets qui les concernent comme « les enfants surdoués », ou « les amitiés brisées sur Facebook », « tous ces sujets sont largement commentés », remarque-t-elle, « mais il arrive aussi régulièrement que des sujets d'actualité internationale fassent bondir les jeunes internautes : un article sur les essais nucléaires en Corée du Nord, par exemple, avait eu beaucoup de succès. Les enfants s'intéressent à tout, en fait ! » Toute la différence réside dans le traitement de l’information : pédagogie et clarté sont les maîtres-mots, pour intéresser les enfants et rassurer les parents.

Education à la navigation et aux images

« Le problème ne repose pas vraiment sur le contenu, mais plutôt sur la façon d’y accéder, et la lecture que l’enfant en fait », remarque Jacques Henno, davantage partisan d’un accompagnement pédagogique des enfants que de sites adaptés. En effet, alors que les filtres parentaux montrent leurs limites face à la multiplication des points d’accès à Internet et à la facilité de partage des vidéos et des images, peut-on encore espérer interdire Yahoo ou Youtube aux 8-13 ans ? « Les enfants recherchent en général la transgression, et sur les plateformes de partage, ils peuvent toujours passer d’une vidéo pédagogique à un film pornographique », ajoute J. Henno. Et si les parents n’ont pas le temps de regarder par-dessus l’épaule de leurs bambins, ce sera aux enseignants de s’y coller : « il faut leur apprendre à trouver la bonne information, à distinguer la publicité de l’info pure, et les éduquer aux images et à leur impact », soit des compétences de citoyenneté numérique survolées par le B2i -le Brevet Informatique et Internet obligatoire à l’école au collège et au lycée.

Journalistes citoyens

Cependant, le retard numérique des écoles françaises –encore inégalement équipées comparées aux Canadiens et Anglo-Saxons- n’est pas une fatalité pour tous. Nombreux sont les profs qui se sont déjà ouverts aux nouveaux médias pour faire de leurs élèves des apprentis journalistes. Un bon moyen de mettre en lumière les rouages de l’information et l’importance des sources…  Les classes les plus branchées alimentent leur blog avec des news et des reportages d’élèves, voire, pour les plus audacieux, un journal TV. « Des ponts s’établissent petit à petit entre les écoles et les sites d’actu pour enfants », explique Myriam Rembaut, « sur Lagriffedelinfo.com, le club des petits reporters propose aux enfants de devenir journalistes, ils ont une carte de presse, peuvent écrire et se faire publier. Nous diffusons également les podcasts de radios scolaires. » Du pur journalisme des années 2010 : multimédia, local et participatif.

*Dernier titre paru : « Facebook et vos enfants », éditions Télémaque.

VOIR AUSSI

Révolutions numériques : l’école est-elle has been ?
Ecole numérique : Luc Chatel veut passer un cap d’ici 2013
Observatoire Orange-TF: NKM croit à l’école numérique