Sexe : mais pourquoi crie-t-on pendant l'amour ?

Publié le Samedi 01 Juin 2013
Sexe : mais pourquoi crie-t-on pendant l'amour ?
Sexe : mais pourquoi crie-t-on pendant l'amour ?
Halètements, gémissements, petites exclamations et grands râles… le point sur les cris de l'amour avec notre experte sexo Sophie Bramly.
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Qui crie le plus fort au lit ? Quel que soit le siècle ou le continent où l'on se trouve, la réponse est toujours la même : la femme. Cette constance a conduit les scientifiques à s'intéresser au phénomène, lequel les passionne tant qu'il est maintenant désigné par un acronyme : FCV (Female copulatory vocalization, ou, en français, vocalisation féminine durant l'acte).

Si la réponse est invariable, c'est inéluctablement qu'il y a une cause. Une étude, publiée en 2011 par l'université de Central Lancashire en Angleterre, a porté sur moins d'une centaine de femmes âgées de 21 à 52 ans. Elle a révélé que l'orgasme féminin était essentiellement atteint par la masturbation du clitoris, la pratique du cunnilingus et, plus rarement, par la pénétration vaginale. Mais paradoxalement, les râles de la femme s'entendraient plus volontiers pendant la pénétration, juste avant ou pendant l'orgasme du partenaire. Les chiffres, vus par les scientifiques, avancent que 66% des femmes le font pour accélérer la jouissance de l'homme en vue de réduire inconfort, douleurs ou fatigue. Pourtant, la durée moyenne de la pénétration est entre 3 et 7 minutes et l'obsession masculine est d'échapper à l'éjaculation précoce, pas de lutter contre l'ennui. Pour 92% des femmes qui se sont prêtées à cette enquête, cela permet également de rassurer le partenaire sur sa performance, tout en poursuivant des buts multiples : éviter l'infection par des rapports prolongés, réduire les risques d'infidélité ou d'abandon, et garantir la permanence des ressources ainsi qu'une protection. Les femelles primates ayant également un langage de l'amour qui fonctionne selon des codes similaires, les auteurs de cette étude ont conclu que « les femmes ont ainsi la possibilité de manipuler le comportement des hommes à leur avantage ».

À cette première interprétation, qui a soulevé l'ire des féministes américaines, d'autres scientifiques ont avancé des explications différentes. « Ces vocalisations serviraient à attirer les mâles pendant la période d'ovulation, favorisant ainsi la compétition spermatique, et son cortège de bienfaits à la fois reproductifs et sociaux », selon Christopher Ryan, psychologue dont l'essentiel du travail s'est orienté vers la distinction entre naturel et culturel chez les humains.

Si les hommes ont du mal à entendre les femmes lors de réunions ou de conversations domestiques - les voix féminines seraient trop aigües pour leur ouïe - ils n'ont aucun mal à entendre les manifestations du plaisir féminin. Afin de mieux comprendre, il est intéressant d'observer le comportement des singes. Selon le primatologue anglais Stuart Semple, chez les babouins, par exemple, les mâles écoutent à distance les cris des femelles afin d'obtenir des informations quant à la possibilité de les féconder et d'avoir connaissance du rang du partenaire avec qui elle copule (s'il est plus puissant, le babouin évite la potentielle partenaire). Selon les espèces de primates, plus ils vivent dans la promiscuité, plus sophistiquée et fréquente est la variété de sons émis par les femelles, qu'il s'agisse d'espèces monogames ou polygames. Les sons sont comme un langage que le mâle peut interpréter.

Plutôt que de choisir un camp d'interprétation ou un autre, il serait sans doute raisonnable de dire que la femme gémit à la fois pour les raisons de nature, similaires à celles des primates (il est avéré aujourd'hui, par exemple, que le nombre des spermatozoïdes est plus élevé chez les hommes s'il y a compétition au sein d'un groupe), que pour des raisons culturelles. Depuis des siècles, l'État, l'Église et la science dictent ce que doivent être les comportements sexuels féminins, c'est à dire partout sauf là où le plaisir lui semble bon. Au point qu'un grand nombre de femmes aujourd'hui ne sait même dire si elles ont réellement des orgasmes, ou non. Outre les raisons précitées, crier à ceci de bon que cela libère, concentre sur l'acte, augmente le plaisir et, un peu comme avec la méthode Coué, persuade les deux partenaires d'une jouissance parfaite, si besoin était. D'un « orgasme placebo », un autre peut suivre, sans effort.

Crier, c'est libérer les émotions. N'est-ce pas un plaisir intense, comme l'orgasme, justement ?