Rihanna, Miley Cyrus : doit-on censurer les clips trop sexy ?

Publié le Lundi 18 Novembre 2013
Rihanna, Miley Cyrus : doit-on censurer les clips trop sexy ?
Rihanna, Miley Cyrus : doit-on censurer les clips trop sexy ?
Dans cette photo : Rihanna
En Angleterre, les clips très hot de Rihanna, Lady Gaga et consoeurs choquent. Une campagne a même été lancée pour proposer la censure de ces vidéos jugées trop sexy pour leur (jeune) public. L'avis de notre experte sexo Sophie Bramly.
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Dans un nouvel effort pour mieux contrôler les pulsions de la jeunesse, des Anglais viennent de démarrer une campagne, « Rewind & Reframe » (rembobiner et recadrer), accompagnée d'une pétition, pour réclamer que les vidéos-clips soient classifiés, comme les films au cinéma, afin de protéger fillettes et adolescentes. Pour eux, les récents clips de Rihanna, Miley Cyrus et autres chanteuses pop ont poussé trop loin la provocation, il est temps de censurer. Mais comment peut-on encore penser, au XXIe siècle, que cela ne concernerait que les filles ? La censure est-elle la bonne marche à suivre ? Et si ce n'est à travers les clips de pop music, qui se chargera de faire l'éducation sexuelle des filles et de leur donner pleine conscience de leur pouvoir ?

S'il est certain que depuis l'avènement des vidéo-clips au début des années 1980 la pop music a rendu plus explicites encore les paroles de chansons en les mettant en images, il est tout aussi sûr que les chanteuses ont, au moins autant que les chanteurs, souhaité jouer avec leur corps et revendiquer leur puissance sexuelle, en particulier la plus sulfureuse et la plus féministe d'entre toutes, Madonna.

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Si des milliers de jeunes filles se sont identifiées à elle comme à d'autres, on n'a jamais fait la démonstration de dégâts psychiques causés par un clip. Malgré tout, l'actuel mouvement qui s'organise en Angleterre pense qu'il est temps de cesser d'inculquer aux jeunes filles qu'être femme équivaut à être « hot ». Comptent-ils également interdire la presse féminine ? Imaginent-ils aussi encourager les garçons à continuer à regarder des clips de chanteurs, où la virilité tient à la puissance des véhicules et au nombre de femmes qui se couchent à leurs pieds ?

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D'emblée, le projet semble aussi vain que rétrograde. Il est à peu près impossible aujourd'hui de censurer, dans la mesure où l'expérience montre à quel point tout ce qui est interdit devient encore plus désirable et se retrouve ipso facto en libre-service sur Internet. Mais c'est avant tout la courte histoire de la censure des vidéo-clips qui montre à quel point plus on a voulu interdire la représentation de l'acte sexuel, plus artistes et réalisateurs de clips ont redoublé d'imagination pour montrer plus, toujours plus, à la grande joie des adolescents qui ont peu de sources d'information en dehors de la pornographie (parents et collèges faisant encore l'impasse sur toute forme d'éducation sexuelle, sous prétexte que les adolescents avec leur corps bouillonnant d'hormones seraient toujours trop jeunes pour comprendre leurs pulsions).

Dans les années 1980, Cher a été censurée pour avoir porté un body trop moulant et s'être accompagnée de marins pleins de désir pour elle dans « If I could turn back time ». Laura Branigan, qui avait choisi dans « Self Control » d'aller de boîte de nuit en boîte de nuit à la recherche de potentiels amants qui la raccompagnent chez elle à la fin du clip, a lutté pendant longtemps – sans succès – contre la censure de son clip. On ne compte plus les vidéos de Madonna qui ont offusqué les esprits conservateurs. Aujourd'hui c'est au tour de Rihanna, Lady Gaga et toute la jeune génération d'artistes d'être censurés. Le point commun à tous ces clips est sans doute que ne pouvant montrer des scènes de corps nus faisant l'amour, dans toute leur naturelle simplicité, pour illustrer des chansons d'amour, ils ont contourné le problème en proposant des scènes de fétichisme, de sado-masochisme, ou toute autre forme de sexualité s'affranchissant de la pénétration. À vouloir ne rien montrer, on a encouragé à plus… Et les chanteuses, qui ont souvent été censurées d'avoir voulu montrer leur désir ont trouvé le moyen de se montrer puissamment sexuelles et, agissant ainsi, ont joué le rôle de « grandes sœurs » avec leurs fans. Au fil des ans, au fil des clips, les femmes ont ainsi appris qu'elles pouvaient expérimenter, se masturber, objectifier des corps d'hommes comme elles-mêmes sont objectifiées … Et prendre conscience que les corps de femmes qui triomphent aujourd'hui s'éloignent de plus en plus des modèles anorexiques et androgynes des années 1960 et 1970 comme Patti Smith ou Cher, et revendiquent leurs formes pleines comme signe de toute puissance, avec Beyoncé en tête de file.

Mais peut-être est-ce justement cela qui dérange…