Les pénis de stars sont-ils devenus les nouveaux boobs ?

Publié le Jeudi 23 Octobre 2014
Ariane Hermelin
Par Ariane Hermelin Journaliste Terrafemina
Journaliste société passée par le documentaire et les débats en ligne sur feu Newsring.fr.
Les pénis de stars sont-ils devenus les nouveaux boobs ?
Les pénis de stars sont-ils devenus les nouveaux boobs ?
Dans cette photo : Perez Hilton
Après s’être repus des images volées révélant les seins ou les entrejambes des actrices, les médias s’attaquent désormais au sexe des hommes. Une bonne nouvelle ?
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En matière de nudité et de voyeurisme, le dernier tabou, le pénis, est-il-tombé ? Depuis quelques années, les sexes d'hommes sont en effet devenus le nouveau Graal dans la presse américaine. Les médias américains raffolent des clichés sur lesquels on devine les attributs des stars. Un phénomène qui ne laisse pas d’étonner : les pénis seraient-ils en passé de remplacer les seins aux Etats-Unis ? Et faut-il voir dans cette nouvelle obsession un progrès au motif que le corps des hommes subit désormais le même sort que celui des femmes ?

Pionnier dans cette chasse aux zizis, le blogueur américain Perez Hilton, qui s’est fait une spécialité de traquer les« renflements » (« bulge », en anglais, ndr) dans les pantalons des stars en goguette, en ne manquant pas de s'extasier crûment sur la taille suggérée de ces attributs sexuels un peu trop laissés en liberté.

Jon Hamm en a marre qu'on parle de son sexe

Victime de cette chasse libidineuse,  Jon Hamm, alias Don Draper dans la série Mad Men. Depuis la publication de quelques photos révélant les attributs disons avantageux du monsieur, celui-ci est devenu en effet l’objet d’une véritable fascination. De nombreux Tumblr sont ainsi consacrés au sexe soit-disant phénoménal de l'acteur qui s’est d’ailleurs agacé par voie de presse de cette obsession légèrement envahissante, alimentée notamment par le site Gawker.

Gawker


Idris Elba, alias Stringer Bell dans la série The Wire, a également eu son moment de gloire « pénienne », mais il a réagi avec plus d’humour. « La bonne nouvelle, c’est que j’ai gagné un grand nombre de followers. La mauvaise nouvelle, c’est que c’est un câble de micro. », a déclaré l’acteur après qu’une photo révélant ses parties génitales a émoustillé la Toile au mois d’août.


Quant à Ben Affleck, sa femme Jennifer Garner s’est chargée à sa place de répondre aux questions au sujet de son phallus, qu’on aperçoit dans une scène de Gone Girl, de David Fincher. Quand le sujet est arrivé sur le tapis, l’actrice, cabotine, a commencé par dire « you’re welcome », avant de révéler qu’en apprenant que son époux allait apparaître nu dans le thriller, elle avait simplement commenté : « Oh, cool ! J’espère qu’on va filmer avec un grand-angle ».


Hommes et femmes à égalité ?

Cette médiatisation des sexes d’acteurs a de quoi laisser rêveur. Cette fascination est-elle due au fait qu’au cinéma ou dans les séries, les corps d’hommes, et au premier chef leur parties génitales, sont beaucoup moins mis en avant que ceux de leurs partenaires féminines à l’écran ? Il est en effet commun de voir les seins des actrices. Comme le notent les journalistes de The New Republic, Esther Breger et Hillary Kelly, dans un article consacré à cette nouvelle obsession pour les sexes d’hommes, celui de Michael Sheen ne montre à aucun moment le bout de son nez dans la série Masters of Sex, alors qu’on voit la poitrine de sa partenaire Lizzy Caplan abondamment dans leurs scènes ensemble. Serait-ce donc cette pénurie de zizis qui expliquerait ce nouvel intérêt lubrique des médias ?

Et doit-on se réjouir de ce renversement de situation qui met les deux sexes à égalité, du moins en ce qui concerne le voyeurisme de la presse ? Si Idris Elba s’en est tiré avec brio quand les journaux et autres sites se sont emballés au sujet de son « serpent », on peut également comprendre que Jon Hamm ne sache plus faire preuve d’humour après les dizaines d’articles consacrés à son membre parus dans la presse. Tout comme on ne peut s’empêcher de ressentir de la gêne en découvrant l’interview de Justin Theroux, soit Monsieur Aniston, interrogé par Conan O’Brien sur ses attributs, qu’on devine dans une scène désormais célèbre de jogging dans la série The Leftovers.


 

Oui, c'est un pénis, so what ?

Mais, après tout, les actrices ne sont-elles réduites à des objets depuis belle lurette, et leur anatomie abondamment disséquée ? Il suffit de penser aux réactions sur les réseaux sociaux au moment du piratage des photos de stars. Ou encore à la tirade récente de Jennifer Garner, encore elle, qui a fait justement remarquer qu’alors qu’elle écopait de questions sur la manière dont elle parvenait à équilibrer carrière et famille, son époux, lui, était interrogé sur la poitrine d’Emily Ratajkowski, sa partenaire dans Gone Girl. Les femmes réduites à des objets sexuels, ça ne date pas d'hier.

Pour autant, voir dans la médiatisation des pénis une  évolution positive en termes d’égalité hommes-femmes semble absurde, tout comme le fait de souhaiter que les hommes subissent le même sort que les femmes paraît contre-productif. Personne ne devrait encourager la violation de la vie privée qu’endure continuellement Jon Hamm. Et encore moins en rire. Au fond, comme dans le scandale des photos piratées de Jennifer Lawrence, on a envie de répondre aux médias qui font des gorges chaudes des sexes proéminents des stars : « Oui, c’est un pénis. La moitié de la population environ en est dotée. So what ? »