Sexe : sommes-nous plus libérés que nos ancêtres ?

Publié le Mercredi 10 Avril 2013
Sexe : sommes-nous plus libérés que nos ancêtres ?
Sexe : sommes-nous plus libérés que nos ancêtres ?
Est-ce que notre sexualité évolue vraiment au fil des siècles toujours vers davantage de liberté ? Pas sûr, explique notre experte sexo Sophie Bramly. Petite leçon d’histoire érotique...
À lire aussi


On a coutume de penser que nous vivons dans une société où le sexuel est de plus en plus visible, avec souvent pour principe que non seulement la nudité visible est choquante mais également qu'il y aurait comme une escalade dans le relâchement de nos mœurs. Pour certains, nous serions même en route vers Sodome et Gomorrhe, ou l'Apocalypse. Pourtant, rien n'est tout à fait si simple.

Quand, par exemple, au moment de la révolution sexuelle, dans les années soixante, les femmes ont brûlé leurs soutiens-gorge et ont adopté la minijupe, beaucoup se sont offensés d'une nudité choquante, sans se rendre compte que les femmes, dans un même élan, ont adopté le collant, premier habit « fermé » dans l'histoire du vêtement féminin, lequel emprisonnait les organes sexuels d'une façon inédite. Ainsi, là où elles pensaient se libérer totalement, elles n'ont fait qu'ouvrir une porte pour en fermer une autre.

Il en est de même pour notre langage. Qu'il s'agisse des mots employés dans la vie courante où de ceux employés dans la vie intime, des mots qui, il y a peu, étaient encore orduriers sont aujourd'hui courants. Organes sexuels et pratiques se jettent à la figure (« con », « enculé » …), mais parce que les mots ont pour certains moins de poids que les images, on s'offusque globalement moins d'entendre que de voir. Ainsi, bien que les chiffres avancent que 30% des femmes ont vu ou regardent des films pornographiques, et plus encore chez les hommes, la plupart des individus tolèrent peu ou prou d'entendre, à condition de ne pas voir hors de la sphère intime. Pourtant, si en effet le langage devient de plus en plus cru au fil des décennies, parallèlement, il devient aussi étonnamment régressif, enfantin. De plus en plus d'adultes disent « coucou » pour un « bonjour » et signent leurs courriers d'un « bisou » - qui devient plus facile à dire ou écrire que le « baisers » d'autrefois, qui devient à risques, en raison du « baiser » employé à faire l'amour. Comme le dit le psychanalyste Jean-Pierre Winter « cela témoigne de là où on croit être dans une avancée spectaculaire, une espèce d'acmé du progrès continu, on retombe facilement dans une régression qui fait que ce progrès continu, il n'est pas sûr du tout qu'on en veuille autant qu'on le croit ». Une façon de montrer que le secret de la sexualité ne passe pas par ce qui serait un affranchissement.

L'histoire de la sexualité au travers des siècles ne raconte rien d'autre. Entre les siècles où les filles étaient mariées avant 16 ans (Moyen-Âge) et ceux où elles devaient attendre d'avoir entre 25 et 27 ans (sous Louis XIV), l'arrivée de la pudeur entre le XVIIIe et le XIXe siècle (avant cela, les familles dans les classes moyennes et paysannes dormaient dans un seul et unique lit) et la naissance de la notion d'homosexualité qui n'arrive qu'au XVIIIe siècle (avant cela on parlait de sodomites, sans plus de scission), il y a pour chaque avancée un recul. De même, lorsque la société devient répressive, certains inventent des soupapes, s'engouffrent dans d'autres ouvertures.

Plus les législateurs, l'ordre, la loi, se sont efforcés de contraindre la relation sexuelle dans un cadre restrictif, plus des objecteurs ont proposé des modèles subversifs, dans un strict et naturel équilibre des deux extrémités. Mais c'est aussi le principe du désir, le contraindre, un peu, pour mieux le faire renaître, et transgresser, un peu, pour que le plaisir vienne le satisfaire.