Contraception et cancer du sein : "la pilule et les règles sont cancérogènes"

Publié le Vendredi 21 Septembre 2012
Contraception et cancer du sein : "la pilule et les règles sont cancérogènes"
Contraception et cancer du sein : "la pilule et les règles sont cancérogènes"
Faut-il stopper les règles des femmes pour enrayer l'épidémie de cancer du sein ? C'est la thèse préoccupante du Dr Vignal, gynécologue, qui publie « L'enfer au féminin, sortir du cycle règles-cancer » (La Martinière). Un pavé dans la mare qui accuse certaines pilules et les cycles menstruels d'être cancérogènes. La guerre contre les oestrogènes est déclarée. Entretien.
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Terrafemina : Vous publiez ce mois-ci un essai coup de poing sur les liens entre règles, pilule et cancer du sein, et annoncez un « changement de paradigme » sur le sujet. Pouvez-vous nous expliquer votre démarche ?

Philippe Vignal : La première chose c’est qu’il n’y a pas de politique de prévention du cancer du sein en amont en France et dans la plupart des pays du monde. Je veux parler de prévention primaire, celle qui doit empêcher la maladie d’apparaître ; on ne peut pas considérer le dépistage par mammographie comme de la prévention. Aux Etats-Unis, il existe une méthode préventive par des médicaments anti-oestrogènes, mais ce traitement est réservé aux groupes de femmes à risque (risques de cancers du sein héréditaires). Pour ma part je veux proposer une prévention par la mise en sommeil des organes reproducteurs qui produisent des oestrogènes. Je veux couper à la source les causes du cancer du sein, couper le « robinet à oestrogènes ». Je préconise une pilule qui n’existe pas aux Etats-Unis mais qui est déjà commercialisée en France, qui met l’activité ovarienne en sommeil.


Tf. : Les oestrogènes -les hormones féminines- sont donc selon vous les principales responsables du cancer du sein ?

P.V. : Oui. Le cancer du sein n’est pas une maladie multifactorielle contrairement à ce que l’on dit. Le dénominateur commun est toujours le même, ce sont les oestrogènes. Quand on dit que le poids est un facteur de cancer du sein, on oublie que la prise de poids induit une augmentation de l’exposition aux oestrogènes. L’ensemble des causes répertoriées sont toutes reliées par cette exposition aux oestrogènes. Sur 100 cas de cancer du sein, 99 sont des femmes –oui, il existe des cancers du sein chez les hommes-, cela prouve bien que le principal facteur de risque de développer un cancer du sein c’est d’être une femme, donc d’être exposée aux oestrogènes.

Tf. : Comment en êtes-vous arrivé à ces conclusions ?

P.V. : Je fais du dépistage de cancer du sein depuis 30 ans par échographie. J’ai constaté que les femmes qui avaient le plus de cancers du sein étaient celles qui avaient tendance à faire des kystes, or les kystes sont dus à des excès d’hormones. J’ai constaté aussi que même avec un diagnostic précoce, le taux de morbidité reste élevé, il était donc urgent de réfléchir une prévention primaire de cette maladie. Ensuite j’ai découvert la pilule Cérazette, qui permet de bloquer l’activité hormonale, il s’agit en fait d’une pilule à base de progestérone, sans oestrogènes. J’ai poursuivi mes recherches sur le cycle menstruel et découvert que les oestrogènes avaient des propriétés de mise en action de la division cellulaire qui ne pouvaient être que cancérogènes. (Voir l'étude E3N sur cancer du sein et récepteurs hormonaux)

Tf. : Si l’on va dans le sens de votre thèse, c’est une petite révolution pour les femmes qui s’annonce. Les règles ne sont finalement pas si importantes, pire, elles sont mauvaises pour notre santé ?

P. V. : En effet. Il faut savoir que les règles sont une exception dans le monde des mammifères. Les humaines sont les seules à avoir des règles, c’est-à-dire un renouvellement périodique de muqueuse utérine entraînant une exposition intense aux hormones. Ce cycle entraîne des modifications cellulaires subtiles liées aux besoins du fœtus en fin de grossesse, la nature est ainsi très intelligente et très prévoyante, mais les règles ne sont utiles qu’en cas de désir de grossesse, et tout à fait inutiles quand on ne veut pas d’enfant ou entre deux grossesses. Il est donc logique qu’elles s’arrêtent pendant la période d’allaitement. Je rappelle qu’il y a à peine un siècle, les femmes enchaînaient les grossesses et les périodes d’allaitement de près de 3 ans. Je ne dis pas qu’il faut revenir à ce mode de vie, mais je pense qu’il faut tirer les leçons que la nature nous donne, pour diminuer l’exposition des femmes aux oestrogènes.


Tf. : Pourquoi les femmes d’aujourd’hui ont plus de cycles menstruels au cours de leur vie ?

P. V. : La principale raison est que les filles ont leurs règles de plus en plus tôt (voir notre article sur la puberté précoce). Au XIXe siècle, la puberté arrivait vers 17-18 ans, aujourd’hui c’est plutôt 11 ou 12 ans en moyenne. Ces cycles sont aussi plus intenses en matière de sécrétion hormonale et agissent sur une poitrine beaucoup plus sensible. En fait ces cycles comptent double sur le plan de l’exposition aux oestrogènes. Une deuxième raison est que l’espérance de vie augmente et que toutes les femmes atteignent la ménopause aujourd’hui. Ensuite, la pilule oestro-progestative favorise l’exposition aux oestrogènes puisqu’elle optimise les cycles ovariens –une femme qui n’avait pas de cycles réguliers aura ses règles tous les mois sous pilule. Enfin, les femmes d’aujourd’hui font moins d’enfants et allaitent moins, elles subissent donc a fortiori plus de cycles.


Tf. : Comment peut-on diminuer notre exposition aux oestrogènes ?

P. V. : Par la mise en sommeil des ovaires. Pour l’instant, le meilleur moyen que je connaisse est la pilule au desogestrel (nom scientifique de la progestérone). Dans les années 1990, une équipe de l’hôpital Necker a étudié ce produit et a montré que la prise de celui-ci réduisait l’incidence du cancer du sein.


Tf. : Vos arguments vont-ils faire l’objet d’une étude de grande ampleur ?

P. V. : C’est le but de cet essai. Je veux qu’on reprenne cette étude de Necker sur une plus large échelle et avec des méthodes plus sûres. Moi seul je ne peux malheureusement rien. J’encourage également les femmes à en parler, à se saisir du sujet. Il y a 50 000 nouveaux cas chaque année, et une femme sur 10 risque d’être atteinte de cancer du sein au cours de sa vie.


Tf. : Vous mettez en cause la stratégie du dépistage mammographique systématique pour les femmes de plus de 50 ans. La mammograhie
n’est-elle pas une bonne méthode de prévention du cancer du sein ?

P. V. : C’est une méthode imparfaite dont on a surestimé les bénéfices et sous-estimé les inconvénients. Les erreurs de diagnostic sont fréquentes et néfastes. En outre, les expositions aux radiations sont dangereuses pour certaines femmes.

Philippe Vignal, « L'Enfer au féminin, sortir du cycle règles-cancer », La Martinière.


Pour aller plus loin : le dossier complet de la rédaction sur la contraception en débat


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