





N'est pas humoriste qui veut, et non, on ne peut pas rire de tout. En tout cas pas tout le monde, pas comme ça. Le 6 juillet, Hatik était sur la scène du festival Les Ardentes. Lors d'un interlude, le rappeur a trouvé bon de faire une blague au sujet de son régisseur, Lucas. Ce dernier venait de le rejoindre sur scène pour régler un problème technique. Pour faire patienter son public, l'interprète d'"Angela" les invite à chanter en cœur "et pour Lucas allez, allez !". Jusqu'ici tout va bien, mais c'est après que ça se gâte.
Tout à coup, Hatik s'interrompt et déclare : "Stop, il faut dire aux gens que c'est un agresseur sexuel reconnu. Il ne faut pas dire "pour Lucas allez, allez"." Il se retourne ensuite vers les coulisses et lance "vas te cacher Lucas !" à l'attention de son régisseur qui a quitté la scène. Premier malaise.
Le rappeur poursuit ensuite comme si de rien n'était : "d'ailleurs j'en profite" mais s'interrompt à nouveau pour dire : "Je rigole, c'est un super bon mec". Faussement accuser un homme de violences sexuelles, la dimension comique nous échappe. Sans compter qu'à l'heure où les femmes qui dénoncent leurs agresseurs sont encore constamment remise en question et accusées de menteuses, le sujet est d'autant plus sensible.
La démarche d'Hatik par la suite ne parviendra pas à réparer les pots cassés. "J'en profite, s'il y a une fille qui sent un truc bizarre, n'hésitez pas à me le dire, j'adore me battre quand je suis sur scène, poursuit-il. Vous faites un petit signe comme ça (il lève la main et repli les doigts, imitant le signe identifié comme un moyen pour les femmes d'alerter discrètement si elles sont en danger) et Superman déboule."
L'intention est bonne car le rappeur invite les femmes de son public à alerter si elles sont en danger. Mais est-ce la meilleure manière de le faire ? Surement pas. Premièrement, juste après avoir ironisé sur le fait que son régisseur est un agresseur sexuel, le sujet semble dés lors léger au lieu d'être pris au sérieux. Deuxièmement, le fait de provoquer le rire du public en se présentant comme un sauveur donne encore l'impression que le rappeur ne traite pas le sujet aussi sérieusement qu'il le devrait et pire encore, qu'il s'en sert pour se faire briller. Et si l'on va au bout des choses, pris dans le feu de l'action de son concert, pourrait-il vraiment prêter attention aux signaux d'une femme qui tenterait de l'alterter sur les violences qu'elle est entrain de subir ? Difficilement.
La démarche du rappeur n'est pas à proscrire entièrement, mais la manière de faire est clairement à revoir. La prochaine fois, pourquoi ne pas reléguer l'humour aux sujets drôles et préférer un message de prévention sur le ton qui convient ? Sinon, mieux vaut peut-être s'abstenir.