Rien ne ressemble moins à un orgasme féminin qu’un orgasme féminin

Publié le Vendredi 21 Novembre 2014
Rien ne ressemble moins à un orgasme féminin qu’un orgasme féminin
Rien ne ressemble moins à un orgasme féminin qu’un orgasme féminin
« Orgasm, photographs & interviews » ou le tour du monde de la jouissance féminine. Une oeuvre somme où l’on apprend, entre autres, que l’on peut s’égayer avec sa brosse à cheveu, mais pas que… Bien que rédigé uniquement en anglais, Terrafemina ne saurait trop vous conseiller la lecture de cet ouvrage aussi pertinent que profondément érotique
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La photographe américaine Linda Troeller, accompagnée de l'auteure et ethnographe allemande Marion Schneider, a passé ces dix dernières années à parcourir le monde à la rencontre de femmes afin de les faire parler de leurs orgasmes, des sensations et des souvenirs qu'ils procurent, et dresser ainsi un tableau de la sexualité féminine au XXIe siècle.

Orgasme face caméra

« Orgasm, photographs & interviews », sorti en langue anglaise au début du mois, offre le portrait libidinal de 25 femmes, dont la romancière française Catherine Millet (auteure – entre autres – de « La vie de Catherine M. »). Chacune aborde des souvenirs, des réflexions sur les effets bénéfiques de l'orgasme, sur l'estime de soi, le besoin de communiquer avec son/ses partenaires, sur leurs fantasmes, en répondant aux questions suivantes : « Que signifie pour vous le mot orgasme ? », « Vous souvenez-vous de votre premier orgasme et pouvez-vous mimer devant la caméra l'effet que cela vous a fait ? », « Avez-vous des fantasmes lorsque vous faites l'expérience d'un orgasme ? », « Quel est le futur de l'orgasme dans notre société ? ». Certaines femmes, qui se sont livrées au jeu sans retenue, sont même arrivées jusqu'à l'orgasme sous l'oeil de la caméra. Les propos, très libres, ont abordés tous les sujets tabous : une Allemande raconte ses premiers orgasmes, enfant, jouant au docteur avec son frère. Une Américaine raconte qu'aujourd'hui encore elle obtient ses meilleurs orgasmes comme au premier jour, avec sa brosse à cheveu. Une Hollandaise s'est remise d'attouchements par son père par des orgasmes réguliers. Une femme raconte qu'elle avait 29 ans au moment de sa première jouissance, après la naissance de son fils, elle en a eu peu d'autres après ça. Une autre a besoin de crier très fort, et plus elle crie plus son orgasme s'intensifie…


La couverture de « Orgasm, photographs & interviews » de Linda Troeller et Marion Schneider

« Orgasm, photographs & interviews » ou le tour du monde de la jouissance féminine


« Notre société utilise toujours le modèle masculin comme référent »

Toutes veulent raconter leurs lents cheminements vers l'extase, pour faire partager leurs expériences à d'autres femmes, car une seule chose est sûre à la lecture du livre : les orgasmes féminins – difficiles à reconnaître au début – se suivent mais ne se ressemblent pas.
La célèbre sexologue américaine Betty Dodson note dans sa préface qu'effectivement on ne peut arriver à définir ce qu'est un orgasme, chacun en a sa propre définition et décrit ses sensations. « Notre problème principal aujourd'hui c'est que notre société utilise toujours le modèle masculin comme référent. Pourtant, nous fonctionnons autrement, puisque la plupart des femmes ont besoin d'une forme ou une autre de stimulation clitoridienne, au lieu d'une pénétration vaginale uniquement. » Par ailleurs, les femmes peuvent pratiquer le « edging » (aller au bord) c'est-à-dire s'éloigner par la pensée pour s'empêcher de jouir trop vite, puis revenir au bord de l'orgasme et s'en empêcher de nouveau, et ainsi de suite pour augmenter le désir et le rendre plus urgent, ce que les hommes peuvent difficilement faire. Pour ces femmes-là, la jouissance est accompagnée de frissons et tremblements, de réflexes pelviens continus pendant que l'énergie sexuelle s'écoule lentement.
Pour le professeur Jacques Poulain, qui tient une chaire de philosophie et Culture à l'UNESCO, si aucune pornographie n'est capable de traduire les sensations de l'orgasme, ce livre – en racontant les difficultés et les plaisirs – transforment les expériences les plus intimes en œuvres d'art, avec un effet qui peut aussi être thérapeutique pour certaines lectrices. Tandis que pour Eve Ensler, l'auteure des Monologues du vagin, non seulement ce livre révèle le pouvoir, la divinité, l'originalité et la nécessité de l'orgasme féminin, mais en donnant aux femmes corps et voix sur leur sexualité, le livre devient profondément érotique en soi.

Et c'est bien sur ce dernier point que l'on insiste : toutes ces expériences féminines sont en effet excitantes, dans tous les sens du terme.