Une "médaille de l'égalité" remise à Miss France ? C'est un grand non

Publié le Vendredi 17 Décembre 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Une médaille de l'égalité remise à Miss France ? C'est un grand non
Une médaille de l'égalité remise à Miss France ? C'est un grand non
Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'Egalité femmes-hommes, a remis la médaille de l'égalité à Diane Leyre, élue nouvelle Miss France 2022. Pour l'association Osez le féminisme, il s'agit ni plus ni moins de "feminism washing".
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En octobre dernier, la ministre déléguée chargée de l'Egalité femmes-hommes taxait le concours de beauté Miss France de "has been". Moins de deux mois plus tard, elle remet à la détentrice du titre édition 2022... la médaille de l'égalité pour le "symbole" qu'elle représente. "Miss France doit être un symbole ainsi qu'un vecteur d'égalité et d'émancipation pour les femmes", affirme Elisabeth Moreno. "Miss France doit être à l'avant-garde du combat féministe et à la pointe du combat contre le patriarcat".

Sa décision déconcerte, et il y a de quoi.

La récompense est effectivement difficilement justifiable quand on sait que l'émission consiste à hiérarchiser les femmes entre elles sur des critères en grande majorité physiques. Un principe sexiste, qu'on se le dise, que le comité tente contre vents et marées de camoufler, à coup de discours "émancipateurs" et de déclarations "féministes" de ses candidates.

"C'est ça, être féministe"

La preuve, le jour du sacre samedi 11 décembre, Diane Leyre, la gagnante, lançait devant 7,3 millions de téléspectateurs et téléspectatrices : "Je suis très fière de dire que je suis féministe et Miss France".

Au micro de BFMTV, elle renchérissait le lendemain : "Je ne me suis d'ailleurs jamais sentie aussi féministe que quand je suis montée sur scène aux côtés des autres candidates". Et de réciter une définition bien à elle du terme : "Je pense que quand on a entre 18 et 24 ans, qu'on prend le micro, qu'on défile en maillot de bain devant des millions de téléspectateurs et qu'on décide de prendre le pouvoir de notre vie, c'est ça, être féministe".

S'il est important de marteler qu'il n'en existe pas une seule et unique définition, et qu'il y a autant de féminismes qu'il y a de femmes, il y a des limites. Notamment, celles d'utiliser un concept révolutionnaire pour dissimuler sans les adresser les travers patriarcaux, discriminatoires et dégradants évidents de l'événement centenaire. Ce n'est pas "ça", être féministe. "Ça" a plutôt tout de cynique en réalité.

"Scruter, juger et classer les femmes"

Alors certes, on pourrait aussi se réjouir de voir le mot matraqué en direct sur TF1 lors d'une des soirée les plus regardées de l'année. Mais est-ce vraiment une si bonne nouvelle ? Car il semble désormais récupéré pour un tout autre dessin : celui du "feminism washing".

C'est en tout cas ce que dénonce l'association Osez le féminisme, derrière l'assignation du concours en justice pour atteinte au droit du travail en octobre dernier. "La ministre légitime la stratégie de rebranding et feminist washing de la société Miss France qui n'a pas changé l'objet de son concours depuis 100 ans : scruter, juger et classer des femmes", s'indigne Alyssa Ahrabare, activiste en son sein.

Nous, on se demande : quelle égalité, quel symbole au juste (autre que celui d'un beau discours et d'une diversion face à un bilan gouvernemental pour le moins mitigé) entend récompenser Elisabeth Moreno avec cette distinction remise à une jeune femme qui n'a, par ailleurs, pas commencé à oeuvrer à sa "mission" ? Si on a du mal à élucider le mystère, le message que l'initiative gouvernementale fait passer, lui, est reçu on ne peut plus clairement.