"La honte" : les César récompensent Roman Polanski et actent leur indécence

Publié le Samedi 29 Février 2020
Le HuffPost
Par Le HuffPost Média
Adèle Haenel quitte la cérémonie des César 2020
Adèle Haenel quitte la cérémonie des César 2020
Dans cette photo : Roman Polanski
En choisissant de récompenser le réalisateur Roman Polanski, l'Académie des César acte son mépris à l'égard des victimes d'agressions sexuelles. L'actrice Adèle Haenel a quitté la salle à l'annonce du prix.
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"Distinguer Polanski, c'est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, 'ce n'est pas si grave de violer des femmes'", présageait Adèle Haenel quelques jours plus tôt. Ce vendredi 28 février, les votants de l'Académie des César ont pourtant bien choisi de célébrer le cinéaste, lauréat du César de la meilleure réalisation pour J'accuse avec deux autres prix.

Alors que tout le monde attendait de voir comment se déroulerait cette 45e cérémonie des César sous haute tension, Florence Foresti avait ouvert le bal non sans marquer sa position. Dans son monologue d'entrée, la maîtresse de cérémonie a enchaîné les piques à l'encontre du réalisateur, accusé de viol par une dizaine de femmes depuis les années 1970.

L'ombre de Roman Polanski

"Il faut qu'on règle un dossier sinon on va avoir un souci pendant la cérémonie. Il y a douze moments où on va avoir un souci", lançait l'humoriste, en rapport aux douze nominations de Roman Polanski pour ces César. Et d'ajouter: "43 ans après les faits, je ne vais pas régler les problèmes comme ça. À l'époque j'ai trois ans (...) lui il est à Hollywood en train d'essayer de faire rentrer... dans les..."

Elle concluait sous les applaudissements fournis de l'assemblée : J'ai décidé qu'Atchoum n'était pas assez grand pour faire de l'ombre au cinéma français et au reste de la sélection". Sandrine Kiberlain, présidente de cette 45e édition, semblait elle aussi optimiste: "Je suis fière de présider cette cérémonie très particulière, la dernière d'une époque et la première d'une autre."

Oui, mais voilà, les quelque 4300 votants de l'Académie des César ont décidé de ne pas (encore) prendre ce tournant. Lauréat des prix des meilleurs costumes et de la meilleure adaptation, Roman Polanski a été honoré de la meilleure réalisation, l'une des catégories reine de la soirée et hautement symbolique, face notamment à Céline Sciamma et son Portrait de la jeune fille en feu ou François Ozon pour Grâce à Dieu.

Le cinéaste franco-polonais et son équipe ayant finalement décidé ne pas assister à la cérémonie pour "ne pas affronter un tribunal d'opinion autoproclamé", l'annonce de ce prix a été suivie d'un silence de plomb avant que la caméra de la soirée se braque sur Adèle Haenel, rejoignant la porte de sortie d'un pas lourd et s'exclamant : "La honte !".

Adèle Haenel, qui avait brisé courageusement la loi du silence en accusant le réalisateur Christophe Ruggia d'attouchements et de harcèlement sexuel il y a quelques mois de ça, n'est pas la seule à avoir exprimé son désaccord. Si l'on a vu Céline Sciamma et une dizaine de personnes suivre l'actrice vers la sortie, la maîtresse de cérémonie Florence Foresti a elle réagi dans un post Instagram sans équivoque: "Écoeurée." On ne l'a pas revue sur scène après ça.

La place donnée à Roman Polanski est jugée inacceptable par les féministes et une partie de l'opinion publique, alors qu'il est visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol de la part de la Française Valentine Monnier, qui dit avoir été frappée et violée par lui en 1975, alors qu'elle était âgée de 18 ans. Le réalisateur de 86 ans est également toujours poursuivi par la justice américaine pour relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977.

"Si Roman Polanski gagne un ou plusieurs prix, et il y a de fortes chances qu'il soit célébré comme il l'a déjà été, ce sera une honte pour la France", confiait au HuffPost Céline Piques, porte-parole de l'association Osez le féminisme. Le collectif, avec une dizaine d'autres, avait publié une lettre ouverte incitant les votants à "prendre position" et à "refuser de décorer un violeur pédocriminel qui se pose en victime".

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