Centre Jean Rostand : femmes en danger cherchent logement sur Paris avant le 31 août

Publié le Lundi 16 Juillet 2012
Centre Jean Rostand : femmes en danger cherchent logement sur Paris avant le 31 août
Centre Jean Rostand : femmes en danger cherchent logement sur Paris avant le 31 août
Il y a un an, le 1er juillet 2011, le Centre d’hébergement d’urgence parisien pour les femmes Yves Garrel, qui offrait 38 places aux femmes sans-abri, avait été fermé. Un nouveau centre a alors été créé en urgence dans l’ancien hôpital Jean Rostand d’Ivry-sur-Seine, mais cet établissement de 52 places n’est pas appelé à perdurer au-delà du 31 août. Retour sur un sac de nœuds administratif qui va laisser sur le trottoir les femmes les plus fragiles, avec Eric Molinié, Président du GIP SAMU Social de Paris.
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Eric Molinié : Le centre d’hébergement d’urgence pour femmes situé au sein de l’ancien hôpital Jean
Rostand à Ivry-sur-Seine a été ouvert dans l’urgence en décembre 2011 afin de pallier la fermeture du centre d’hébergement d’urgence Yves Garrel le 1er juillet 2011, car la quasi totalité des femmes qui y étaient hébergées n’avait pu trouver de solution alternative (transfert vers d’autres places d’hébergement, voire relogement). Une piste de locaux plus pérenne avait dû être abandonnée à l’automne 2011, du fait notamment du refus des riverains quant à l’ouverture d’une nouvelle structure dédiée aux femmes en situation d’urgence. Cela montre toute la complexité du montage de ce type de dispositif et la difficile insertion des publics très désocialisés, notamment les femmes, dont l’organisation de l’accueil reste complexe dans nos quartiers. Le centre d’hébergement d’urgence de Jean Rostand accueille ainsi 52 femmes particulièrement fragiles. Son ouverture a été initialement calée sur la période hivernale qui a pris fin administrativement le 31 mars 2012. L’activité de ce centre a ensuite été prolongée une première fois jusqu’au 31 mai, puis jusqu’au 30 juin 2012, et enfin jusqu’au 31 août. Cette situation très précaire est particulièrement anxiogène tant pour les femmes accueillies que pour le personnel à qui nous ne pouvons - dans ce contexte - que proposer des contrats de travail pour une période limitée. Ce constat est dramatique alors que nous manquons cruellement de places d’urgence dédiées aux femmes isolées à Paris.

Tf. : L’Etat donne un accord de principe pour continuer à financer les places occupées aujourd’hui par ces femmes, à condition qu’un nouveau lieu soit trouvé. Pourtant en 2011, après la fermeture du centre Yves Garrel, les places d’hébergement pour femmes ont failli disparaître parce que l’Etat considérait que la solution proposée par le Samu Social était trop coûteuse. Croyez-vous en un réel engagement de l’Etat pour Jean Rostand ? Les femmes que vous hébergez aujourd’hui auront-elles une place assurée à la fermeture ?

EM : En renouvelant de mois en mois l’autorisation d’ouverture de ce centre, l’Etat a bien conscience de la nécessité absolue de maintenir ces 52 places. Si l’Etat a accepté initialement de les ouvrir au sein du site de Jean Rostand, c’est bien parce que le coût de fonctionnement de la structure proposé par le SAMU social de Paris a été validé et approuvé par le conseil d’administration du GIP (groupement d’intérêt public) que je préside. Mais nous recherchons avant tout, c’est vrai, un lieu susceptible de nous accueillir durablement, car le site de Jean Rostand a un statut particulier : le SAMU social de Paris est actuellement sous locataire de l’AP-HP, et a fait l’objet d’un compromis de vente dans le cadre d’un projet immobilier. Cette solution reste donc très précaire et il faudra vite trouver une ou plusieurs alternatives pérennes. Nous attendons à présent un positionnement clarifié de nos tutelles sur ce dossier prioritaire.

Tf. : On parle de 52 places condamnées à disparaître. Savez-vous combien de femmes dorment dans la rue en France ?

EM : En tant que Président du GIP SAMU social de Paris, il m’est impossible de vous dresser un bilan sur le plan national. En ce qui concerne Paris, il n’y a pas eu récemment de recensement de la population sans-abri. Ce que je peux néanmoins vous dire c’est que le nombre de femmes sans domicile fixe augmente d’année en année. Toutes les associations le disent. Selon les chiffres de l’Observatoire du SAMU social de Paris, parmi les personnes isolées faisant appel au 115 de Paris en 2010, 17 % sont des femmes seules (14 % en 1999). A noter que chaque jour, une vingtaine de femmes isolées en contact avec le 115 de Paris se voient refuser une orientation faute de place disponible (26 femmes pour la période du 7 au 8 mai 2012).

Tf. : Existe-t-il une distinction entre femmes et hommes au niveau des besoins ? Et au niveau des risques ?

EM : Le GIP SAMU social de Paris exerce une mission d’urgence sociale relevant du service public. Notre particularité tient à l’approche transversale qui veut prendre en compte tous les domaines dans lesquels les personnes à la rue peuvent avoir des besoins. C’est une approche médico-psycho-sociale. Si les besoins « primaires » restent identiques entre les hommes et les femmes (se laver, manger, dormir), les femmes se trouvant dans la rue sont beaucoup plus en danger que les hommes. Les risques d’agressions, physiques et surtout sexuelles sont un facteur aggravant de la dangerosité qu’une femme seule peut rencontrer dans la rue.

Tf. : Près de 20.000 internautes ont partagé le court-métrage « cauchemar de femme ». Ce succès a-t-il eu une vraie influence sur la décision de l’Etat vis-à-vis du centre ? Qu’est-ce que la population peut faire d’autre pour empêcher cette fermeture ?

EM : Ce court-métrage a deux objectifs : montrer d’abord que la rue est dangereuse, qu’il fasse froid ou chaud, le jour ou la nuit. La rue reste dangereuse quand le plan hivernal s’arrête mécaniquement au 31 mars de chaque année. Deuxième objectif : interpeller tous les acteurs. L’Etat bien sûr, mais aussi la Ville de Paris, l’AP-HP, qui sont membres fondateurs et financeurs du GIP SAMU social de Paris. L’Etat fait déjà beaucoup : il a contribué à hauteur de 92% de nos financements en 2011 pour un budget qui a augmenté de 26%. Mais il s’agit aussi d’interpeller les citoyens qui pourraient être tentés de bloquer tout projet d’ouverture de centre d’hébergement d’urgence dans leur quartier. C’est un film qui veut éveiller les consciences à la violence de la rue. C’est un film coup de poing, mais qui n’exagère en rien un certain nombre de situations vécues par des femmes dans les rues de Paris.

Voir « Cauchemar de Femme »

Alexandra Gil

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