Une pétition demande l'annulation d''Opération renaissance", l'émission grossophobe de M6

Publié le Vendredi 08 Janvier 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Karine Le Marchand est l'animatrice-vedette de "Opération renaissance", la nouvelle émission de M6 accusée de grossophobie.
Karine Le Marchand est l'animatrice-vedette de "Opération renaissance", la nouvelle émission de M6 accusée de grossophobie.
"Opération renaissance", une émission qui porte très mal son nom feelgood. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses militantes féministes dénoncent le sous-texte grossophobe du nouveau programme présenté par Karine Le Marchand et diffusé sur M6 dès ce 11 janvier. Une nouvelle incarnation de la télé-poubelle ?
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#PasMaRenaissance. C'est sous ce mot-clé qu'internautes et militantes féministes dénoncent aujourd'hui les travers de la nouvelle émission de Karine Le Marchand, animatrice-star de la chaîne M6 : Opération Renaissance. Comme le titre le laisse supposer, le programme met en scène des personnes grosses ayant décidé de subir des opérations chirurgicales, et plus précisément des opérations de chirurgie bariatrique. Le show se définit d'ailleurs de lui-même comme une "série documentaire consacrée à la chirurgie de l'obésité".

Un concept qui fait déjà grincer des dents. Il suffit pour s'en convaincre de lire les mots de Daria Marx, blogueuse et co-créatrice du collectif Gras Politique, initiative de lutte contre les oppressions grossophobes systémiques. Sur son compte Twitter, l'activiste et autrice délivre un joli tacle en ce sens : "Opération 'reNaissance'... comme si on attendait de renaitre pour commencer à vivre, comme si nos vies de gros.se.s n'étaient pas suffisantes, pas assez bien, comme si le seul salut passait par le storytelling de nos existences".

"Téléviser" les personnes grosses avec sensationnalisme n'est pas le moindre des reproches décochés à l'adresse du programme de la sixième chaîne. Celui-ci fait désormais l'objet d'une pétition exigeant son annulation.

Un programme à zapper illico

"Les opérations de chirurgie bariatrique, dont il est question dans l'émission, tels le by pass ou la sleeve gastrectomie, consistant à retirer une grande partie de l'estomac et à provoquer un dysfonctionnement de l'absorption des nutriments, sont des opérations graves et impactantes, qui ne devraient pas être banalisées", fustige d'emblée ladite pétition. Pour Gras Politique, à l'initiative du texte, l'émission ne serait pas simplement voyeuriste : elle serait avant tout irresponsable.

Pourquoi ? Car en en faisant la promotion médiatique, elle risque de banaliser des opérations chirurgicales dont les conséquences médicales peuvent être dramatiques ("éventration, fistules, infections, mort opératoire, dénutrition, perte des cheveux, des dents"), opérations par ailleurs de plus en plus contestées par les professionnels de la santé, "qui eux mêmes doutent de leur efficacité et leur innocuité", nous dit-on encore. Mais ce n'est pas tout.

Le collectif Gras Politique tient aussi à rappeler que "la complexité de l'obésité, une maladie chronique et multi-factorielle, ne peut pas être réduite à une réponse chirurgicale". Maladie qu'Opération Renaissance ne ferait finalement "qu'instrumentaliser". Et le collectif de poursuivre : "Faire croire qu'il existe une solution systématique à l'obésité témoigne d'une méconnaissance totale du sujet, et ce faux message aura des retombées sur la vie des personnes obèses". Le message est passé, et se déploie même sous la forme d'un billet Mediapart très détaillé.

Et la pétition, quant à elle, convainc déjà largement : plus de 6 000 signataires l'ont approuvée sur le web. Dans les commentaires de ce texte fédérateur, on trouve le témoignage de Marc Catala, chirurgien. Et le professionnel de la santé d'abonder : "Cette chirurgie est une chirurgie lourde. La publicité n'y a pas sa place. Chaque cas est particulier. La médecine n'est pas un spectacle". Et l'obésité non plus, pourrait-on ajouter.