Médias online : la censure pour limiter les commentaires racistes ?

Publié le Jeudi 08 Septembre 2011
Médias online : la censure pour limiter les commentaires racistes ?
Médias online : la censure pour limiter les commentaires racistes ?
Les sites Internet de trois grands journaux suédois viennent d'annoncer des mesures de censure sur les commentaires d'articles et les forums de discussion. Les rédacteurs en chef ne savent plus comment gérer les dérapages racistes en ligne. Les médias français pourraient-ils en arriver au même point ? Éclairage avec Philippe Schmidt, vice-président et expert Internet de la LICRA - ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme.
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TF : Trois grands journaux suédois prévoient de limiter l’accès aux forums de discussion de leur site Internet, et de censurer a priori les commentaires sur les articles, à cause du trop grand nombre de propos racistes relevés. Est-ce également un sujet d’inquiétude en France ?

P. S. : Évidemment. Je me suis spécialisé dans le web parce que je trouve cet outil fabuleux, mais la LICRA constate une évolution extrêmement négative de la présence de la haine sur Internet. Les réseaux sociaux ont contribué à cette pente dangereuse, et cette tendance se vérifie largement au niveau international. Aujourd’hui vous n’avez plus besoin d’aller chercher un site ou un autre, l’info vient à vous, et il n’y a plus de limites dans le partage et l’échange de commentaires racistes, homophobes ou antisémites.

TF : Se pose le problème de la modération des commentaires sur les articles en ligne. Elle se fait en général a posteriori. Comment les médias en ligne peuvent-ils faire face aux dérapages ?

P. S. : En effet le filtrage a posteriori implique la responsabilité éditoriale du média, et exige une réactivité immédiate. On ne peut pas laisser des horreurs une demi-journée entière en dessous d’un article, et cela nécessite une certaine gestion de la part du média. Mais je pense que les acteurs de l’Internet ont une responsabilité sociale, celle de préserver l’environnement virtuel, ce sera d’ailleurs le sujet de la conférence annuelle de l’INACH (International Network Against Cyberhate), les 10 et 11 octobre prochains. Pour ce qui est des solutions, la piste légale est la plus attendue et la plus fastidieuse, mais nous avons besoin d’une coordination entre les pays pour qu’il ne soit pas possible d’héberger un site n’importe où pour échapper à la loi…

TF : Faut-il penser à des solutions de filtrage avant publication comme le propose « Expressen » en Suède où les internautes devront s’identifier via Facebook avant de poster un commentaire sur un article ?

P. S. : En effet le gros problème c’est l’anonymat, qui crée une zone d’impunité dangereuse. Tout ce qui permet de lever cet anonymat peut faire diminuer le nombre de commentaires racistes. Mais les internautes ne devraient pas être obligés d’être inscrits sur Facebook pour commenter un article… Peut-être que la carte d’identité numérique annoncée par le gouvernement pourra apporter une réponse au problème de l’anonymat.

TF : Le web 2.0, participatif et ouvert par définition, a été accusé suite à la tuerie en Norvège, de favoriser les débordements racistes, xénophobes ou antisémites. Qu’en pensez-vous ?

P. S. : Cela ne fait aucun doute, Internet favorise la propagation de ces idées, tout comme les voitures causent des accidents sur les routes, mais le vrai responsable reste le conducteur. Il y a un lien de cause à effet évident entre ce que l’on trouve d’haineux sur Internet et la mise en œuvre d’actes racistes par des individus. Je ne suis pas choqué par la « censure » des forums ou des commentaires. A-t-on le droit de tout dire et de tout écrire ? Je ne le crois pas. Tout comme une radio congédie un animateur qui tient des propos racistes, le rédacteur en chef d’un site Internet d’information décide de ce qu’il veut voir sur sa page, en fonction de sa responsabilité citoyenne. Ce qu’il faut surtout intégrer, c’est que le racisme, l’homophobie et l’antisémitisme ne sont pas des opinions, mais des délits.

Crédit photo : Photodisc

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