Régime : « La méthode Dukan ou la haine de soi »

Publié le Vendredi 13 Janvier 2012
Régime : « La méthode Dukan ou la haine de soi »
Régime : « La méthode Dukan ou la haine de soi »
Catherine Grangeard, psychanalyste spécialiste des questions de surpoids et d’obésité, revient sur la proposition du Dr Dukan d’inscrire une option « poids d'équilibre » au baccalauréat. Un concept qui va à l'encontre du travail de confiance et d'amour de soi nécessaires dans toute démarche d'amaigrissement.
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Rappel : Le 4 janvier dernier, le célèbre nutritionniste Dukan enflamme les débats en publiant un petit livre : « Lettre au futur président de la République » dans lequel il conseille d’intégrer une option poids d’équilibre au baccalauréat.

Hippocrate doit se retourner dans sa tombe : primum non nocere…
Puisque le rapport de l’ANSES en novembre 2010 a tué la méthode Dukan, ses tentatives de rester dans la course se succèdent. L’homme d’affaires a demandé aux médecins généralistes de s’allier à lui pour constituer une cohorte de patients, en leur offrant ses livres… Comme nous le savons, Pierre Dukan n’est pas un médecin qui consulte les millions de gens qui se réfèrent à lui. Sa notoriété est faite par la vente de ses livres et de la masse de personnes qui achètent sur internet une méthode standard.
Suit l’idée d’interpeller les candidats à la présidence de la République qui se concrétise par un petit livre intitulé « Lettre au futur président de la République » (Cherche Midi), dont le lancement est réussi. Les réactions négatives font parler de lui à qui mieux mieux.

La meilleure défense est-elle l’attaque ?

Ce désir de durer se comprend aisément. La famille Dukan vit sur le commerce de la perte de poids. Nous assistons à un déferlement de haine qui sidère néanmoins.
La haine des gros se manifeste ouvertement dans un programme qui sanctionne ceux qui sont définis par leur IMC. Nous recherchons l’éthique du médecin : incroyable, des numéros pour définir l’être humain ? Ici on ne cherche pas à savoir pourquoi les choses sont ainsi pour éventuellement intervenir sur ces choses (ce n’est pas dans le marketing Dukan). La haine de soi, que les régimes ratés entraînent, est à l’origine des reprises de poids plus importantes encore, tous le savent, ceux qui font le yoyo comme ceux qui les prennent en charge.
La haine encore envers les experts qui ont osé dénoncer la nocivité du régime Dukan. Ils sont traités comme des incompétents. Ça rappelle Servier et Irène Frachon. Comment une illustre inconnue osait s’en prendre à un personnage respecté, décoré de la Légion d’honneur, riche et puissant ?

La chute annoncée du régime Dukan

La méthode Dukan se résume-t-elle à la haine ? Pourtant stigmatisation et discrimination mènent toujours au pire, nous le savons. C’est grave. De la part d’un médecin, c’est pire !
La chute du régime (du même nom) est donc annoncée pour qu’elle fasse ainsi perdre la tête ?
Tenir un discours de vérité est moins vendeur que le leurre. Mais on ne peut ignorer de nos jours les aspects multifactoriels intervenant dans l’obésité. L’obésité est un problème tenant à l’environnement, relevant du mode de vie actuel, se compliquant de dispositions personnelles, tout autant psychiques que physiques. Un clic sur un clavier pourrait-il constituer la solution ?

Médecine et marketing
Toute approche mono-centrée, que ce soit sur la nutrition, l’activité physique ou même uniquement psychique, est réductrice donc fausse. L’être humain est complexe et simplifier la réponse est un mensonge. Tous les experts de la question dénoncent ceux qui promettent la lune à des gens désespérés.
Nous sommes nombreux à travailler dans notre coin, à tenter de prendre en charge des personnes confrontées à leurs difficultés. Pour comprendre l’obésité, nous devons sortir des sentiers battus et des méthodes-miracles. N’en déplaise à Pierre Dukan, nous préférons Einstein : un problème sans solution, c’est un problème mal posé. Peut-être que la question de l'obésité n’a pas à être posée par le bout de la lorgnette du régime !
Nous sommes révoltés de la confusion des genres. Parle-t-on médecine ou marketing ?
Mais que fait l’Ordre des Médecins, le ministère de la Santé ? Les mois derniers sont riches de scandales dans le domaine des dérives médicales. Maintenant que les candidats sont interpellés, voyons leurs réactions…

Catherine GRANGEARD est psychanalyste, auteure de « Obésités. Le poids des mots, les maux du poids », Calmann Lévy, 2007, et « Comprendre l’obésité. Une question de personne, un problème de société », Albin Michel, 2012.

Crédit photo : F1online

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