Hommes/femmes au volant : « L'insécurité routière est une affaire de genre » -Interview

Publié le Mercredi 07 Mars 2012
Hommes/femmes au volant : « L'insécurité routière est une affaire de genre » -Interview
Hommes/femmes au volant : « L'insécurité routière est une affaire de genre » -Interview
« Tant qu'il y aura des hommes pour mourir sur la route, il faudra des femmes pour les protéger ». À l'occasion de la Journée de la femme, la Sécurité routière met un grand coup de pied dans les idées reçues. Oui, les femmes conduisent plus prudemment que les hommes. Explications de Jean-Luc Névache, Délégué interministériel à la Sécurité routière.
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Terrafemina : La Sécurité routière lance pour la première fois une campagne à destination des femmes, qui sont appelées à faire changer les comportements des hommes. Pourquoi avoir choisi cette cible en particulier ?

Jean-Luc Névache : C’est insuffisamment connu mais l’insécurité routière est largement une affaire de genre. 75% des victimes d’accidents mortels sont des hommes, et quand l’alcool est impliqué ce chiffre grimpe à 92%. Du côté des infractions aussi on a une forte majorité d’hommes. Pourtant dans le flux de la circulation -kilométrages et temps de parcours confondus- les femmes représentent 49% des conducteurs, et les hommes 51%. Il y a donc une égalité dans la circulation mais une très forte inégalité dans l’accidentologie et les infractions.

Tf : Pourtant il semble que les femmes ont plus d’accidents que les hommes ?

J.-L. N. : C’est faux. Elles ont en effet une légère sur-accidentalité sur de petits accidents, et une très grosse sous-accidentalité dans les accidents graves. L’antienne qu’on entend sur les femmes qui seraient de mauvaises conductrices est erronée. Des femmes nous racontent encore qu’elles se font insulter par les hommes parce qu’elles respectent les limitations de vitesse !

Tf : N’est-ce pas dangereux et un peu stéréotypé d’étiqueter les hommes comme des coupables et les femmes comme des victimes ?

J.-L. N. : Quand on est à 92% d’hommes tués à cause de l’alcool sur la route, on voit bien que c’est la réalité qui vérifie le stéréotype. Malheureusement, il faut agir. L’idée c’est que les femmes disent stop : « Nous ne voulons plus être traitées de mauvaises conductrices », « nous n’acceptons plus d’être des victimes collatérales ». Les femmes sont actrices de leur sécurité et de fait, de celle des hommes. On parle de l’égalité des hommes et des femmes au travail et à la maison, parlons de l’égalité sur la route, cela passe par le respect, et le fait de pouvoir dire « non » au conjoint, « conduis moins vite » ou « passe-moi le volant ».

Tf : Comment ces chiffres évoluent-ils avec les années ? Les comportements des femmes au volant n’ont-ils pas tendance à se masculiniser ?

J.-L. N. : C’est un mythe. Malheureusement ces statistiques n’ont jamais bougé. Toutefois il y a eu un changement positif : avant les hommes conduisaient seuls sur les longs trajets, aujourd’hui il y a un meilleur partage du volant, mais malheureusement l’accident arrive plus souvent au moment où c’est l’homme qui conduit.

Tf : Quel dispositif est prévu pour que la campagne touche sa cible et soit efficace ?

J.-L. N. : Au-delà des relais dans la presse, des évènements auront lieu à Paris, Marseille, Lyon, Montpellier et Bordeaux. Des camions-stands proposeront aux femmes de signer le « manifeste des femmes pour une route plus sûre » déjà signé par des « ambassadrices » du monde de la culture, de la politique, des affaires, etc. Nous voulons constituer un mouvement de femmes en faveur de la sécurité routière, un dispositif qui a très bien fonctionné en Espagne, qui a dépassé la France dans ses résultats d’ailleurs. L’obligation de l’éthylotest dans tous les véhicules qui prend acte au 1er juillet de cette année permettra également aux femmes d’agir. L’éthylotest jouera le rôle de juge de paix, et de preuve !

Tf : Quel bilan global faites-vous sur les derniers chiffres généraux de la Sécurité routière ? Sommes-nous sur la bonne voie ? La politique répressive et les radars automatiques sont-ils efficaces ?

J.-L. N. : La France a fait d’énormes progrès : en dix ans nous avons divisé par deux le nombre de victimes de la route (passant de 8 000 à 4 000 morts). On estime que les radars automatiques –mis en place en 2002, ndlr- sont à l’origine des deux tiers de cette diminution. Malgré tout nous n’en sommes qu’à la moyenne européenne, c’est-à-dire 62 morts par million d’habitants, la Suède, l’Angleterre et la Hollande sont autour de 31 ou 32. Nous sommes sur la bonne voie, mais il n’y a pas de pallier contrairement à ce qui se dit, il suffit de regarder au-delà de nos frontières pour s’en convaincre.

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