Adèle Haenel accuse le réalisateur Christophe Ruggia d'attouchements et harcèlement sexuel

Publié le Lundi 04 Novembre 2019
Mylène Wascowiski
Par Mylène Wascowiski Rédactrice
Adèle Haenel accuse un réalisateur français d'attouchements et de harcèlement sexuel
Adèle Haenel accuse un réalisateur français d'attouchements et de harcèlement sexuel
L'actrice Adèle Haenel raconte dans Médiapart comment le réalisateur français Christophe Ruggia aurait abusé d'elle lors du tournage du film "Les Diables". L'actrice était alors âgée de 12 à 15 ans.
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Adèle Haenel ne veut plus "accepter l'impunité des bourreaux." Dans une enquête menée par Mediapart, publiée dimanche 3 novembre, l'actrice raconte comment le réalisateur Christophe Ruggia aurait abusé d'elle pendant et après le tournage du film Les Diables, sorti en 2002. A l'époque des faits, Adèle Haenel avait entre 12 et 15 ans.

Selon l'actrice césarisée, celle-ci aurait été victime "d'attouchements sur les cuisses et le torse", de "baisers forcés dans le cou" et d'un "harcèlement sexuel permanent" de la part du réalisateur entre 2001 et 2004. Elle décrit un comportement traumatisant à Médiapart : "Je m'asseyais toujours sur le canapé et lui en face dans le fauteuil, puis il venait sur le canapé, me collait, m'embrassait dans le cou, sentait mes cheveux, me caressait la cuisse en descendant vers mon sexe, commençait à passer sa main sous mon t-shirt vers la poitrine. Il était excité, je le repoussais mais ça ne suffisait pas, il fallait toujours que je change de place."

"Il partait du principe que c'était une histoire d'amour et qu'elle était réciproque, que je lui devais quelque chose, que j'étais une sacrée garce de ne pas jouer le jeu de cet amour après tout ce qu'il m'avait donné", ajoute Adèle Haenel. "A chaque fois, je savais que ça allait arriver. Je n'avais pas envie d'y aller, je me sentais vraiment mal, si sale que j'avais envie de mourir. Mais il fallait que j'y aille, je me sentais redevable."


"Si ma carrière au cinéma doit s'arrêter après cela, tant pis"


Contacté par Mediapart, Christophe Ruggia a refusé de s'exprimer. Il a fait savoir par ses avocats qu'il contestait "catégoriquement" les accusations de l'actrice. L'enquête, menée pendant sept mois, dévoile deux lettres du réalisateur envoyées à l'actrice en 2006, dans lesquelles il évoque son "amour" pour elle. Une trentaine de témoignages recueillis par Médiapart viennent également corroborer les propos d'Adèle Haenel.

Parmi eux, des hommes et des femmes qui décrivent un réalisateur "immature", "étouffant" et "invasif" avec les enfants. La régisseuse générale du film Les Diables, interviewée par Mediapart, se souvient : "Les rapports qu'entretenait Christophe avec Adèle n'étaient pas normaux. On avait l'impression que c'était sa fiancée. On n'avait quasiment pas le droit de l'approcher ou de parler avec elle, parce qu'il voulait qu'elle reste dans son rôle en permanence. Lui seul avait le droit d'être vraiment en contact avec elle. On était très mal à l'aise dans l'équipe."

Après des années de silence, Adèle Haenel est prête aujourd'hui à briser le tabou. Un tabou qui permet aux prédateurs, aux bourreaux, d'agir impunément. "Je veux raconter un abus malheureusement banal, et dénoncer le système de silence et de complicité qui, derrière, rend cela possible", confie à Mediapart l'actrice, très en colère. Une démarche militante qui, espère la comédienne de 30 ans, aidera à faire en sorte que la "honte change de camp".

"Dans ma situation actuelle – mon confort matériel, la certitude du travail, mon statut social –, je ne peux pas accepter le silence", confie-t-elle avant de conclure : "Et s'il faut que cela me colle à la peau toute ma vie, si ma carrière au cinéma doit s'arrêter après cela, tant pis."