Tablette tactile : la nouvelle nounou ?

Publié le Mercredi 26 Septembre 2012
Tablette tactile : la nouvelle nounou ?
Tablette tactile : la nouvelle nounou ?
Près de 30% des foyers avec enfants sont équipés d'une tablette tactile connectée, et toute la famille en profite. Notamment 71% des moins de 12 ans utilisent l'iPad ou équivalent avec l'aval de papa et maman. L'Observatoire Orange-Terrafemina sur les Révolutions numériques s'interroge sur ces objets magiques qu'on place entre les mains des plus petits : à la fois livres d'éveil, consoles de jeux et tables à dessin. Prolongement naturel de l'éducation des digital natives ou aveu de faiblesse de parents débordés ? Résultats de notre enquête.
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Vous est-il déjà arrivé de mettre un livre dans les mains de votre enfant de deux ans, et de le voir glisser son doigt sur les pages pour les faire défiler ? Le bambin a pris votre livre de contes pour un iPad. Alors que depuis l’invention de la télé on se pose la question de savoir si elle détraque le cerveau de nos chers petits, la tablette s’impose depuis quelques mois comme le nouveau moyen de les occuper, de les faire jouer, voire de les éduquer… En effet, dans les foyers qui possèdent une tablette tactile, 71%* des enfants de moins de 12 ans utilisent le joujou de leurs parents. Un nouvel usage qui supplante largement celui de l’ordinateur familial par les enfants (55%) et même du smartphone (43%). Pour sa 13ème vague, l’Observatoire Orange-Terrafemina s’intéresse aux iPads et autres tablettes en train de conquérir leurs plus jeunes fans. Encore un coup de génie de la marque Apple... et les parents en redemandent.

Effet miroir

« C’est le taux de pénétration le plus rapide de l’histoire de l’informatique », explique Jean Zeid, journaliste spécialiste des nouvelles technologies, à propos des tablettes tactiles. Selon lui, il ne faut pas s’étonner si les enfants tombent dans le panneau à pieds joints, puisque leurs parents passent leur temps à leur montrer l’exemple. A table, devant la télé, dans la rue, en voiture et même dans le salon entre amis, l’écran tactile est omniprésent dans les mains des adultes. Ainsi, 38% des parents qui possèdent une tablette ou un smartphone ont déjà acheté une application pour leurs enfants. « Contrairement à ce que l’on croit, les enfants ne sont pas spontanément attirés par ces objets », commente le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron. « L’enfant a envie de jouer aux mêmes jeux que les adultes », poursuit-il, « il calque leurs gestes et attitudes. Si vous mettez une tablette dans sa chambre il n’y touchera pas, c’est quand il verra que ses parents s’y intéressent qu’il s’y intéressera. »

Supers-applis pour hyper-parents

Bien loin de s’inquiéter de l’attrait des tablettes sur leurs enfants, une grande majorité de parents (76%) estime que c’est plutôt une bonne chose que les enfants se familiarisent avec les nouveaux outils numériques comme le smartphone ou la tablette, et un parent sur deux estime que c’est un atout car cela leur donne accès à des savoirs que n’avaient pas les autres générations. Ils ne sont que 12% à penser que c’est un désavantage car cela les habitue à avoir accès à tout facilement sans faire d’efforts. Pour la psychothérapeute Christel Petitcollin, ces parents ont raison de chercher à s’adapter à l’époque : « il vaut mieux que les enfants soient à l’aise avec un menu déroulant et des commandes tactiles, l’essentiel est de ne pas les laisser seuls avec ces objets, et de maintenir le dialogue avec eux. » Les parents sont même invités à jouer leur rôle à 200% grâce à la multitude d’applications proposées pour éveiller, amuser ou éduquer son enfant. Comprendre pourquoi bébé pleure avec « Cry Translator », lui proposer un Atelier bricolage digital avec l’appli « Tête à modeler », ou des cours de découverte de l’anglais, le benchmark réalisé par l’institut Treize articles pour l’Observatoire Orange-Terrafemina met en valeur une offre complète pour coacher les hyper-parents. « C’est le Laurence Pernoud des temps modernes disséminé et étoffé en autant d’applications », analyse Christel Petitcollin, faisant allusion à l’ouvrage le plus connu sur l’éveil et l’éducation des enfants. Elle estime que ces « super-parents » ont « tout à gagner à vouloir bien faire. »

