Brigitte Grésy : « Dans les médias, les femmes sont toujours des victimes »

Publié le Mercredi 14 Septembre 2011
Brigitte Grésy : « Dans les médias, les femmes sont toujours des victimes »
Brigitte Grésy : « Dans les médias, les femmes sont toujours des victimes »
Dans cette photo : Ariane Massenet
Des sœurs Massenet à Alessandra Sublet en passant par Laurence Ferrari, Marie Drucker ou encore Karine Lemarchand, les femmes sont de plus en plus nombreuses à la tête d’émissions de télévision. Pourtant, la représentation des femmes dans les médias français reste encore problématique. Pourquoi ? Réponses de Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales et membre de l’Observatoire de la parité.
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Terrafemina : Comment l’image des femmes dans les médias a-t-elle évolué ces dernières années ?

Brigitte Grésy : Je ne constate pas, à l’heure actuelle, de réelle évolution, mais plutôt une stagnation. Du point de vue du métier de journaliste, les femmes sont certes davantage présentes à la télévision, à la radio ou sur le papier. Toutefois, en termes de présence et de temps de parole d’invités féminins lors de journaux télévisés, de débats politiques ou de société, on en reste toujours à une répartition très inégale. Une situation que l’enquête de 2008 sur l’image des femmes dans les médias et le dernier rapport du CSA sur la diversité pointaient déjà du doigt.
En effet, il y a une invisibilité orchestrée des femmes dans les médias. Si l’on prend l’exemple de la télévision, elle ne fait apparaître qu’un tiers de femmes sur le petit écran contre deux tiers d’hommes. En outre, les femmes sont toujours moins expertes et plus anonymes. Elles interviennent davantage en tant que victime ou témoin.

TF. : Comment expliquez-vous cette stagnation ?

B. G. : On est à la fois dans un système pratique et de représentation. Les médias ont tendance à faire intervenir davantage d’hommes en tant qu’expert car ils les estiment plus aptes à transmettre un message de manière claire et concise.
De plus, ces médias travaillent dans l’urgence. Ils savent quels sont leurs meilleurs contacts, les spécialistes capables de les aider à traiter un sujet rapidement ; et parmi ces experts, il y a peu de femmes. Les radios France Inter et RTL illustrent parfaitement ce fonctionnement. Le 15 mai 2008, sur la première station, 82% des experts entendus étaient des hommes, pendant que sur RTL, le temps de parole des experts masculins était 26 fois plus long que celui des femmes. Pour inverser la situation, les journalistes doivent prendre le risque de faire également appel à des femmes et se constituer un carnet d’adresses d’experts féminins. Il s’agit là, selon moi, d’un premier acte d’engagement indispensable pour accroître la présence féminine dans les médias.  

TF. : Concrètement, comment peut-on améliorer l’image des femmes dans les médias ? L’instauration de quotas est-elle envisageable ?

B. G. : Les quotas ne me semblent pas être une bonne solution, d’autant qu’ils comportent une notion de sanction s’ils ne sont pas respectés. Or, punir n’est pas notre but. Cependant, nous envisageons d’établir des objectifs chiffrés qui seront suivis de près par la Commission instituée par la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, Roselyne Bachelot. Cette entité, présidée par Michèle Reiser, ancienne membre du CSA, vise à proposer des indicateurs et une méthodologie pour améliorer la représentation des femmes dans les médias, mais aussi engager une démarche d’autorégulation avec leurs responsables. Chaque année, la Commission remettra un rapport au Premier ministre et au ministre en charge des droits des femmes, afin de faire état du bilan des actions engagées.

TF. : Les médias vous semblent-ils prêts pour ces changements ?

B. G. : S’ils parviennent à contacter des femmes expertes, les médias seront disposés à modifier leurs habitudes surtout si, en plus, ils s’aperçoivent qu’une plus grande présence féminine leur permet d’augmenter leur part d’audience ou leur lectorat.
En effet, on note une forme de contagion du désir de voir les femmes à la bonne place, à la télévision ou à la radio. En ce qui me concerne, j’ai tendance à me détourner de plus en plus des colloques exclusivement constitués d’hommes. Il en est de même pour les débats télévisés. Et je sais que je ne suis pas la seule dans ce cas.

Crédit photo : Squanasse

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