






"Elle a pas l'air traumatisée", "Déjà ?", "Elle n'a pas perdu de temps la Gisèle"
Voilà tout ce que l'on peut-on lire dans les nuées de commentaires nauséeux qui se cristallisent autour de quelques photos divulguées par le magazine Paris Match : on y voit Gisèle Pélicot aux côtés de ce qui semble être son nouveau compagnon. Le tout se retrouve dans un reportage de quelques pages sobrement intitulé : "Gisèle Pélicot : sa part du bonheur".
Une bribe de vie privée que la principale concernée aurait certainement préféré maintenir secrète, des mots mêmes de son avocat. D'autant plus, quand l'on s'aperçoit sur les réseaux sociaux, les misogynes sont de sortie, avec bien des sous entendus nauséeux en prime.
"Elle en a pas marre de s'afficher constamment ! Décidément le tribunal lui manque", "Elle veut étaler son malheur et cacher son bonheur", "Elle a trouvé un mec ?", "Waouw le mec a la dalle", "Elle se remet déjà avec un mec, je rêve", commentent effectivement sur Twitter des internautes malveillants qui semblent se divertir face à ce diaporama.
Oui, on parle bien de réflexions décochées à l'encontre d'une victime de viols...
Pour rappel, le 19 décembre dernier, l'ex mari de Gisèle Pelicot, Dominique Pelicot, a été condamné à 20 ans de réclusion pour viols aggravés sur sa femme.
Il est reconnu coupable de l'avoir droguée, violée et fait violer par au moins 51 autres hommes, tous reconnus coupables par la cour. Viols commis sous soumission chimique au sein même de leur domicile, et filmés. Sa propre fille également l'accuse de viols incestueux.
Alors qu'il est question dans Paris Match de sa reconstruction personnelle et conjugale, bien des commentaires sur la Toile tutoient le sexisme décomplexé à l'encontre de Gisèle Pelicot et de son nouveau compagnon, immortalisé par les flashes des photographes. Et on observe volontiers de la part des anonymes une volonté de nuire à la principale concernée.
Ce sont des réactions qui en disent long sur un stéréotype flagrant de sexisme, qui alimente les discours masculinistes : celui de la "mauvaise victime". C'est à dire, des femmes dont les attitudes, prises de parole, situations, sont considérées comme décrédibilisant leur témoignage. En l'occurrence, ici, il ne semble pas admis que Gisèle Pélicot ait "le droit" à une nouvelle relation.
Une sentence typique dans le cas des victimes de viols, hélas.
On peut voir là une quintessence du victim blaming : cette inversion entre coupable et victime, qui fait porter sur le dos de celle-ci une permanente remise en question des violences subies, et ce bien après les faits. Cela s'envisage à chaque fois qu'une victime de violences sexuelles est publiquement montrée sous un jour positif, souriante, battante, vraisemblablement heureuse.
Tout cela renvoie également à bien des préjugés et des images d'Epinal associés aux victimes : les "bonnes victimes"... C'est également cela qui alimente la "culture du viol" : cette euphémisation permanente et très rhétorique des violences sexuelles et de la situation, physique et psychologique, des victimes.
Gisèle Pélicot n'a-t-elle pas droit à "sa part du bonheur" ?
Une injustice certaine que bien des réparties à cette question rhétorique, tant et si bien que de nombreuses personnalités ont déjà réagi.
Comme Marina Kaye, célèbre chanteuse, s'exprimant ainsi dans un coup de gueule sur ses réseaux sociaux : "Je suis absolument écœurée par tous ces commentaires. Décidément rien n’évolue vraiment. Je souhaite à cette dame de trouver la paix comme elle le peut après les horreurs qu'elle a vécues".