La tablette se pratique à deux

Mais peut-on se fier aux promesses des éditeurs d’applications qui se proposent de stimuler nos enfants avec des jeux interactifs ? « Apprendre avant l’école », « cours particuliers », « visiter le Louvre à 3 ans ». Que sait-on des effets des écrans sur le cerveau des tout-petits ? « Pour ma part je trouve que c’est très éveillant pour les enfants tant qu’il y a un contrôle parental », explique C. Petitcollin. La psychologue pointe tout de même un risque d’isolement de l’enfant, qui ne doit pas rester dans son coin : « le parent doit s’intéresser à ce qu’il est en train de faire sur l’écran ». Le psychiatre spécialiste des écrans Serge Tisseron veut modérer l’emballement pour ces nouvelles propositions pédagogiques : « aucune étude n’existe sur l’efficacité de ces logiciels proposés aux enfants. Aucune instance indépendante ne valide la qualité des applications », d’où une invitation à la prudence.

Ceci n’est pas un livre

Mais le risque majeur engendré par ces écrans serait sans doute de faire disparaître les livres des chambres d’enfants. « La société va vers la dématérialisation des supports, on peut se poser la question du rapport au livre des jeunes générations », s’interroge C. Petitcollin. Serge Tisseron rappelle quant à lui l’importance de l’objet-livre dans l’éducation, « irremplaçable » selon lui « pour acquérir des repères temporels » : « Tourner les pages d’un livre induit une compréhension de la page lue, tournée, et de la page qui vient. Il y a un avant/pendant/après dans cette lecture, qui contribue à former l’enfant à la construction narrative. A contrario, le principe de l’écran est d’être dans un éternel présent. » Pourtant, le psychiatre qui a mené une croisade avec d’autres spécialistes pour faire interdire les chaînes de télévision pour bébés ne condamne pas la tablette tactile, « plus interactive que la télévision », mais refuse de miser sur son potentiel éducatif. Il pense donc comme 42% des parents interrogés que les tablettes n’ont pas vocation à remplacer les manuels scolaires. « La tablette doit rester un jouet », assène-t-il.

Tablettes tactiles : la nouvelle « game boy »

Pour occuper leurs bambins, les parents l’ont bien compris, rien de tel qu’une appli ludique et vite adoptée. Ainsi 84% des parents ayant déjà acheté une application ont plutôt acheté des jeux, tandis que 46% ont choisi des applis éducatives. « Fruit Ninja », l’un des jeux les plus populaires auprès des enfants, consiste à trancher du doigt un maximum de pastèques quand elles surgissent sur l’écran, tandis que « Tom le chat qui parle » est désormais la coqueluche des kids : il répète tout simplement tout ce qu’on lui dit de sa petite voix de chat… Rien de trop compliqué donc.

Jean Zeid, journaliste spécialiste des nouvelles technologies et des jeux vidéos observe depuis quelques temps la montée en puissance des jeux sur smartphone et sur tablette, et considère l’entrée en scène du tactile comme une petite révolution, puisqu’elle permet même aux moins de deux ans de comprendre ces écrans. Les experts du jouet promettent même une arrivée massive de tablettes tactiles spéciales pour enfants dans les rayons pour Noël 2012. Mais pour trancher un fruit du bout de son petit doigt, l’enfant a besoin d’un écran très intuitif et très abouti : si ces nouveaux jouets font moins bien que l’iPad de papa, ils ne séduiront pas leur clientèle en couches-culottes.

*D’après l’étude de l’institut CSA pour l’Observatoire Orange -Terrafemina réalisée auprès de 501 parents d’enfants de moins de 12 ans et interrogés en ligne du 10 au 12 septembre 2012. Echantillon constitué selon la méthode des quotas appliquée aux variables de sexe, âge et catégorie socioprofessionnelle après stratification géographique par région de résidence.


RESULTATS DE L’OBSERVATOIRE ORANGE-TERRAFEMINA

Les résultats complets du sondage réalisé par l'institut CSA
L'étude qualitative par l'Institut Treize articles

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